Messe d’intronisation de Léon XIV : des rectifications par petites touches

Messe intronisation Léon XIV
 

La messe d’intronisation du pape Léon XIV, tout comme ses précédentes apparitions publiques, aura été marqué par un retour appuyé à la dignité de la fonction pontificale, tant à travers les gestes accomplis par le nouveau souverain pontife que par le choix de la liturgie, des lectures et de l’Evangile. Ne rêvons pas. Léon XIV a été ordonné dans et pour le nouveau rite, c’est le sien, et il ne faut pas s’attendre à ce que du jour au lendemain il veuille restaurer la messe traditionnelle.

Cela dit, on sait par ses frères qu’il aimait à jouer à célébrer la messe quand il avait sept ans, sur la table à repasser de sa mère… Robert Prevost avait cet âge en 1962, la messe n’était pas encore réformée… La messe traditionnelle est malgré tout la messe de son enfance et de sa jeune adolescence. Nous verrons.

De même, pour prendre solennellement possession du pontificat, il n’a pas choisi le couronnement ni la tiare. Mais à comparer cette cérémonie avec celle qui eut lieu le 19 mars 2013, où le pape François reçut le pallium et l’anneau du Pêcheur, on voit bien des différences : un changement de style accompagné d’une bien plus nette affirmation de la doctrine de la papauté. Sans être une restauration de l’ordre ancien, il s’agit visiblement d’une rupture avec des faits et gestes qui trop souvent ont semé la confusion au cours de ces dernières 13 années.

 

La messe d’intronisation de Léon XIV et ses symboles discrets mais forts

C’est coiffé de la mitre – contrairement au pape François qui était arrivé avec une simple calotte blanche – que Léon XIV est arrivé dans la basilique Saint-Pierre pour aller vénérer le tombeau du premier pape. Et là où les patriarches orientaux attendaient simplement François en bas des marches de la crypte devant le baldaquin du Bernin, cette fois ils ont suivi le nouveau pontife dans sa descente solennelle au centre de la chrétienté. On ne pouvait manquer en outre de remarquer la différence dans l’habillement : le pape Léon portait un très bel amict, en dentelle blanche, tel qu’on n’en avait pas vu depuis bien des décennies. Un détail, sans doute. Mais le souvenir de François se moquant des dentelles de grand-mère avait blessé bien des amoureux des fastes liturgiques dont l’objet n’est pas la frivolité mais la gloire de Dieu.

Selon la suggestion du rite de la messe solennelle dans la liturgie réformée, il n’y eut pas, après le chant des litanies et le moment où le nouveau pape rejoignit le grand autel sur le parvis de Saint-Pierre, le chant du Kyrie, mais la cérémonie de la bénédiction de l’eau suivie du chant qui pendant le temps pascal accompagne l’aspersion des fidèles, le Vidi aquam, avec dans l’oraison le rappel de la manière dont l’eau du baptême « régénère » notre « nature corrompue ». Le chant grégorien a fait un grand retour à Rome avec ce nouveau pape ; quant à ce dernier, il a aspergé la foule avec l’eau qu’il venait de bénir. Pour celui qui fréquente habituellement la grand-messe du dimanche dans le rite traditionnel, le geste est familier. On en a moins l’habitude dans le nouveau rite…

 

Léon XIV incline la tête devant le saint Nom de Jésus

Ce pape qui incline visiblement la tête quand le nom de Notre Seigneur est prononcé – il le fit par exemple au cours du chant du Gloria, puis du Credo, comme on peut le voir sur la vidéo de la cérémonie – a choisi pour la messe de son intronisation de ne pas s’en tenir à la fête du jour (tel le pape François dont les textes de la messe d’intronisation était ceux de la Saint-Joseph), mais d’avoir des horizons et des lectures propres.

