Mgr Strickland, menacé de « démission », tient bon

Mgr Strickland menacé démission
 

Il est connu pour être l’un des plus fermes des évêques des Etats-Unis quant à la défense de la foi et de la morale, mais il semble que ce soit précisément là la raison des sérieuses rumeurs actuelles concernant une invitation qui lui serait, ou qui lui sera faite de démissionner : Mgr Joseph Strickland, évêque de Tyler, Texas, n’est pas bien vu à Rome par les temps qui courent. Pourtant il tient bon… La menace de mise à l’écart ne l’empêche pas de continuer hardiment à réaffirmer la doctrine de l’Eglise en matière d’accès à la communion pour les personnes en situation de péché grave.

Sa nouvelle lettre pastorale risque d’irriter encore davantage la hiérarchie romaine, qui décidément ne semble pas vouloir que les catholiques soient « affermis dans la foi ». Situation douloureuse, crucifiante même pour les catholiques attachés à l’enseignement de l’Eglise. En ce qu’elle est humaine, cependant, elle peut se rendre coupable d’infidélité et d’injustice. En publiant un nouveau texte tranquillement conforme à l’orthodoxie catholique, Mgr Strickland donne cependant un exemple de la conduite à tenir : il n’accuse ni ne se justifie ; il continue. Ce faisant il exerce l’obéissance à l’Eglise fondée par le Christ, et invite chacun à faire de même.

 

Mgr Strickland menacé pour cause de doctrine traditionnelle

Les informations relatives à la menace qui pèse sur l’évêque fidèle ont été rendues publiques par The Pillar Catholic lundi. Le site fait état de manière affirmative d’une réunion qui a eu lieu le samedi 9 septembre entre le pape François et deux archevêques et futurs cardinaux, Mgr Robert Prevost, nouveau chef du dicastère pour les évêques, et Mgr Christophe Pierre, nonce apostolique aux Etats-Unis – ce dernier étant connu, faut-il ajouter, pour son hostilité à l’égard de la partie la plus conservatrice de la hiérarchie catholique américaine.

On pense que la réunion a consisté en la présentation des résultats de la visite apostolique qui a « frappé » le diocèse de Tyler cet été, et selon les sources anonymes mais haut placées citées par The Pillar, divers problèmes, financiers et autres, dans le diocèse, mais aussi des déclarations de Mgr Strickland au sujet du pape et du synode sur la synodalité à venir ont porté les deux prélats à recommander au pape de suggérer, et même de suggérer fortement à Mgr Joseph Strickland de présenter sa démission.

Il semble peu probable que le pape décide de déposer Mgr Strickland de son siège, chose canoniquement possible mais très rare dans la pratique. Elle aurait en tout cas pour effet de mettre le pape François sous un mauvais jour, lui qui a réclamé la parrhesia – la franchise dans la discussion – et qui prêche la « synodalité » à tout va. Justifier la mise à l’écart d’un évêque en raison de la justesse de sa doctrine ne serait pas plus flatteur pour François.

 

Menacé, Mgr Strickland peut très bien rester à la tête de son diocèse

Rien n’oblige canoniquement cependant un évêque à démissionner : une solution possible consiste en la mise en place d’un administrateur apostolique à ses côtés, qui exercerait le pouvoir à sa place.

Aux dernières nouvelles on n’en est pas là : mardi, Mgr Strickland a répondu à une question écrite de religionnews.com en assurant qu’il n’avait eu aucune information de Rome relative à une demande de démission.

Il ne semble pas décidé à accéder à une telle demande puisqu’il a ajouté : « Le principe fondamental est que je ne puis démissionner d’un mandat qui m’a été donné par le pape Benoît XVI. Bien sûr, ce mandat peut être révoqué par le pape François, mais je ne peux pas volontairement abandonner le troupeau dont on m’a confié la charge en tant que successeur des apôtres. » Par la même occasion, il a accusé ceux qui répandent les rumeurs concernant des réunions au Vatican de « faire du tort à l’Epouse du Christ que nous devons aimer et servir ».

Religionnews.com a interrogé à ce sujet un avocat canoniste à l’Université catholique d’Amérique, John Beal, selon lequel un pape peut déposer un évêque contre la volonté de ce dernier, sans qu’il existe « une procédure définie en vue d’une telle action ». Canoniquement, un évêque peut être « privé » (privatio) de sa fonction à la suite d’une procédure pénale relative à un délit canonique – chose que le canoniste juge improbable ici vu qu’il doute que Mgr Strickland se soit rendu coupable d’un « délit punissable ».

