Mercredi dernier, une journée du hijab, une journée du voile était organisée à Sciences Po Paris pour « sensibiliser sur la question du foulard en France ». Les étudiantes – et, pourquoi pas ?, les étudiants, étaient invitées à « se couvrir les cheveux d’un voile le temps d’une journée ». Une manière d’entrer dans le débat, de répondre aux propos ministériels – ceux de Laurence Rossignol, ministre des Droits des femmes, comparant, il y a quelques semaines, celles qui choisissent de porter le voile aux « nègres qui étaient pour l’esclavage », et ceux de Manuel Valls.
L’objectif de l’opération était clair, et bien dans l’air du temps. Il s’agissait, affirmaient les organisatrices, de « mieux comprendre l’expérience de la stigmatisation vécue par de nombreuses femmes voilées en France ». Sonia, musulmane, et qui porte habituellement le voile, souhaite recadrer le débat. « Ce qui me dérange, c’est qu’on parle à ma place », affirme-t-elle. Dans la société française ? Ou partout ?
Journée du voile et de la bien-pensance
« On ne se reconnaît pas dans l’image que donnent de nous les médias », précise cette autre étudiante, une certaine… Laëtitia, voilée depuis deux ans.
Un certain nombre de leurs camarades sont entrées dans le jeu – mais est-ce un jeu ? – en acceptant de porter, pour l’occasion, et pour quelques heures, le hijab. Un certain nombre de voiles était d’ailleurs gracieusement mis à la disposition des volontaires par l’organisation.
La démarche, pourtant, ne fait pas l’unanimité. Ainsi Arthur, 24 ans, se déclare-t-il dubitatif quant à la pertinence d’un tel événement purement symbolique. « Porter le voile quelques heures puis le retirer est absurde. Ça ne permet absolument pas de se rendre compte de ce que vit une femme voilée », déclare-t-il avec un certain bon sens. On pourrait ajouter même que cela permet à certains de se donner bonne conscience à moindres frais.
Sciences Po Paris divisée
D’autres se sont montrées franchement opposés à cette journée. Certaines associations étudiantes ont ainsi manifesté qu’elles trouvaient l’opération déplacée. « Ça n’est pas le débat sur le port du voile qu’on dénonce, c’est le caractère prosélyte de l’événement », déclare ainsi Carla Sasiela, responsable de l’Union nationale interuniversitaire (UNI) à Sciences Po.
C’est sans doute pour éviter toute tension supplémentaire que les organisatrices avaient voulu insister sur le caractère « interne à Sciences Po » de cette journée du voile. Pour la circonstance, l’établissement était d’ailleurs fermé aux personnes extérieures. Résultat des courses, comme l’observait l’un de nos confrères, il y avait pour la circonstance rue Saint-Guillaume plus de journalistes que de voiles…
La direction de l’établissement avait, quant à elle, préféré se voiler la face, autorisant la tenue de l’opération, mais précisant clairement que cela « ne saurait être interprétée comme un quelconque soutien de l’école à cette initiative ». Ça y ressemble tout de même plus qu’à une opposition. Il est vrai que le poids des non-dits, dans des décisions de ce genre, peut-être absolument terrible.
Quant à la manifestation, elle n’aura, en définitive, guère eu d’impact. Il faut dire qu’elle intervenait près d’une semaine après l’assurance donné par François Hollande que, contrairement à ce qu’envisageait son premier ministre, le voile à l’université ne serait pas interdit. Le débat est donc clos, et il n’y a guère de risque à se ranger du côté de l’arbitre…