Les ministres saoudien et koweïtien du Pétrole ont affirmé haut et fort dimanche que leurs pays n’avaient pas l’intention de baisser leur production de pétrole, afin d’en faire remonter les cours en chute libre. Et cela, même si certains pays non membres de l’OPEP, qui affichent leur résolution en ce sens, se décidaient à passer effectivement à l’acte. Lesdits ministres jurent néanmoins leurs grands dieux que, contrairement à ce dont d’aucuns les accusent, il n’y a dans leur décision aucune manœuvre, aucun complot d’ordre géopolitique.
A l’occasion d’une conférence des pays arabes exportateurs de pétrole, tenue à Abou Dhabi, capitale des Emirats arabes unis, le ministre saoudien Ali al Naïmi a clairement déclaré, en faisant référence aux pays producteurs n’appartenant pas à l’OPEP : « S’ils veulent réduire leur production, libre à eux. Nous ne baisserons pas la nôtre, l’Arabie saoudite ne baissera certainement pas la sienne. » Tout en précisant néanmoins, pour la vraisemblance géopolitique, être « insatisfait à 100 % » par le niveau actuel des cours, qui finiront bien par remonter…
Son homologue koweïtien a renchéri quasiment dans les mêmes termes : « Je ne pense pas que nous ayons besoin de réduire. Nous avions donné une chance aux autres, et ils n’étaient pas disposés à le faire. » Et Ali al-Omair d’ajouter : « Rien ne se passera jusqu’au mois de juin, et il n’y aura pas de réunion extraordinaire. »
Le prétexte économiste de l’OPEP pour ne pas baisser sa production
Plus pragmatique – à moins qu’il ne soit devin –, Abdullah al-Badri, secrétaire général de l’OPEP, qui participait également à la conférence, a affirmé espérer un rebond de l’or noir vers la fin du second semestre 2015.
L’OPEP ne démord donc pas de la ligne selon laquelle elle n’est pour rien dans la chute actuelle des prix pétroliers, bien qu’elle continue à s’opposer, malgré une demande mondiale atone, à toute baisse de sa propre production de quelque trente millions de barils par jour. Qu’elle n’est pour rien, et donc, et surtout, qu’elle ne fera rien…
A qui la faute, alors ? Ali al Naïmi estime clairement que la responsabilité en incombe aux pays producteurs qui n’appartiennent pas à l’OPEP et à des « spéculateurs » plus ou moins anonymes. Ne serait-ce, une fois de plus, que pour préserver l’affirmation qu’il n’y a aucune manœuvre géopolitique de l’organisation en cette affaire, et donc aucune responsabilité…
Suhail Bin Mohammed al-Mazroui, son homologue des Emirats Arabes Unis a, pour sa part, exhorté tous les pays producteurs à ne pas relever leur production en 2015, assurant qu’ainsi les prix se stabiliseraient rapidement : « Nous invitons tout le monde à faire ce que l’OPEP a fait, et à faire un pas vers la stabilisation du marché en ne proposant pas de produits pétroliers supplémentaires en 2015. Si tout le monde respecte la décision de l’OPEP, le marché va se stabiliser rapidement. »
Pétrole : le poison qui rend fou ?
En clair, l’OPEP ne prendra aucune initiative pour soutenir les prix. « Nous n’allons pas interférer dans les fondamentaux du marché et entreprendre une quelconque action qui sera un correctif de court terme », a-t-il ainsi poursuivi. Et même à plus longue échéance sans doute, puisque, affirme-t-il avec assurance, « nous avons besoin de six mois » pour évaluer le marché, et « même si rien ne se passe lorsque nous nous rencontrons dans six mois, nous ne changerons pas notre position ».
Peut-on vraiment affirmer n’avoir aucune velléité géopolitique lorsqu’on se pose ainsi en chef de file mondial des producteurs de pétrole, et qu’on prétend dicter sa conduite aux autres ? Question corollaire, et que l’OPEP – qui assure le tiers des approvisionnements mondiaux en brut… – n’a pas pu ne pas se poser : les autres producteurs – certains d’entre eux en tout cas – ont-ils les reins assez solides pour jouer longtemps à ce petit jeu ?
Avec une rare confiance en soi, le ministre saoudien du Pétrole a balayé ces considérations, non exposées mais présentes à l’esprit d’un certain nombre d’observateurs, d’un revers de main : « Les discussions sur un complot que mènerait l’Arabie saoudite à des fins politiques sont sans fondement et démontrent une méconnaissance du sujet. La politique pétrolière du royaume s’appuie sur une stricte base économique, rien de moins, rien de plus. »
L’OPEP face au monde
Certes ! Mais lorsque l’on sait la place prépondérante de la question pétrolière dans l’équilibre de la région, et lorsque l’on connaît son impact mondial, il paraît pour le moins osé de nier toute considération politique ! Il faudrait parvenir à en convaincre un certain nombre de pays assez variés, tels l’Iran et les Etats-Unis, la Russie et la Syrie, par exemple, qui ne sont pourtant pas tous, loin s’en faut, des alliés…
Mais qu’importe toutes ces considérations, la confiance d’Ali al Naïmi, malgré quelques difficultés actuelles sur les places boursières, demeure inébranlable : « J’ai confiance dans une amélioration du marché du pétrole. (…) Les cours actuels n’encouragent pas l’investissement dans le secteur de l’énergie, mais ils stimulent la croissance économique mondiale, ce qui conduira à terme à une augmentation de la demande mondiale. »
A l’écouter, on pourrait croire que le pétrole tient tout à la fois de la baguette magique et de la pierre philosophale…