
Bizarrement quand c’est Hugh Grant qui le dit, les gens écoutent mieux ! On casse le plafond de verre des rapports paramédicaux ou parascolaires et on lit la bonne nouvelle dans Vanity Fair, Elle et Gala… Oui, les écrans ont envahi les écoles et les enfants en payent les pots cassés : c’est le récent coup de gueule de l’acteur britannique qui est tout indiqué pour en parler, ayant cinq enfants âgés de 7 à 14 ans. Aujourd’hui, il mène une véritable campagne pour bannir les ordinateurs portables et les tablettes des salles de classe. Il faut, selon ses mots, un « ensemble d’écoles héroïques » qui brisent « le moule » actuel de l’éducation, des écoles où le grand air est également privilégié, la confrontation au réel vécue et assumée. Des écoles où l’enfant se construise librement et réellement, sans interférence.
Une éducation vintage ? Sans qu’il soit question de rejeter en bloc tout moyen technologique, il est essentiel et urgent de dégager les enfants de cet enfermement et de cette dépendance palpables. Les écoles mais aussi malheureusement les familles font trop le jeu de cet envahissement organisé.
Hugh Grant veut faire « tanguer » les parents
Un énième « parent en colère qui mène l’éternelle, épuisante et dépressive bataille avec des enfants qui ne veulent qu’être devant un écran »… Voilà comment se définit Hugh Grant. Et comment se définissent, assurément, l’immense majorité des parents à l’heure d’aujourd’hui. Si le combat est tel, déjà, à la maison, il est évidemment essentiel que l’école mène le même : c’est l’idée !
Lors d’un événement organisé par l’association « Close Screens, Open Minds » dans une école londonienne, la star de Coup de Foudre à Notting Hill a proposé tout simplement de bannir les smartphones et les technologies éducatives (EdTech) des salles de classe, comme le rapporte The Telegraph. « La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est quand l’école a commencé à dire, avec une certaine suffisance : “Nous allons donner à chaque enfant un Chromebook, ils vont apprendre leurs leçons sur leur Chromebook, ils vont faire tous leurs devoirs sur leur Chromebook.” C’est la dernière chose dont ils ont besoin. Et la dernière chose dont nous avons besoin. »
Précisons qu’en Angleterre, selon un rapport publié en 2023 par le ministère de l’éducation, 98 % des enseignants utilisent la technologie dans le cadre de diverses activités en classe, et plus de 9 élèves sur 10 dans les écoles primaires et secondaires du Royaume-Uni ont désormais accès à des ordinateurs portables et à des tablettes.
Le règne des hormones du plaisir dans l’apprentissage au sein des écoles
Figurait à ses côtés une figure connue de ce combat brûlant, le psychologue américain Jonathan Haidt, auteur de The Anxious Generation que nous avons déjà évoqué ici sur RiTV. Lui aussi milite pour des écoles sans téléphone, mais aussi l’interdiction des smartphones aux moins de 14 ans et l’interdiction aux moins de 16 ans d’utiliser les réseaux sociaux, tout ceci entraînant selon lui une « épidémie de maladies mentales » : si la technologie doit avoir un rôle à jouer à l’école, ce n’est certainement « pas sur les bureaux des enfants ».
L’apprentissage par les écrans joue sur leur cerveau de manière avérée. Jonathan Haidt a évoqué sur le même plateau que Hugh Grant les applications de mathématiques et d’orthographe qui récompensent les élèves par des jetons colorés, des icônes et des émojis : « Si vous transformez un quart de la journée scolaire d’un enfant en temps de jeu au moyen de ces récompenses rapides, les neurones dopaminergiques de l’enfant s’habitueront à cette stimulation constante et deviendront moins réactifs, nécessitant davantage de stimulation pour que l’enfant se sente dans un état normal. Cela signifie que l’enfant trouvera douloureusement ennuyeux tout ce qui n’est pas jeu ! C’est ce que nous avons fait à nos enfants en leur donnant des appareils à l’école. »
Il met en exergue la baisse du niveau des tests scolaires qui a eu lieu à partir de 2012. « Je ne sais pas si c’est à cause des téléphones, ou parce que c’est à ce moment-là que nous avons mis les iPads et les Chromebooks sur les bureaux des enfants. Quoi qu’il en soit, dès que nous avons introduit les technologies de l’information et de la communication, les résultats ont chuté. » Il y a un an, une étude financée par la Nuffield Foundation révélait que les élèves en Angleterre pourraient « être confrontés aux pires résultats » aux examens nationaux GCSE (General Certificate of Secondary Education) depuis des décennies – à noter que les confinements liés au Covid y ont leur part. Mais, plus globalement, c’est réellement tout le système éducatif mondial qui est concerné.
Pour Hugh Grant qui a usé de son cynisme légendaire pour tacler établissements scolaires et gouvernement, c’est aux parents qu’il faut s’adresser, c’est aux parents de se redresser.
Pas avant 6 ans ? Pas avant le plus longtemps possible…
Les avertissements pleuvent pourtant depuis longtemps. Aujourd’hui même, 29 avril, une tribune a été publiée par cinq sociétés savantes dont la Société française de pédiatrie (SFP) appelant « à une prise de conscience collective ». Le rapport « Enfants et écrans. A la recherche du temps perdu » remis, il y a exactement un an, à l’Elysée n’est, pour elles, pas suffisant. « En 2025, le doute n’est plus permis : ni la technologie de l’écran ni ses contenus, y compris ceux prétendument éducatifs ne sont adaptés. (…) Pas d’écran avant six ans. »
Mais les dangers de la surexposition, voire de l’exposition tout court sont aussi vrais pour les plus grands. Les adolescents ne sont pas prêts pour affronter ce que la pédiatre Sylvie Dieu Osika appelait une « drogue » – une addiction à laquelle, qui plus est, certains ont grand intérêt financier. Les écueils sont trop nombreux et trop dangereux en regard de l’immaturité de leur intelligence, de leur développement émotionnel et de leur volonté : c’est une soumission à tous niveaux.
Je me rappelle ces parents pleins de bonne volonté qui, il y a environ 10 ans, avaient préféré donner un smartphone à leurs aînés de 13/14 ans, avec contrôle parental et règles établies, se disant qu’ils arriveraient mieux à se contrôler, parvenus à la majorité : ce fut un échec majeur qu’ils ont eu l’humilité de reconnaître. Les petits frères et sœurs n’ont pas été logés à la même enseigne…