Selon un professeur d’Oxford, l’université anglaise brime la liberté d’expression

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Timothy Garton Ash, professeur de civilisation européenne à Oxford, n’y va pas par quatre chemins : d’après lui, les atteintes croissantes à la liberté d’expression dans l’université anglaise sont telles que Jésus-Christ ne pourrait y prêcher. Les premiers responsables en sont les étudiants eux-mêmes.
 
C’est au festival de Hay, parrainé par le Telegraph, que le professeur Garton Ash, auteur de « Libre expression : dix principes pour un monde connecté », donnait une conférence où il a identifié les principales menaces qui pèsent aujourd’hui sur la liberté d’expression dans l’université anglaise –  qui incluent la crainte de violences physiques pour ceux qui entendent partager leurs opinions non conformes.
 

L’Etat pousse l’université anglaise à limiter la liberté d’expression

 
Il a d’abord montré du doigt le ministère de l’intérieur britannique, qui encourage l’université à bloquer l’expression de pensées extrémistes, même non violentes, en déplorant que cette définition soit assez vague pour inclure les plus grands penseurs du passé.
 
« Certains d’entre vous savent peut-être que dans la nouvelle législation anti-terrorisme, les sécurocrates du ministère de l’intérieur essaient d’imposer à l’université un prétendu devoir de prévention, qui nous engagerait à prévenir l’expression sur le campus d’extrémistes non violents.
 
« Qui sont ces extrémistes non violents ? Karl Marx, Rousseau, Charles Darwin, Hegel en étaient, et certainement Jésus-Christ, qui était décidément un extrémiste non violent. Le ministère de l’intérieur ne lui permettrait pas de prêcher sur un campus.  C’est une réelle menace contre la liberté d’expression et nous devons la combattre. »
 

Même à Oxford, des étudiants s’opposent à la liberté d’expression

 
Mais un danger plus insidieux pèse sur la vie intellectuelle anglaise, que ce professeur d’Oxford a constaté quotidiennement chez ses propres étudiants : c’est la tendance croissante de petits groupes de personne qui se sentent ou/et se disent offensées par tels propos à exiger que ceux qui les tiennent se taisent. «  Ce n’est pas l’Etat qui décrète que tel discours est offensant, c’est un veto subjectif posé par une personne ou un petit groupe, qui disent : je suis offensé, et c’est considéré comme suffisant pour que la chose jugée offensante soit retirée de la scène publique ». Donc, à « l’attaque du gouvernement » contre la liberté d’expression se joint une « poussée venant de nos propres étudiants exigeant des espaces de sécurité, ou ce qu’on appelle ainsi ». Ces « espaces de sécurité » ou « lieux sûrs » sont une invention anglaise où tout un chacun est assuré de ne rien entendre « d’offensant ». Des espèces de bonbonnières morales et intellectuelles où l’esprit s’endort douillettement.
 

Ce professeur veut sauver l’université anglaise

 
Tout en reconnaissant le droit des étudiants à refuser d’écouter les discours qui leur déplaisent, il déplore que certains prétendent interdire à leurs condisciples de les entendre : « C’est un groupe d’étudiants qui en censure un autre ». Et telle est selon lui la principale menace qui pèse sur l’université anglaise. « Nous en tant qu’université avons à tenir ferme. Notre liberté d’expression est en train d’être saucissonnée tranche par tranche en Grande Bretagne. Le pays, qui a d’une certaine manière inventé la forme moderne de la liberté d’expression au dix-septième siècle, est à mon sens beaucoup trop faible quand il s’agit de combattre pour la liberté d’expression. »
 

Pauline Mille