Les classes moyennes en Afrique ne progressent pas assez vite au goût de Nestlé

Les classes moyennes en Afrique ne progressent pas assez vite au goût de Nestlé
 
C’est un lieu commun que de s’extasier sur l’expansion rapide des classes moyennes en Afrique, continent de tous les possibles. Un rêve qui, pour le géant de l’alimentaire Nestlé, est en train de se fracasser : la multinationale s’apprête à réduire sa force de travail implantée dans 21 pays d’Afrique de 15 % devant le constat que les classes moyennes ne progressent pas aussi vite qu’elle l’avait pensé.
 
« Nous pensions que (l’Afrique) serait la nouvelle Asie, mais nous nous sommes rendus compte que la classe moyenne dans cette région est extrêmement restreinte et ne progresse pas vraiment », a déclaré Cornel Krummenacher, directeur de Nestlé pour l’Afrique équatoriale, basé à Nairobi au Kenya.
 
Les prévisions de croissance mirifiques qui ont poussé Nestlé à augmenter fortement ses investissements dans le continent Africain – sur ces dix dernières années, leur total atteint 1 milliard de dollars – n’ont pas été confirmées par les faits. La construction de nouvelles usines ne lui a pas permis de doubler son chiffre d’affaires tous les trois ans comme espéré. Au contraire, la société vient de fermer ses bureaux au Rwanda et en Ouganda, elle a fortement réduit son offre de produits et envisage de fermer une partie de ses 15 entrepôts géants. L’heure est aux économies drastiques.
 

L’Afrique des classes moyennes n’existe pas, au grand dam de Nestlé

 
A l’instar de Nestlé, Coca-Cola, Cadbury et Eveready s’étaient rués sur ce qu’ils croyaient être l’El Dorado africain : ils ont choisi eux aussi de replier leur voilure devant les réalités africaines.
 
La première est celle du manque d’infrastructures, ce qui rend le transport des marchandises tellement onéreux qu’il atteint les 75 % des coûts. La corruption joue aussi son rôle, ainsi que les dévaluations, les rixes et conflits et les phénomènes climatiques violents.
 
Les classes moyennes dont on annonçait l’émergence ne sont pas au rendez-vous. L’Afrique livrée à elle-même n’a pas su trouver l’esprit d’initiative et la prospérité que l’immense richesse du continent devrait pouvoir permettre : dans de nombreux pays (mais Nestlé ne le dit pas) l’emprise marxiste et l’exacerbation des conflits ethniques après le départ des colonisateurs n’a pas favorisé la croissance…
 
A quoi s’ajoute – et là c’est plutôt bon signe pour les Africains – l’émergence d’une industrie alimentaire africaine, adaptée aux goûts locaux et beaucoup moins chère. Ses produits sont plus faciles à vendre que les aliments pour chien de luxe, les capsules Nespresso et les céréales pour petit déjeuner propres à une population mondialisée dans ses goûts et dans sa consommation.
 

En Afrique la production locale progresse mais les analystes se trompent

 
Cela suppose une production locale, authentiquement locale, qui pour l’heure n’est pas le fort des Africains et qui n’est pas de l’intérêt d’une économie globalisée et des marchands qui vendent le même produit à Anchorage et au Cap, mais où les possibilités sont évidemment énormes.
 
C’est peut-être le moyen pour que le Kenya – pour ne prendre que cet exemple – accroisse le nombre de ses foyers aisés : on n’en compte aujourd’hui que 800.000 dans une nation de 44 millions d’âmes.
 
Preuve est faite en tout cas une fois de plus de l’inexactitude de la prospective des grands analystes économiques pour qui richesse va nécessairement de pair avec la mondialisation de l’économie et la division internationale des tâches : cela ne fonctionne pas.
 

Anne Dolhein