Leur thème commun était centré à la fois sur la nature du ministère pétrinien et sur la place centrale du Christ. Il en va ainsi de la collecte : « O Dieu qui, dans le dessein de votre Providence, avez voulu que votre Eglise soit édifiée sur le bienheureux Pierre, placé au-dessus des autres apôtres, regardez-moi avec faveur, moi votre serviteur, que vous avez choisi comme successeur de Pierre. Faites que je puisse toujours être pour votre peuple la source visible et le fondement de son unité dans la foi et dans la communion. »

La première lecture tirée des Actes des Apôtres se terminait sur ces paroles : « Ce Jésus est la pierre rejetée par vous de l’édifice, et qui est devenue la pierre angulaire. Et le salut n’est en aucun autre ; car il n’y a pas sous le ciel un autre nom qui ait été donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés. »

L’Evangile était celui du Christ ressuscité interpellant Simon-Pierre, avec ce passage : « Lorsqu’ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : “Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ?” Il lui répondit : “Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime.” Jésus lui dit : “Pais mes agneaux.” Il lui dit une seconde fois : “Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ?” Pierre lui répondit : “Oui, Seigneur, vous savez bien que je vous aime.” Jésus lui dit : “Pais mes agneaux.” Il lui dit pour la troisième fois : “Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ?” Pierre fut contristé de ce que Jésus lui demandait pour la troisième fois : “M’aimes-tu ?” et il lui répondit : “Seigneur, vous connaissez toutes choses, vous savez bien que je vous aime.” Jésus lui dit : “Pais mes brebis. En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-même, et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et un autre te ceindra, et te mènera où tu ne voudras pas.” – Il dit cela, indiquant par quelle mort Pierre devait glorifier Dieu. – Et après avoir ainsi parlé, il ajouta : “Suis-moi.” »

 

Messe d’intronisation de Léon XIV : centrée sur le Christ

On peut évidemment souligner avec tristesse que les lectures ont été faites par des femmes. Que le trône choisi par Léon XIV était le simple fauteuil blanc, placé devant l’autel. La restauration liturgique aura peut-être lieu, on en devine la possibilité, quelques prémices, mais tout cela n’arrivera pas en un jour. Mais on peut dire que le Pape manifeste une conscience de la gravité de sa mission, et jusqu’ici en tout cas, il l’exprime en parlant de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’unique Rédempteur.

L’imposition du pallium, puis la cérémonie de la remise de l’anneau du Pêcheur, ont été des moments particulièrement marqués d’émotion. Comment ne pas être saisi en voyant Léon XIV regardant longuement son anneau, les yeux humides, avant de hocher la tête plusieurs fois, comme s’il se rendait compte du fardeau qu’il a accepté de porter ?

Le texte complet de son homélie est ici. Léon XIV, on l’a entendu ici ainsi que lors d’autres prises de parole – déjà nombreuses depuis le début de son pontificat –, utilise des mots et des notions devenus habituels dans l’Eglise depuis Vatican II. Mais en parlant des autres religions, du moins ne le fait-il pas sans appeler à trouver le Christ, et cela, c’était devenu moins fréquent. Il est certes question de la terre exploitée et de la marginalisation des pauvres, mais aussi de l’unité véritable qui est celle au sein de l’Eglise.

 

Léon XIV reprend le vocabulaire de François. Mais pas toujours le sens

Ainsi au cours de son homélie, Léon XIV a-t-il dit : « Nous voulons dire au monde, avec humilité et joie : regardez le Christ ! Approchez-vous de Lui ! Accueillez sa Parole qui illumine et console ! Ecoutez sa proposition d’amour pour devenir son unique famille : dans l’unique Christ, nous sommes un. Et c’est la route à parcourir ensemble, entre nous, mais aussi avec les Eglises chrétiennes sœurs, avec ceux qui suivent d’autres chemins religieux, avec ceux qui cultivent l’inquiétude de la recherche de Dieu, avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté, pour construire un monde nouveau où règne la paix ! »

Les déclarations sur la synodalité, l’œcuménisme, la fraternité humaine, le dialogue interreligieux restent présentes dans le discours pontifical. Mais on perçoit bien un petit changement : comme des rectifications par petites touches. Il n’est pas interdit d’en espérer de nouvelles.

D’ailleurs l’essentiel de l’homélie se résume assurément dans ces mots prononcés par le nouveau pape : « A Pierre est donc confiée la tâche “d’aimer davantage” et de donner sa vie pour le troupeau. »

Le choix du canon « numéro 1 » pour cette messe inaugurale, le plus proche du canon de la messe traditionnelle, est également à souligner.

Le nouveau pape a déjà rappelé à plusieurs reprises sa mission de confirmer ses frères dans la foi. L’heure est à la prière pour lui.

 

Jeanne Smits