JO : succès du deuxième test de surveillance par Intelligence Artificielle

JO surveillance Intelligence Artificielle
 

Ce week-end des 20-21 avril a eu lieu le deuxième grand test des systèmes de surveillance par Intelligence Artificielle (IA) que compte déployer Paris pour les Jeux olympiques de cet été. Après un essai les 3 et 5 mars derniers, à l’occasion des deux concerts du groupe Depeche Mode à l’Accor Arena de Bercy, cette technologie inédite de surveillance des foules a été utilisée dans quatre gares, à proximité d’un concert pop des Black Eyed Peas et d’un match de football entre le Paris Saint-Germain et l’Olympique de Lyon. Plus de cent caméras dotées d’intelligence artificielle ont fourni leurs images à un logiciel de gestion de foules.

Quant à la reconnaissance faciale, on nous assure qu’elle n’y figure pas. Mais son développement mondial tous azimuts, jusque dans les aéroports canadiens, sème le doute.

 

Des caméras « intelligentes » pour les JO

Le déploiement effectif de la surveillance par IA, dans la région parisienne, est prévu du 26 juillet au 11 août. Le logiciel d’analyse des flux vidéo à la recherche de menaces dans l’espace public est fourni par quatre sociétés : Videtics, Orange Business, ChapsVision et Wintics. Le système pourra officiellement signaler huit catégories d’événements différentes : mouvement de foule, attroupement anormal, objet abandonné, présence ou usage d’armes, personne au sol, incendie, non-respect du sens de circulation ou franchissement d’une zone interdite.

L’usage de la vidéo-surveillance algorithmique (VSA) a été expressément autorisée pour l’événement, grâce à la loi JO 2024, adoptée en avril 2023. Et ce marché, relativement marginal en France, compte bien sur cette expérimentation inédite pour décoller. La VSA représente aujourd’hui 15 % du marché total de la vidéo-surveillance en France, soit un petit chiffre d’affaires d’environ 50 millions d’euros, alors qu’au niveau mondial, il est évalué à 5,6 milliards de dollars en 2023, selon le cabinet MarketsandMarkets et devrait quasiment tripler pour atteindre 16,8 milliards de dollars d’ici 2028.

Le cadre légal français en permet l’autorisation jusqu’au 31 mars 2025. Mais tout le secteur espère à présent que l’expérience des JO débouchera sur une législation de longue durée…

 

Surveillance : une utilisation biométrique inévitable ?

Cependant les critiques vont bon train, car qui dit nouvelle technique, dit nouveau contrôle, et on touche là aux libertés individuelles. Le potentiel de dérive d’un tel dispositif est considérable. A la suite de la loi d’avril 2023, devant la levée de boucliers d’organisations comme Human Rights Watch, une ordonnance judiciaire avait d’ailleurs défini des mesures visant à empêcher que le système soit utilisé pour collecter des données biométriques. Et beaucoup continuent à s’inquiéter de la collecte d’informations qui sera fatalement augmentée comme la géolocalisation, les écoutes téléphoniques etc…

Quant à la fameuse reconnaissance faciale qui permet d’examiner les traits du visage d’une personne filmée et de le comparer aux images d’une base de données pour l’identifier… Si ces caméras intelligentes peuvent analyser jusqu’à 25 situations par seconde, les autorités ont assuré qu’elles ne permettront pas son utilisation. « Pour l’instant, la loi ne permet pas le déploiement de la reconnaissance faciale et surtout le gouvernement n’a jamais souhaité mettre en œuvre de dispositif de reconnaissance faciale », a confirmé le directeur de l’accompagnement juridique à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Mais c’est un fait que, déjà, celle-ci peut être utilisée « par les autorités compétentes » en cas de « nécessité absolue » dans le cadre de la directive « police-justice » de 2016. Et qui plus est, de récents développements ont montré que les déclarations officielles n’engageaient que ceux qui les faisaient : une enquête, menée à la fin de l’année dernière par le média d’investigation Disclose, a révélé que certaines polices municipales, certains services de la police judiciaire, les préfectures de police de Paris et Marseille, la sûreté publique et la Gendarmerie nationale utilisent, depuis 2015, le logiciel Vidéo Synopsis de la société israélienne Briefcam qui cache une option de reconnaissance faciale activable en quelques clics et peut donc, en tout état de cause, exploiter les données biométriques.

Cette option est-elle en soi évitable ?

 

Souriez, vous êtes filmés – et l’Intelligence Artificielle sait qui vous êtes

Il faut savoir qu’en Occident, la reconnaissance faciale est déjà utilisée par la police britannique, depuis le début du mois de janvier, grâce à des camions équipés de caméras. Cet outil est déployé quatre fois par semaine à Londres pour traquer des suspects fichés : près de 100.000 visages y ont été scannés, ce qui a mené à 300 interpellations, parmi lesquelles une dizaine d’erreurs d’identification.

Le Canada, lui, pense à ses aéroports qu’il veut voir devenir « transparents » en mettant en place la biométrie faciale basée sur les smartphones pour vérifier l’identité des voyageurs traversant ses frontières – un appel d’offres est en cours pour ce juteux contrat.

Peut-être pourrait-il s’équiper du dernier prototype de système biométrique d’une agence de Singapour qui est capable d’analyser et d’authentifier l’iris des personnes en train de marcher… L’iris y est scanné à distance et le système utilise l’IA pour détecter les individus qui tentent d’échapper au contrôle ou de suivre de près un autre voyageur…

Même si la France n’en est pas encore là, qu’elle se plaît à rejeter dans les textes la reconnaissance faciale, le fait qu’elle devienne quand même, avec l’expérience des JO, « le premier Etat membre de l’Union européenne à légaliser la vidéo-surveillance algorithmique » laisse supposer la suite logique. Une fois qu’on a mis le pied, tout le reste, bien souvent, y passe. Et l’on rejoindra ainsi le monde rêvé de la Chine communiste.

Souriez, vous êtes filmés.

 

Clémentine Jallais