A l’occasion d’une session de travail du groupe parlementaire ECR (conservateurs et réformistes européens au Parlement Européen) le pape Léon XIV a reçu mercredi leur délégation à la Salle Clémentine où il a prononcé une allocution qui les a encouragés à comprendre l’identité européenne « en référence à ses racines judéo-chrétiennes » entendues comme « des faits », une « histoire qui doit être préservée et célébrée ». Il les a également invités à « veiller à ce que la voix de l’Eglise, notamment à travers sa doctrine sociale, continue d’être entendue ».
Nicolas Bay et Marion Maréchal Le Pen, élus européens membres du groupe ECR, faisaient partie des hôtes du pape.
Léon XIV parle des racines judéo-chrétiennes de l’Europe
Le pape a notamment invité les élus à prendre pour exemple « saint Thomas More, patron des responsables politiques, dont la sagesse, le courage et la défense de la conscience sont une source d’inspiration intemporelle pour ceux qui cherchent à œuvrer au bien de la société ». La conscience, oui, mais pas la conscience subjective – en tant que juriste et conseiller du roi, il n’avait pas hésité à condamner des hérétiques ; même au bûcher. Mais il ne voulut pas approuver le remariage du roi Henri V qui avait en vain tenté de faire déclarer nul par Rome son mariage avec Catherine d’Aragon : fidèle au pape, à sa primauté, à son pouvoir de juridiction, et sa « défense de la conscience » consista à déposer sa propre vie plutôt que de trahir sa foi et les droits de Dieu.
Léon XIV appelle l’ECR à défendre la vie de la conception à la mort naturelle
On notera encore, dans le discours de Léon XIV, ses propos sur les « riches principes éthiques » et les « modèles de pensée qui constituent le patrimoine intellectuel de l’Europe chrétienne ». « Ceux-ci sont essentiels pour sauvegarder les droits qui sont donnés par Dieu », a-t-il ajouté : fonder ainsi les droits de d’homme sur le don de Dieu n’est en effet pas une réflexion moderne ; plus encore, reconnaître ce patrimoine intellectuel de l’Europe chrétienne comme « essentiel » à la sauvegarde de ces droits est déjà une manière de remettre les choses à l’endroit.
Voici une rapide traduction des propos de Léon XIV à cette occasion. – J.S.
*
Audience de Léon XIV avec une délégation du groupe des Conservateurs et Réformistes européens du Parlement européen
Bonjour à tous et bienvenue au Vatican.
Je suis heureux d’avoir de pouvoir saluer votre délégation à l’occasion de votre participation à la conférence du groupe ECR qui se tient ces jours-ci ici à Rome.
Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour votre travail au service, non seulement de ceux que vous représentez au Parlement européen, mais encore de tous ceux qui composent vos communautés. En effet, occuper une fonction importante au sein de la société implique la responsabilité de faire progresser le bien commun. Je vous encourage donc tout particulièrement à ne jamais perdre de vue ceux qu’on oublie, les marginalisés, ceux que Jésus-Christ appelait « les plus petits » parmi nous (cf. Lc 9, 48).
Elus démocratiquement, vous reflétez une variété d’opinions qui s’inscrit dans un spectre plus large d’opinions diverses. D’ailleurs, l’un des objectifs essentiels d’un parlement est de permettre l’expression et la mise en débat de ces opinions. Toutefois, le signe distinctif de toute société civilisée est que les opinions divergentes y sont discutées courtoisement et avec respect, car la capacité d’accepter de ne pas être d’accord, d’écouter attentivement et même d’entrer en dialogue avec ceux que nous considérons comme des adversaires témoigne de notre respect envers la dignité à tous les hommes et toutes les femmes, qui est un don de Dieu. Je vous invite donc à vous tourner vers saint Thomas More, patron des responsables politiques, dont la sagesse, le courage et la défense de la conscience sont une source d’inspiration intemporelle pour ceux qui cherchent à œuvrer au bien-être de la société.
A cet égard, je me fais volontiers l’écho de l’appel lancé par mes prédécesseurs récents, selon lequel l’identité européenne ne peut être comprise et promue sans référence à ses racines judéo-chrétiennes. Cependant, l’objectif de la protection de l’héritage religieux de ce continent n’est pas simplement de sauvegarder les droits de ses communautés chrétiennes, ni principalement de préserver des coutumes ou traditions sociales particulières, qui varient de toute façon d’un endroit à l’autre et à travers l’histoire. Il s’agit surtout de la reconnaissance d’un fait. En outre, chacun bénéficie de la contribution que les membres des communautés chrétiennes ont apportée et continuent d’apporter au bien de la société européenne. Il n’est que de rappeler certains des développements importants de la civilisation occidentale, en particulier le trésor culturel de ses cathédrales majestueuses, son art et sa musique sublimes, de ses progrès scientifiques, sans oublier la croissance et de l’expansion de ses universités. Ces développements créent un lien intrinsèque entre le christianisme et l’histoire européenne, une histoire qu’il faut apprécier et célébrer.
Je pense en particulier aux riches principes éthiques et aux modèles de pensée qui constituent le patrimoine intellectuel de l’Europe chrétienne. Ceux-ci sont essentiels pour sauvegarder les droits qui sont donnés par Dieu et la dignité inhérente à chaque personne humaine, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. Ils sont tout aussi fondamentaux pour répondre aux défis posés par la pauvreté, l’exclusion sociale, l’indigence économique, ainsi que par la crise climatique actuelle, la violence et la guerre. Veiller à ce que la voix de l’Eglise, en particulier à travers sa doctrine sociale, continue d’être entendue, ne signifie pas restaurer une époque révolue, mais garantir que les ressources essentielles à la coopération et à l’intégration futures ne soient pas perdues.
Je voudrais redire ici l’importance de ce que le pape Benoît XVI a défini comme le nécessaire dialogue entre « le monde de la raison et le monde de la foi – le monde de la rationalité séculière et le monde de la croyance religieuse » (Discours à la société civile, Westminster Hall, Londres, 17 septembre 2010). En effet, ce dialogue public, dans lequel les politiciens ont un rôle très important à jouer, est essentiel pour respecter les compétences spécifiques de chacun, ainsi que pour fournir à l’autre ce dont il a besoin, à savoir un rôle de « purification » mutuelle afin de garantir qu’aucun des deux ne soit victime de distorsions (cf. ibid.). Je prie pour que vous jouiez votre propre rôle en vous engageant de manière positive dans ce dialogue important, non seulement par souci pour les peuples d’Europe, mais aussi pour l’ensemble de notre famille humaine.
Avec ces quelques réflexions, je vous assure que je vous garderai dans mes prières et j’invoque sur vous et vos familles les bénédictions du Dieu de la sagesse, de la joie et de la paix. Merci.
Léon XIV, 10 décembre 2025











