Législatives (I) : la clarification. Macron libère la démocratie et la parole des Français

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Accusé par la classe politique presque entière d’avoir provoqué le chaos et « joué la France au poker » par une dissolution précipitée de l’Assemblée nationale et des élections législatives anticipées, le président de la République a en fait, à considérer les résultats, sauvé la démocratie française malade d’une baisse tendancielle du vote depuis les années quatre-vingt. Une participation en hausse de vingt points par rapport aux législatives de 2022 a ramené les Français aux urnes dans des proportions inconnues depuis 1978 et a libéré leur parole. Les résultats ont le mérite de procéder à la « clarification » qu’Emmanuel Macron appelait de ses vœux. Y compris à son propre détriment : sa majorité s’effondre, et avec elle l’hégémonie de l’omelette coupée aux deux bouts, les centres dominant les extrêmes, dont il avait fait son projet politique. En même temps, la carte des résultats, en particulier la liste des députés élus au premier tour, montre avec la plus grande clarté qui élit qui, où et pourquoi. La semaine qui vient permettra de répondre à la question : le peuple français va-t-il pouvoir continuer à s’exprimer, ou les arrangements d’appareil vont-ils sauver in extremis le projet des élites au pouvoir ?

 

Forte participation aux législatives : la démocratie reprend les Français

Les sondages, pour une fois, se sont à peine trompés. Tout juste ont-ils un peu surévalué le Rassemblement national et sous-estimé les divers-droite, mais cela reste à examiner à la loupe, et entre de toute manière dans la marge d’erreur. C’est un fait qui mérite d’être souligné. De même que le bond spectaculaire de la participation, à 67 %, vingt points de mieux qu’au premier tour de 2022. Autre constatation, la mobilisation des abstentionnistes a confirmé les sondages, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas profité plus à un parti qu’à l’autre : la France s’est mobilisée dans toutes ses composantes. Et elle a, dans son ensemble, fermement condamné Emmanuel Macron et sa politique. Ensemble, son mouvement, est passé de la première à la troisième place et perd plus de quinze points. Bien que faisant mieux qu’aux Européennes, (plus de 9 % contre 7,5 %), les Républicains continuent leur descente. Ils ne la freinent un peu que par leur ancrage local : comme jadis le CNIP, ils sont devenus un parti de notables, sauf la partie qui a suivi Eric Ciotti et profite de la dynamique du Rassemblement national. En gros, on peut conclure que les centres, droit et gauche, qui se voulaient des partis de gouvernement, ont été durement étrillés par les électeurs.

 

Clarification : un nouveau peuple élit le NFP

Le Nouveau Front Populaire, au contraire, a sauvé les meubles de la gauche, malgré les bisbilles internes et le début de diabolisation qui frappe Jean-Luc Mélenchon depuis qu’il a pris sur Gaza une position tranchée opposant les gentils Palestiniens aux vilains Israéliens, ce qui lui vaut l’étiquette infamante d’antisémite (que beaucoup, à gauche, à commencer par le sociologue Emmanuel Todd, s’efforcent de lui enlever). Mais cela reste un attelage hétérogène et fragile. Les communistes ont subi deux revers cinglants, en la personne de leur patron, Fabien Roussel, et de leur meneur de campagne, Léon Deffontaines. De toute façon, ils ne représentent plus qu’une force d’appoint, et comme l’alibi de la gauche auprès des classes populaires. Un regard rapide sur les secteurs forts du NFP, soit que son candidat arrive en tête de ballottage, soit qu’il soit élu dès le premier tour, montre une double implantation : avec le PS et les écolos dans les beaux quartiers bobo des mégapoles, et avec LFI dans les banlieues et quartiers pauvres des grandes villes. Mélenchon nomme faussement « quartiers populaires » ces quartiers d’immigration. C’est cette France d’importation toute récente qui s’est mobilisée pour lui. Sur les 81 élus du premier tour, 31 sont NFP, dont 9 à Paris et presque autant dans le 93. C’est donc abusivement qu’on nomme Nouveau Front Populaire ce qui est en réalité le Front du Nouveau peuple en formation, cornaqué par des élites arc-en-ciel.

 

Le RN donne la parole aux Français menacés

Quant au Rassemblement national, c’est au contraire l’élu de la France « qui s’en va », pour reprendre un terme de l’académicien Jean-Marie Rouard, quand elle comprend la menace qui pèse sur elle. Il s’étend désormais partout, sauf à Paris, Lyon et les grandes villes, à l’exception de Marseille. Par régions, il est dominant dans les Hauts de France (six des députés du Pas-de-Calais élus au premier tour), en Lorraine, Alsace, dans tout l’Est, la vallée du Rhône, en PACA, et gagne les campagnes sur l’ensemble du territoire, Sud-Ouest compris, et même en Bretagne quoi qu’avec moins d’intensité. Il a eu 39 élus au premier tour, sans compter une élue LR alliée dans les Alpes maritimes, département où Eric Ciotti, lui-même en ballottage très favorable, est en passe de gagner son pari. Du côté des célébrités, quelques-unes n’ont pas la partie aussi facile qu’elles le rêvaient. François Hollande doit se contenter de 37 % à Tulle, François Ruffin arrive en deuxième position derrière un candidat RN, Jérôme Cahuzac, repris de justice ministre de Hollande qui tentait un retour, est éliminé : le peuple Français a clairement exprimé ses rejets, et, à considérer le nombre de circonscriptions où le RN arrive en tête, parfois tout près de la majorité absolue, son vote d’adhésion massive opère une clarification nette de la politique française.

 

Et en même temps : Macron muselle la parole qu’il libère

Cependant, par un paradoxe caractéristique, Emmanuel Macron, celui-là même qui l’a permise et provoquée a fait le choix de ne pas en tenir compte, et de ne pas écouter la parole des Français qu’il a libérée. Sa déclaration écrite dimanche soir est caractéristique de cette contradiction. D’un côté il reconnaît : « La participation élevée au premier tour (…) témoigne de l’importance de ce vote pour tous nos compatriotes et de la volonté de clarifier la situation politique. Leur choix démocratique nous oblige. » Mais en même temps il affirme : « Face au Rassemblement national, l’heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour. » Faisant fi de la démocratie, le chef de l’Etat exhorte les Français à revenir sur leur premier choix, le RN. Et, après des semaines de condamnation de LFI, il est vraisemblable que le « rassemblement clairement démocrate et républicain » exclue celle-ci : ce sont donc les deux principaux choix des Français que Macron condamne. Pourquoi cette contradiction flagrante ? On aurait tort d’y voir une lubie personnelle liée à l’autisme qui guette le président : cette décision réfléchie donne la clef de la stratégie des élites contre la libération du peuple français. (La suite demain)

 

Pauline Mille