Djakarta : le bon islam inclut le climat dans la spiritualité globale

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Alors que la rue musulmane, du Maroc à l’Indonésie en passant par la Seine-Saint-Denis, a bruyamment manifesté sa joie après l’attaque du Hamas contre Israël, l’islam modéré et humaniste, en l’espèce le Conseil musulman des anciens, organisait le 8 octobre à Djakarta une conférence intitulée : « Asie du Sud-Est : les religions et le réchauffement du climat », à laquelle ont assisté 150 représentants de diverses religions, universitaires et penseurs, en prévision du sommet mondial des chefs religieux qui doit avoir lieu les 6 et 7 novembre à Abou Dhabi, capitale des Emirats arabes unis. Un nouveau pas vers une spiritualité globale préparée depuis de nombreuses années par l’ONU et que les « grandes religions » promeuvent.

 

La spiritualité élevée de l’islam selon Al-Tayeb

C’est Ahmed El-Tayeb, le grand imam de la mosquée Al-Azhar du Caire qui présidait cette rencontre. C’est un peu l’anti-Tarik Ramadan. Il a fait ses études à la Sorbonne avant d’y enseigner, il a traduit plusieurs livres du français en arabe, a été grand Mufti d’Egypte, puis, nommé en 2010 à Al-Azhar par Moubarak, il s’y est opposé aux Frères musulmans et a fait passer des textes « démocratiques » et « humanistes », insistant notamment sur la séparation des pouvoirs, la nécessité d’une constitution, la liberté d’expression, de recherche scientifique et de religion. Il a rencontré en 2016 la pape François au Vatican avant de le recevoir l’année suivante au Caire, et de participer en 2019 avec lui à la « Conférence globale pour la fraternité humaine » à Abou Dhabi, déjà.

 

Le bon islam et la fraternité globale

Cette conférence, organisée comme il se doit par le Conseil musulman des Anciens, dont le siège se trouve à Abou Dhabi, a été ouverte par Nahyan ben Moubarak el Nahyan, le ministre de la Tolérance des Emirats arabes unis, afin « d’encourager la compassion, le respect et la compréhension entre les communautés, cultures et religions différentes » et d’appeler à « combattre l’extrémisme, les préjugés, la haine, l’agression, l’avidité et l’oppression qui violent l’idée même de fraternité humaine ». Participaient aux travaux d’autres représentants des « grandes religions », dont Michel Schudrich, grand rabbin de Pologne, qui a parlé de « tolérance mutuelle » et des nombreuses façons d’envisager « le chemin vers Dieu ». Ahmed El-Tayeb et François ont signé à la fin un « document sur la fraternité humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune » dont se sont inspirées les Nations unies, pour faire du 4 février une Journée internationale de la fraternité humaine, et François, pour la rédaction de son encyclique Fratelli Tutti en 2020.

 

L’islam en Orient, les chrétiens… à l’Ouest

Dans une approche à la fois conforme à l’islam et à l’humanisme maçon, le Conseil musulman des Anciens combine politique, culture et religion sous un angle résolument moral. Sur son site, orné d’une photo d’Ahmed El-Tayeb et de François, il a pour slogan de faire le pont entre l’Orient et l’Occident, le christianisme étant explicitement limité à l’Occident, ce qui en dit long sur la manière dont sont considérées les chrétientés d’Egypte, d’Arménie, de Syrie, du Liban, et sur un certain mépris de la géographie : le Sahara occidental se situe 7 degrés plus à l’ouest que l’Irlande. C’est que le projet du Conseil musulman des Ancien est idéologique. Il entend restaurer le rôle des intellectuels pour « améliorer les sociétés de l’islam » et « promouvoir la réconciliation ». De même milite-t-il pour « le pluralisme des religions et la liberté de croyance ». Enfin, pour lui, les religions ont le devoir de « soutenir la citoyenneté et consolider les principes humains ».

 

A Djakarta, le climat nouvelle frontière des religions

C’est dans cet esprit que les délégués à la conférence de Djakarta ont apporté leur soutien à la COP28 qui se tiendra à Abou Dhabi à la fin de l’année, et dit leur espoir qu’elle contribue à lancer des solutions efficaces sur la question du climat et d’un meilleur avenir pour l’humanité. En conclusion, ils ont souligné que les chefs religieux ont la responsabilité historique de contribuer à la protection de la planète, donc de condamner fermement les politiques qui aggravent la crise du climat. Et de presser les politiques, les économiques et les entreprises d’agir en urgence pour atténuer les causes du changement de climat qui menace la vie sur terre. En recommandant plusieurs initiatives : la transition vers des énergies « amies de l’environnement », économie circulaire, susciter la prise de conscience des questions écologiques, et, ce qui laisse subsister une certaine ambiguïté, « insérer des programmes d’éducation religieuse ».

 

Une spiritualité globale inspirée par le climat

Où et à quelles fins ? La conférence de Djakarta propose aussi un dialogue régulier entre grands patrons et religieux pour soumettre la pratique des affaires aux valeurs éthiques et religieuses. Et elle a précisé lesquelles, appelant les chefs religieux, à l’échelon continental et global à combattre le changement de climat en tirant parti d’enseignements fondés sur la foi et de toutes formes de pratiques religieuses, afin d’augmenter la conscience qu’a la planète du changement de climat et de ses effets. Et d’inclure carrément « l’éducation au changement de climat et au développement durable » dans l’enseignement religieux. On ne saurait plus simplement exprimer la soumission du religieux au politique, l’instrumentalisation des « grandes religions » par le mondialisme, la « remastérisation » de leurs dogmes en fonction du mythe du changement de climat par l’homme. Cette mise en laisse du spirituel par le temporel, esquissé voilà quinze ans à Ryad par Nicolas Sarkozy, est désormais porté par le bon islam, l’islam tolérant. Le Conseil musulman des anciens présentera à la COP28 un « pavillon de la foi » qui « servira de plateforme globale au dialogue inter-religieux sur la question du changement de climat ». Le climat est l’un des puissants moyens de la révolution qui mène à une spiritualité globale.

 

Pauline Mille