Les crucifix resteront bien visibles dans les salles des tribunaux et des cours d’Autriche, alors qu’au nom de la laïcité, le gouvernement met en place une politique de neutralité de l’habillement et des symboles pour les représentants de l’Etat dans l’espace public. En revanche, le voile islamique intégral, le niqab, sera interdit, notamment dans les espaces accueillant du public comme les salles de justice et les écoles.
L’association des magistrats a vivement critiqué cette décision de ne pas bannir les crucifix, symbole chrétien par excellence, des tribunaux. « Nous demandons une neutralité intégrale », a déclaré la vice-présidente de l’association, Sabine Matejka. La règlementation doit viser à la fois l’habillement des juges et les éléments d’agencement des salles d’audience : « La neutralité n’est pas respectée lorsque je siège devant un crucifix et que je parle au nom de la république », affirme-t-elle.
Laïcité ou neutralité ? L’Autriche rejette le niqab et conserve ses crucifix
Alors que traditionnellement, un crucifix flanqué de deux cierges est posé sur le banc du juge, les magistrats sont déjà nombreux en Autriche à les faire enlever avant les audiences.
Le gouvernement semble vouloir tenir bon, toutefois. Le secrétaire d’Etat ÖVP Harald Mahrer a précisé que la loi sur le port d’habits et de symboles religieux n’affectera pas la présence de croix et de crucifix dans l’espace public. Son parti est seulement favorable à une interdiction généralisée du voile pour les femmes employées dans les services publics, interdiction sans grande conséquence en vérité puisque selon la presse locale, on ne trouve pas de femmes voilées dans la police ou parmi le personnel des tribunaux.
En maintenant la présence de crucifix, le gouvernement autrichien dit assez clairement la différence entre la religion traditionnelle du pays et l’islam. Est-ce pour des raisons de fond ? Ce n’est pas certain, mais cette prise de position reflète certainement l’état d’esprit des Autrichiens (et donc les électeurs) à l’heure où le parti anti-immigration, le parti de la liberté (FPÖ) a pris la tête des sondages et sortirait vainqueur en cas d’élections anticipées que le gouvernement essaie d’éviter à tout prix.
Bannir les crucifix des tribunaux en Autriche parce qu’on interdit le voile ?
Professeur de théologie de l’université de Vienne, Richard Potz plaide quant à lui pour la disparition des croix des tribunaux. Il affirme notamment : « Là où l’État a une fonction souveraine, il doit y avoir neutralité. » Selon lui, la présence du crucifix n’a rien à voir avec la liberté de religion mais rappelle ce temps révolu où l’on prêtait serment devant l’image du Christ dans les affaires criminelles.
Le prochain débat portera sur des crucifix dans les salles de classe, puisque les écoles publiques en Autriche les conservent toujours – mais les enseignantes musulmanes y sont autorisées à porter le voile, au nom du principe selon lequel les écoles doivent être le reflet de la société autrichienne en général.
Tout ne serait-il question que de temps ?