Les papes ont su trouver d’autres moyens, comme pour Mgr Gaillot, l’ancien évêque d’Evreux nommé par Jean-Paul II évêque in partibus du diocèse fantôme de Partenia, en Algérie, où il ne se passe rien depuis le Ve siècle. Mgr Gaillot avait réussi à rester sur le devant de la scène médiatique, ce que Mgr Strickland pourrait faire de manière encore plus forte s’il devait lui arriver pareille sanction, de telle sorte que le commentateur progressiste Massimo Faggioli a pu dire il y a quelques mois : « Je crois que l’on craint de voir sa visibilité amplifiée s’il est déposé. »

Et ainsi on discute et l’on s’irrite de l’influence d’un évêque fidèle, alors que ceux qui – en Allemagne par exemple – réclament des bénédictions pour les couples homosexuelles ne risquent rien, et ne font même pas l’objet d’une remarque fraternelle.

 

Mgr Strickland tient bon en dénonçant indirectement des erreurs actuelles venues de Rome

Dans sa longue lettre pastorale datée de mardi, Mgr Strickland parle au contraire du « sacrilège dévastateur » que constitue la réception indigne de la sainte communion – à savoir, « en état de péché grave non repenti ». Son développement, très traditionnel, sur la sainte Eucharistie, la Présence réelle, et la mise en garde de saint Paul dans sa première Lettre aux Corinthiens invitant chacun à s’« examiner », aboutit à l’affirmation du besoin pour chacun de s’appuyer sur la miséricorde du Christ pour s’approcher d’un tel sacrement – ce qui suppose de nous conformer à sa grâce et de « confesser sacramentellement tout péché mortel dont nous ayons conscience avant de recevoir la sainte communion ». Ne pas le faire expose à la « destruction spirituelle », rappelle l’évêque.

Il précise : « Un péché mortel est celui dont la matière est grave et qui a été commis volontairement et en pleine connaissance de sa gravité. Ces matières graves comprennent (mais ne sont pas limitées à) : le meurtre, l’avortement ou la participation à un avortement, les actes homosexuels, les relations sexuelles en dehors du mariage ou dans un mariage invalide, le fait d’avoir délibérément des pensées impures, l’utilisation de la contraception, etc. Si vous avez des questions concernant les péchés ou la nécessité d’une confession sacramentelle, je vous invite à en parler à votre curé ; et si vous avez commis un péché mortel, je vous implore de vous confesser avant de recevoir l’Eucharistie. »

Nous savons que le pape a lui-même minimisé cela en ouvrant la possibilité pour les divorcés engagés dans une union civile alors que leur mariage religieux était valide de s’approcher de la sainte table : c’était toute l’affaire d’Amoris laetitia. Aujourd’hui le document de travail du synode sur la synodalité à venir évoque l’« inclusion » des minorités, y compris les « LGBTQI » dont Mgr Strickland écrit :

« La question des personnes qui s’identifient comme membres de la communauté LGBTQ et qui souhaitent recevoir la sainte communion a fait l’objet de nombreuses discussions. Je pense qu’il est important d’affirmer ce qui suit dans cette lettre pastorale : L’Eglise offre amour et amitié à toutes les personnes LGBTQ, comme le Christ l’offre à chacun d’entre nous, et l’Eglise cherche à permettre à chaque personne de vivre l’appel authentique à la sainteté que Dieu lui destine. Nous devons cependant être clairs : l’Eglise ne peut offrir la sainte communion à une personne qui s’engage activement dans une relation homosexuelle ou qui ne vit pas selon le sexe pour lequel Dieu l’a formée lors de sa conception et de sa naissance. L’Eglise enseigne que les personnes qui éprouvent des sentiments d’attirance pour le même sexe ou de la dysphorie de genre ne pèchent pas du simple fait qu’elles éprouvent de tels sentiments, mais qu’agir librement en fonction de ces sentiments est un péché et n’est pas conforme au dessein de Dieu pour ses enfants. Pour ceux qui éprouvent ces sentiments, il s’agit en effet d’un chemin difficile. Je vous encourage donc à rechercher le soutien spirituel et émotionnel de votre prêtre paroissial, de votre famille et de vos amis croyants qui peuvent vous aider à discerner et à vivre l’appel authentique à la sainteté que Dieu a prévu pour vous. J’aimerais aussi vous dire ceci : peu importe qui nous sommes, nous devons toujours nous rappeler que suivre Jésus signifie suivre le chemin de la Croix. Ce sera difficile, mais soyez assurés qu’Il le parcourt avec nous si nous le lui demandons. »

Voilà qui explique pourquoi le monde hait Mgr Strickland. Cela permet aussi de discerner où se trouve la « mondanité » – si volontiers décriée par François – dans l’Eglise…

 

Jeanne Smits