François Fillon, le candidat pro-famille de la droite de conviction ? A d’autres !

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Il est donc élu pour être le candidat de la droite sans convictions : avec les deux tiers des suffrages exprimés au second tour de la primaire de la « droite », François Fillon a remporté un succès aussi ample qu’inattendu. Deux grands axes de son programme peuvent expliquer l’engouement des Français (ou le vote tactique des adversaires de gauche ou du FN) : un projet économique libéral, qui semble vouloir entamer le carcan de l’Etat sur l’entreprise, et des mesures « pro-famille », et défavorables aux prochaines innovations demandées par le lobby LGBT.
 
C’est à ce titre qu’il est salué comme le candidat de la « vraie droite » et que les analyses abondent, mettant notamment en garde Marine Le Pen contre le plus dangereux de ses adversaires potentiels. Aurait-il voulu tailler sur mesure une image faite pour attirer l’électorat de la droite de conviction, et plus encore de la droite catholique, soucieuse du respect des « points non négociables » autour du respect de la vie, de la famille, et de la liberté d’éducation, qu’il n’aurait pas fait autre chose. Tous ces points sont très gravement défaillants dans le programme du FN. Mais l’image qu’on a fabriquée autour de Fillon est mensongère.
 

La « droite de conviction » s’est laissé séduire par Fillon

 
Ludovine de La Rochère, présidente de la Manif pour tous, a clairement laissé entendre sa préférence. Et dimanche soir, un communiqué officiel du mouvement déclarait :
 
« Tout au long de la campagne de cette primaire, François Fillon a précisé son programme et sa proposition phare : réécrire la loi Taubira pour réserver l’adoption plénière aux couples homme/femme. Le refus de la diffusion du genre à l’école, l’interdiction de la PMA “sans père”, l’engagement pour l’abolition universelle de la GPA, pratique scandaleuse d’exploitation des mères porteuses, le rétablissement de l’universalité des allocations familiales, le relèvement du plafond du quotient familial à 3.000 €, le maintien des aides fiscales et sociales à destination des emplois familiaux : le programme de François Fillon pour reconstruire la famille est pertinent. C’est cette ambition nouvelle qui est aujourd’hui largement récompensée dans les urnes. “Cela va dans le bon sens, c’est encourageant, mais nous restons bien entendu très vigilants”, précise Ludovine de La Rochère. Les sympathisants de La Manif Pour Tous ont montré leur liberté et leur maturité politique. Si ce résultat fait naître chez les sympathisants de la droite et du centre une espérance, elle ne saurait être déçue. »
 
S’il s’agit de constater que la question de la famille est capable de mobiliser, c’est exact, et on peut s’en réjouir. Mais pour ce qui est du programme de François Fillon, on est loin, très loin des exigences de la droite de conviction.
 

François Fillon candidat pro-famille ? Non : pro-avortement !

 
On notera d’abord que non seulement François Fillon n’entend pas revenir sur la loi Veil, ni sur le « droit à l’avortement » auquel cette loi a donné naissance. Pire : il a déclaré « inqualifiable » l’assertion de son adversaire Juppé selon laquelle il entendait sur l’IVG :
 
« Jamais je n’aurais pu penser que mon ami Alain Juppé tombe aussi bas. Ça fait 30 ans que je suis parlementaire. Est-ce qu’une seule fois j’ai pris une position contre l’avortement ? Une seule fois ? Est-ce que vous avez vu une seule fois dans un programme de François Fillon des propos concernant le retour sur la loi Veil ? Jamais ! Voilà ! Alors, que la campagne reprenne sa dignité, et qu’on cesse des polémiques qui sont inqualifiables, qui, franchement, abaissent le niveau. »
 
Vouloir mettre fin au massacre des innocents, au génocide silencieux, à « la plus grande menace pour la paix aujourd’hui » comme le disait sans peur Mère Teresa en recevant son prix Nobel, c’est donc selon le candidat à la présidence de la France une manière de remuer la boue, de salir le débat, et surtout de mettre fin définitivement à tout espoir d’entrer à l’Elysée. Il est vrai que Fillon n’est pas seul à le penser : aucun candidat participant à la course, pas même Jean Frédéric Poisson, n’était prêt à remettre en cause le principe de la loi Veil (pas plus que Marine Le Pen, d’ailleurs). Mais Fillon fait partie de ceux qui ont systématiquement accepté son aggravation législative. Faut-il avoir perdu le sens des proportions pour considérer cela comme un aspect marginal de la vie politique !
 

