Orban soutient Maduro et le nouveau bloc de l’Est

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Viktor Orban, le Premier ministre de la Hongrie qui vient de prendre la présidence de l’Union Européenne, ennuie celle-ci depuis plusieurs années en prenant des positions non conformes à la majorité européenne, sur l’immigration, le climat ou la question LGBT+ par exemple, à tel point que la Commission de Bruxelles a engagé une procédure disciplinaire contre son pays. Mais depuis quelques semaines, il y va fort : alors que le commissaire responsable des affaires étrangères a fait trois déclarations officielles pour mettre en doute la régularité des dernières élections au Venezuela, mettant en cause le président Maduro, il a mis son veto à une déclaration commune de l’Union européenne allant dans ce sens (qui ne peut être décidée qu’à l’unanimité des 27 membres). Cela corrobore sa position sur l’Ukraine et son voyage à Moscou et Pékin, où il a signé d’importants accords. Comme s’il avait définitivement choisi le nouveau bloc des pays anti-occidentaux formé autour des dictatures de l’Est, Russie, Chine et Iran.

 

Contre l’arc-en-ciel, Orban se tourne vers l’Est

Orban se présente en chrétien. Lors de la victoire écrasante qu’il a remportée aux législatives de 2018 avec son parti, le Fidesz, il a eu cette réaction en latin : « Soli Deo Gloria » (A Dieu seul la gloire) ! Le Fidesz a longtemps siégé au parlement européen avec le PPE, considéré comme démocrate-chrétien, ou chrétien social. Et sa politique depuis qu’il est au pouvoir à Budapest défend les frontières de la Hongrie contre l’immigration, la propagande LGBT+ et toutes les menaces que les menées de son ancien compatriote Georges Soros font peser sur l’identité hongroise. Il passe pour populiste ultraconservateur, et ses élus siègent désormais avec ceux du RN au Parlement européen, dans un groupe que les médias disent « d’extrême droite ». Pourtant, depuis la guerre en Ukraine en 2022, il s’est rapproché non seulement de la Russie post-communiste, mais de la Chine communiste, de l’Iran islamo-gauchiste et maintenant du Venezuela néo-castriste.

 

L’Iran, la Russie, la Chine, et Maduro en prime

Il a signé en février à Téhéran un accord de coopération économique et technique avec l’Iran, au moment où celui-ci monte en intensité son conflit contre les Etats-Unis, et surtout contre Israël – de nombreuses associations juives l’ont vivement condamné. Il a accompli une « mission de paix » début juillet à Kiev, Moscou puis Pékin, ce qui avait fait grincer des dents la Commission européenne. Il rendait ainsi sa visite au président Xi Jinping qui était venu à Budapest en mai pour y signer 18 protocoles visant à renforcer les liens économiques et politiques entre les deux pays, déjà définis dans le « Partenariat stratégique global » signé en 2017. Dans une économie hongroise fatiguée par le COVID et marquée par une forte inflation, les investissements chinois étaient attendus comme le Messie. C’est à rapprocher aussi du choix d’une centrale nucléaire construite par les Russes pour assurer la « transition énergétique ». Le soutien marqué à Maduro couronne le tout, confirmant l’achat massif et récent par la Hongrie de pétrole vénézuélien.

 

Comme De Gaulle et Le Pen, entre les deux blocs ?

Sans doute tout cela peut-il trouver des explications ordinaires. La guerre en Ukraine a privé l’Europe du gaz russe, et la Hongrie en a souffert peut-être plus que d’autres, elle a dû chercher des sources alternatives d’énergie. On pourrait aussi alléguer avec quelque apparence de raison que, pour faire pièce à un Occident arc-en-ciel emmené par les Démocrates américains, Biden le sénile et Harris la communautariste, pour faire contrepoids aux folies de Bruxelles, Orban a choisi de s’aboucher par une alliance tactique avec un Poutine qui se présente comme orthodoxe et se moque des dérives dites sociétales, c’est-à-dire, morales, de l’Union européenne – la vue des JO de Paris lui serviraient abondamment d’excuse. Il reprendrait en quelque sorte la posture d’un Le Pen durant la guerre du Golfe, allant voir Saddam pour faire libérer des otages. Ou celle de De Gaulle durant la guerre froide, cherchant une solution du côté des non-alignés entre les deux blocs, entre l’Est et l’Ouest.

 

Pourquoi soutenir Maduro et le bloc de l’Est communiste ?

Mais cette vision des choses, sans être tout-à-fait fausse, est incomplète. Quel besoin Orban a-t-il eu de s’acoquiner avec un dictateur communiste du type Xi Jinping, radicalement anti-religieux et anti-chrétien, et dont les projets de conquête économique partout, en particulier en Europe, ne sont un secret pour personne ? Quelle idée de voler au secours d’un Maduro qui vient de truquer les élections après avoir ruiné son pays, et dont la réputation est un boulet pour Orban ? C’est quand les choses sont incompréhensibles qu’elles deviennent significatives. Orban est un homme politique, c’est-à-dire d’abord homme, sujet au changement, à l’erreur, à l’orgueil, à toutes sortes d’influences, financières ou non, et ensuite politique : il suit la résultante des forces qui pèsent sur lui, à l’intérieur et à l’extérieur de la Hongrie. Il ne fait que prendre part à une sorte de « sens commun » que l’on voit se développer depuis de nombreuses années entre ce qui est appelé « extrême gauche » et « extrême droite ».

 

Les extrêmes convergent vers Orban

Les exemples en abondent, sans qu’il soit utile d’y chercher des explications financières, comme l’a fait une presse française qui raisonne à l’envers. Si le RN a bénéficié en 2014 d’un prêt russe, cela ne veut pas dire qu’il est payé par la Russie, mais qu’il a cherché (et trouvé) là-bas ce prêt parce qu’il convergeait sur certains points avec la Russie. Sur l’anti-américanisme, par exemple, sur l’anti-arc-en-ciel, le RN étant comme l’était alors Poutine opposé aux LGBTisme, à l’immigration-invasion, et « climatosceptique ». C’était le cas aussi de Marion Maréchal et d’Eric Zemmour, qui n’avaient reçu nul prêt russe, et qui professaient alors une vue de la guerre en Ukraine semblable à celle de François Fillon, qui, lui travaillait, pour de grosses entreprises russes. Il y a en fait des convergences profondes entre ce qui est nommé extrême droite et extrême gauche. Un antisémitisme fondé sur l’anticapitalisme. Que la solution aux menées des banques soit la Chine communiste ou la grande Europe revient au fond au même. La question anime une même géopolitique antiaméricaine. Souvent aussi une forme d’antichristianisme dont l’origine est peut-être maçonne. Cela ne date pas d’hier. On a pris l’habitude de considérer Hitler et Mussolini comme d’extrême-droite. C’est très discutable. Un Salazar, oui, était d’extrême-droite, mais d’une extrême-droite doctrinale sans rapport avec ce qu’on appelle ainsi. Hitler et Mussolini, eux, venaient de la gauche, et allaient où le vent les a poussés. Et Orban ?

 

Pauline Mille