Au Japon, la rédaction robotisée de JXPress produit de l’info en éliminant 99 % des “fake news”

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C’est une start-up qui dément toutes les promesses des technocrates à propos de l’indispensable « touche humaine » qui garantit les emplois dits intellectuels : JXPress, fondée au Japon en 2008, produit de l’information en l’absence de tout journaliste, traquant les nouvelles sur les réseaux sociaux. Ses patrons revendiquent un taux de 99 % d’élimination des fausses nouvelles : les « fake news » que leurs robots risqueraient de reprendre font l’objet de vérifications grâce à l’intelligence artificielle qui permet, disent-ils, une fiabilité quasi totale.
 
Basé à Tokyo, JXPress emploie 24 personnes d’une moyenne d’âge de 29 ans. Mais ce n’est pas chez eux que l’on trouvera l’ambiance fébrile et amicale des rédactions qui fonctionnent bien. Les deux tiers des employés sont des ingénieurs, motif de fierté pour le fondateur Katsuhiro Yoneshige qui a trouvé le moyen d’éliminer non seulement les « fake news » mais de remplacer des gens du verbe par des scientifiques. C’est certainement plus facile à gérer. Mais les machines qu’ils font fonctionner ont-ils le sens de la formule ? Et celui de l’éthique ?
 
Il va de soi qu’il ne saurait y avoir d’informations sans intervention humaine préalable. Ce ne sont pas les caméras, les enregistreurs ou les algorithmes qui peuvent débusquer un fait divers, écouter et analyser un discours, porter un jugement sur une actualité qu’il faut d’abord identifier. Ce sont les internautes, abonnés des réseaux sociaux, qui font ce travail préalable : n’oubliez jamais que sur Internet, le produit, c’est vous !
 

La rédaction robotisée de JXPress ne compte aucun journaliste

 
Les algorithmes d’intelligence artificielle de JXPress se contentent, eux, de parcourir le Web, de « trouver » des sujets dans les messages postés sur Facebook, Twitter ou ailleurs, puis de leur donner une forme journalistique sans la moindre intervention de journalistes. Impossible de juger du résultat sans l’avoir vu, mais notons tout de même que dans un monde de la presse ou les journalistes sont nombreux à se copier les uns les autres en fournissant de l’information supposée brute et neutre, l’exploit ne semble pas impossible. Quant à sa qualité littéraire, humaine, rédactionnelle, il est permis d’avoir quelques doutes.
 
Pour ce qui est de la traque des fausses informations, c’est l’envergure des données analysées qui permet d’obtenir des résultats. Yoneshige cite ainsi le cas des tremblements de terre qui avaient frappé Kumamoto au sud-ouest du pays en avril 2016. Peu après le séisme, des photos avaient commencé à circuler sur les réseaux sociaux montrant un lion « échappé » d’un zoo local et dont on disait qu’il était en liberté dans la ville. JXPress, grâce à son système Fast Alert, a pu rapidement établir que la photo venait à l’origine d’Afrique du Sud. Cela est possible aussi pour un journaliste en chair et en os, mais demande du temps et des instruments de recherche adéquats – ceux dont on dispose ne sont pas toujours à la hauteur.
 

Au Japon l’info dépend déjà partiellement de l’intelligence artificielle utilisée pour identifier les “fake news”

 
Rien ne remplace certes la jugeote mais hélas, celle-ci n’est pas non plus la chose la mieux partagée au monde parmi les journalistes souvent soumis aujourd’hui à des rythmes infernaux. Reste que l’intelligence artificielle prend en compte une multiplicité de facteurs, qui vont de l’analyse de texte et de photos jusqu’à celle des points d’exclamation, pour débusquer essentiellement des faits divers. C’est en tout cas ainsi que fonctionne JXPress qui recherche ces derniers au Japon et dans les environs, s’appuyant sur des comptes Twitter et médiatiques « sûrs » pour récupérer les informations étrangères et offrir le premier des articles sur l’actualité internationale. C’est lui par exemple qui a le premier annoncé, au Japon, l’assassinat du frère de Kim Jong-un dans un aéroport de Malaisie, une demi-heure avant le premier journaliste physique à avoir repris l’information.
 
Chose inquiétante, les plus gros diffuseurs japonais achètent des articles à JXPress, ainsi que l’accès aux services de Fast Alert. On n’imagine guère de meilleur moyen d’uniformiser l’information.
 
Sans surprise, JXPress a le soutien de plusieurs financiers de haut vol : le géant des médias japonais Nikkei ainsi que Mitsubishi UFJ Capital et CyberAgent Ventures.
 
Je ne saurais vous dire si les éléments factuels de l’article ci-dessus ont été produits par une machine ou rapportés par un confrère. Les ramifications du monde virtuel ne cessent de s’étendre…
 

Anne Dolhein