Nigeria : changement climatique ou djihad ?

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En l’espace d’un an – très exactement du 2 janvier au 27 décembre 2023 – plus de 400 personnes ont été tuées et plus de 100 autres blessées, violées ou enlevées lors d’attaques de bergers nomades peuls à majorité musulmane contre des établissements et des communautés agricoles de paysans chrétiens dans l’Etat de Benue, au Nigeria. Ces chiffres publiés par l’Aide à l’Eglise en Détresse précisent que les massacres ont eu lieu au cours de 119 attaques au moins dans le diocèse catholique de Makurdi, dans la région de la ceinture moyenne du Nigeria. Et ces attaques ne sont pas liées au « changement climatique », précise le communiqué de l’AED.

Eh oui, il peut sembler que cela va sans dire, mais l’idée que les chrétiens du Nigeria, en proie à une persécution sanglante – plus de 170 tués dans l’Etat du Plateau au moment de Noël ! –, soit une conséquence de la « crise climatique » a cours dans les grands médias.

 

Reuters attribue les massacres de chrétiens au changement climatique

Ainsi l’agence Reuters, tout ce qu’il y a de plus convenable et dont le nom serait gage de sérieux, expliquait-elle en rendant compte des attentats :

« Les experts et les hommes politiques affirment que le changement climatique et l’expansion de l’agriculture créent une concurrence pour les terres, poussant les agriculteurs et les éleveurs à entrer en conflit.

« Les éleveurs nomades sont originaires du nord du Nigeria, qui devient de plus en plus sec et de plus en plus sujet aux sécheresses et aux inondations. Ils sont donc contraints de se rendre plus au sud, où les agriculteurs augmentent leur production en raison de l’accroissement rapide de la population.

« Cela signifie moins de terres pour les nomades et leur bétail, ce qui conforte la population locale dans l’idée que le conflit est basé sur la disponibilité des ressources plutôt que sur des différences ethniques ou religieuses. »

La population locale ne semble pas convaincue… Pour le P. Remigius Ihiyula, partenaire de projet de l’AED et directeur de la Fondation pour la justice, le développement et la paix (FJPD) du diocèse de Makurdi, l’augmentation de la violence du groupe ethnique des bergers Fulanis contre les agriculteurs chrétiens est sans précédent. « Par le passé, le conflit autour des pâturages n’a jamais donné lieu aux meurtres et aux destructions dont nous sommes témoins aujourd’hui. Auparavant, il n’y avait aucune intention d’occuper et de déplacer des communautés comme c’est le cas aujourd’hui. Il existait également des mécanismes de résolution pacifique et de règlement à l’amiable, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui », observe-t-il.

 

Le Nigeria fertile a toujours attiré les bergers nomades musulmans

Aujourd’hui, les Peuls arrivent « lourdement armés » et les différences de religion sont bel et bien au cœur de leurs attaques surprises, dont le prêtre explique qu’il s’agit d’opérations djihadistes au cours desquelles l’islam est propagé en tant qu’idéologie.

Les voyages des bergers – le plus souvent originaires des Etats frontaliers du nord, autour de Sokoto et de Katsina ou venant carrément du Niger voisin – vers le sud sont une constante de l’histoire : venus de zones arides, ils cherchent des terres plus vertes, en particulier, dans l’Etat de Benue « connu pour ses terres très fertiles ». Cela n’est pas nouveau.

Ce qui l’est, c’est la violence des attaques qui s’appuient donc sur un armement qui n’a rien à voir avec celui qu’on pourrait imaginer entre les mains de bergers, et qui cherchent à tuer pour tuer.

Des dizaines d’organisations de défense des droits de l’homme ont appelé la communauté internationale à intensifier la pression sur le Nigeria pour qu’il mette fin à la persécution des chrétiens. Mais les Etats-Unis, en particulier, n’en veulent rien savoir et ont refusé pour la troisième année consécutive de réinscrire le Nigeria sur leur liste de surveillance internationale de la persécution religieuse.

 

Anne Dolhein