« Je préfère prier dans une église catholique en présence du Très Saint Sacrement » : la conclusion des remarques du pape Léon XIV à un journaliste qui l’interrogeait sur son refus de prier dans la Mosquée Bleue à Istanbul, lors de son récent voyage en Turquie et au Liban, est au fond la meilleure réponse possible et celle qui rappelle aux catholiques où est leur véritable trésor.
Le pape sortait du Palais Barberini à Castel Gandolfo mardi soir lorsque, assailli par des journalistes, il s’est prêté de bonne grâce à un échange de cinq minutes où il se montrait, comme à son habitude, amène, souriant et prudent, s’exprimant en plusieurs langues et veillant à ne pas tenir des propos trop pointus.
C’est un journaliste italien qui lui a rappelé le fait : « A la mosquée Sultanahmet, vous n’avez pas prié, du moins visiblement… » Aussitôt, Léon XIV l’interrompt : « Mais qui a dit que je n’avais pas prié ? Ils ont dit que je n’avais pas prié, mais j’ai déjà répondu dans l’avion, j’ai mentionné un livre [La pratique de la présence de Dieu de Frère Laurent], il se peut que je sois en train de prier en ce moment même, vous comprenez ? »
Léon XIV rappelle qu’on peut « prier sans cesse »
Le chrétien qui aime Dieu de tout son cœur et de toute son âme prie en effet « sans cesse » comme l’y exhorte saint Paul, et dans chaque circonstance de la vie, des plus banales aux plus sublimes. Telle est justement la leçon du carme français, frère Laurent de la Résurrection : « Le temps de l’action n’est point différent de celui de l’oraison ; je possède Dieu aussi tranquillement dans le tracas de ma cuisine, où quelquefois plusieurs personnes me demandent en même temps des choses différentes, que si j’étais à genoux devant le Saint-Sacrement… »
L’exemple des saints est là : on prie là où on est, dans l’arène face aux bêtes sauvages comme dans le monastère, en vaquant à ses occupations quotidiennes comme dans le camp de concentration, recueilli dans la ville ou en adoration devant le Saint-Sacrement. Dieu ne nous lâche jamais, ce n’est jamais lui qui rompt le contact.
Mais prier visiblement, quoiqu’en silence à la mosquée – comme l’avaient fait avant lui Jean-Paul II, à la mosquée des Omeyyades à Damas en 2001, Benoît XVI à la Mosquée Bleue en 2006, le pape François dans le même lieu en 2014 puis à la mosquée Istiqlal de Djakarta en 2024 – le pape régnant ne l’a pas fait. Il a courtoisement, mais expressément refusé de le faire. Si son voyage était bien préparé, s’il a été averti des gestes posés par ses prédécesseurs immédiats (et comment ne pas croire que ce fut le cas ?), son attitude est d’autant plus remarquable, et sans doute préparée d’avance. Elle marque une rupture – ou bien plutôt, un retour à une normalité : bien que l’on puisse s’adresser au vrai Dieu en prière où que l’on soit, le faire dans un temple d’une religion qui ne connaît pas le vrai Dieu et le rejette expressément comme le fait l’islam est en soi un désordre, source de confusion.
La mosquée, « la maison d’Allah »
Le muezzin qui invita le pape Léon à prier à l’intérieur de la mosquée lui avait d’abord dit : « Ce n’est pas ma maison, ni la vôtre, c’est la maison d’Allah » – manière de dire que Dieu transcende la diversité des religions et d’inviter à un syncrétisme explicite (encore que dans l’esprit du musulman, Allah soit parfaitement identifié comme le dieu de l’islam). Mais Léon XIV a répondu, gentiment mais fermement, « It’s okay ». « Ça va… »
Après quelques instants de réflexion, Léon XIV a explicité sa réponse au journaliste à Castel Gandolfo : « Je préfère prier dans une église catholique en présence du Très Saint Sacrement. »
Oui, on peut prier partout, mais en la Présence réelle de Notre Seigneur, devant le Saint-Sacrement – et quoi qu’il en soit de la possession de Dieu – cette Présence dépasse tout. C’est devant le tabernacle, dans un sanctuaire catholique, que Léon XIV conçoit sa prière au plus haut. Il l’a dit au débotté, l’expérience de sa vie débordant de son cœur. C’est la prière d’adoration face à face avec Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, celui qu’au demeurant l’islam rejette en même temps qu’il proscrit la religion des « associateurs », les chrétiens…
Il est remarquable que Léon XIV n’ait pas poursuivi sa visite de la ville en se rendant à la toute proche Sainte-Sophie, haut lieu du christianisme byzantin. Mais après avoir été prise aux chrétiens et aussitôt transformée en mosquée, puis rendue « à l’humanité » comme musée sous Atatürk, elle a été retransformée en mosquée en 2020. Il est vrai que le pape François avait dit à cette occasion : « Je pense à Sainte-Sophie et je ressens une grande douleur. »
Prier devant le Saint Sacrement, c’est aussi affirmer sa foi
La clarification de Léon XIV sur la prière aura été inattendue, sans ambiguïté, et montre le pape sous son meilleur jour : parlant du Christ dans son adorable vérité.
Léon XIV, pour finir, a dit : « Mais on a fait si grand cas de ce moment, cela me semble, disons, curieux. »
Mais non, Saint-Père, ce fut un très grand moment et une joie profonde, augmentée par le fait de le voir désormais si tranquillement expliqué.