François Fillon : la loi Taubira sans l’adoption plénière, une solution impossible

 
Fillon affirme vouloir réécrire la loi Taubira en refusant aux couples de même sexe la seule adoption plénière. La Manif pour tous semble vouloir s’en accommoder, comme s’il ne fallait pas d’abord démanteler une loi mauvaise par principe plutôt que de retoucher légèrement son impact sur la filiation. La promesse est en outre inopérante d’emblée : opérer une discrimination à l’égard des couples de même sexe à l’intérieur du mariage, c’est s’assurer une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme, qui n’exige pas les mêmes droits pour tous au mariage ou à l’union civile, mais qui à l’intérieur de ces cadres, ne tolère pas qu’on distingue entre « hétéros » et homosexuels en n’accordant pas les mêmes droits à tous.
 
Pour ce qui est du « genre à l’école », c’est alors que François Fillon était premier ministre que celui-ci a fait son apparition dans les programmes scolaires. On ne sache pas qu’il se soit mobilisé contre ce scandale.
 
Alors, « moins pire » qu’Alain Juppé ? Sans doute. Mais François Fillon est loin d’être la panacée, il est un candidat de plus qui espère obtenir les voix de la droite de conviction sans porter dans les faits atteinte à la culture de mort qui nous régit.
 
Sur le plan de l’islam, aussi, ses actes en tant que Premier ministre contredisent ses paroles de candidat : c’est lui qui a inauguré sans arrière-pensée la mosquée d’Argenteuil en 2010.
 

“Le Monde” au secours de Fillon, moins pro-famille qu’il n’y paraît

 
“Le Monde” lui a d’ailleurs décerné des points en matière de politiquement correct, à quelques jours du deuxième tour, le 24 novembre. Le « quotidien de référence » a dénoncé « trois intox sur François Fillon », histoire de bien faire comprendre qu’il n’y aura rien à craindre de sa part dans les domaines sensibles des « femmes au foyer, avortement, islamisme ».
 
Non, assure Le Monde, François Fillon n’a jamais voulu un « statut de la femme au foyer », cela n’est pas dans son programme, il souhaite juste aider les femmes à concilier travail et maternité. Le politiquement correct peut admettre sans approuver tout à fait ce que l’on pourrait interpréter comme « une conception réductrice de la place de la femme, qui serait trop vite renvoyée à son rôle de mère ».
 
Pour ce qui est de l’avortement, le journal souligne qu’en dépit de quelques déclarations « ambiguës » en direction de Sens Commun, « François Fillon n’a jamais montré des velléités de s’attaquer à l’IVG en tant que premier ministre ou ministre. Il a d’ailleurs voté en 2014 une résolution réaffirmant le caractère de droit fondamental de l’interruption volontaire de grossesse. » Fermez le ban. On continuera de tuer tranquille.
 

La droite de conviction sans conviction

 
Et pour ce qui est des mosquées, le quotidien de la bien-pensance maçonnique récuse l’idée que Fillon ait pu inaugurer une « mosquée salafiste » comme l’en accuse le secrétaire général du Front national, Nicolas Bay. La mosquée d’Argenteuil est tout ce qu’il y a de plus compatible avec la République laïciste, affirme Le Monde, et son imam Nabil Guettaf est « clairement engagé dans la lutte contre la radicalisation ». Fillon est donc un ami de l’islam, de cet islam « laïco-compatible ».
 
La parution de ce billet rassurant dans un journal comme Le Monde en dit long sur l’absence totale de rupture de François Fillon à l’égard des grandes lignes qui marquent aujourd’hui aussi bien la politique en France que les principes de la gouvernance globale.
 
Sur un plan plus anecdotique, cela est illustré par le fait que les bras droits de campagne de François Fillon et d’Alain Juppé, le député Jérôme Chartier, porte-parole du premier, et l’adjointe au maire de Juppé à Bordeaux, Virginie Calmels, sont en couple dans la « vraie vie ». Derrière les spots, il y a toujours un jeu d’ombres.
 

Anne Dolhein