Il ne faut pas s’y tromper : la loi Leonetti-Claeys, adoptée en première lecture mardi par l’Assemblée nationale, n’est pas un « pas vers l’euthanasie », une « nouvelle étape vers l’euthanasie » comme le disent certains de ses critiques. Non, c’est une loi d’euthanasie à part entière, votée dans l’indifférence quasi générale.
Mais pour le comprendre, il faut d’abord admettre que la loi sur la fin de vie de 2005, résultant des travaux du même Jean Leonetti, était déjà une loi d’euthanasie. Euthanasie lente, d’accord : elle permet de mettre fin à des traitements – et notamment l’alimentation, comme le montrent ses travaux préparatoires – en vue d’obtenir la mort d’un patient qui n’est ni agonisant, ni dans un état qui lui rend impossible de bénéficier d’une nourriture fût-elle « artificielle ».
Voyez l’affaire Vincent Lambert. Voyez aussi ce reportage vidéo récemment mis en ligne sur Reinformation.tv à la une de notre site.
La nouvelle loi dont il y a tout lieu de craindre qu’elle bénéficiera d’une majorité confortable en première lecture au Sénat, en mai ou en juin, ne fait qu’étendre cette pratique de la cessation des traitements, y compris la nourriture et l’hydratation qui sont pourtant de simples soins nécessaires au confort du patient. La loi ne parle pas explicitement de « sédation terminale » mais c’est bien ce qu’elle met en place : une « sédation profonde et continue jusqu’au décès », obligatoirement associée à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation nécessaires au soutien de la vie.
Euthanasie = sédation terminale
C’est donc une sédation euthanasique, une procédure qui a pour objectif la mort (sauf dans les cas où elle peut seule alléger ou soulager les souffrances d’une personne à l’agonie à qui la nourriture n’apporterait plus aucun bienfait).
La loi autorise ainsi l’euthanasie sans la nommer, et en la reportant dans la zone grise d’une procédure qui peut être euthanasique, mais qui peut aussi ne pas l’être. Mais il ne faut pas se laisser leurrer : elle permet la mise à mort médicale volontaire d’un patient, pourvu qu’il le demande ou qu’il l’ait demandé à un moment où il pouvait exprimer sa volonté.
Il peut non seulement le demander mais aussi l’exiger. C’est la consécration de l’autonomie du patient et la négation du droit du médecin, qui résulte de son devoir : soigner sans jamais nuire.
La loi Leonetti-Claeys adoptée par l’Assemblée à une écrasante majorité
Le peu de contestations suscité par la loi Leonetti-Claeys est proprement ahurissant. A l’Assemblée, la loi a été votée par 436 voix contre 34, parmi lesquels une majorité d’élus de l’Entente parlementaire pour la famille, et quelques dizaines d’abstentions. Les élus du Rassemblement Bleu Marine n’ont pas pris part au vote, même si Marion Le Pen a fait une mise au point pour dire qu’elle aurait voulu voter contre ou déléguer son vote en ce sens, sans qu’on sache si elle était présente ou non dans l’hémicycle. Gilbert Collard, qui ne cache pas son appartenance à la franc-maçonnerie, avait de toute façon justifié la « sédation terminale » en 2013…
L’indifférence générale dictée par le marketing politique
C’est un sujet qui ne sert pas au « marketing » électoral, qui ne remue pas les foules, qui n’a pas beaucoup mobilisé les autorités morales et religieuses – même si le cardinal Barbarin s’est clairement exprimé, ainsi que quelques autres évêques comme Mgr Ginoux, à l’instar de Mgr Vingt-Trois, pas encore cardinal, qui avait dénoncé la loi Leonetti en 2005.
La Croix, par la voix de son éditorialiste Dominique Quinio, assurait ce mercredi que « la nouvelle loi n’aura pas ouvert la brèche de l’euthanasie ou du suicide assisté ».
Pourquoi ce manque de compréhension ? Pourquoi ce manque de mobilisation ? Pourquoi ceux qui défendent inlassablement la vie en demandant l’abrogation de la loi Veil sont-ils quasiment les seuls à s’être manifestés contre la loi Leonetti-Claeys ?
C’est le fruit d’une habileté machiavélique de la part du pouvoir, qui entendait bien instituer un droit à la mort choisie par le biais de l’engagement 21 du candidat Hollande : en rendant le projet incompréhensible pour le François moyen, en emballant l’euthanasie sous des formes apparemment acceptables, en ralentissant non la marche vers l’euthanasie mais l’euthanasie elle-même, le législateur – au nom de la liberté, de l’égalité et de surtout de la fraternité, comme on l’a répété – a imposé cette réforme sociétale chère à la fraternelle humaniste et maçonne, justement. En endormant l’opinion. Parce que l’avancement de la révolution est encore plus désirable lorsqu’il emporte l’adhésion de tous en faisant imaginer qu’il ne pose aucun problème de conscience.