DRAME L’Outsider ♠


 
L’Outsider est le titre anglais d’un film français, à l’action se déroulant en France, ce que nous estimons par principe insupportable, et qui est théoriquement sanctionné par la loi Toubon, jamais appliquée. Toutefois ce film se déroule dans un milieu où surabondent les anglicismes, et le mot reflète donc une certaine atmosphère linguistique, le monde de la finance et de la bourse étant saturé de termes empruntés à l’anglais, formant une sorte de créole franco-anglais. Un outsider est un étranger, ou plutôt un marginal ou, dans le sens sportif, le concurrent qui n’est pas donné favori. Le titre joue sur cette polysémie, tous les sens pouvant s’appliquer au héros, Jérôme Kerviel.
 
Il y a là un problème majeur de L’Outsider, l’héroïsation de Jérôme Kerviel. Le réalisateur a avoué s’être inspiré largement de ses écrits. Le film prend la dimension d’une forme de plaidoyer. Le célèbre trader, agent accrédité sur les marchés boursiers et financiers, qui a fait perdre des milliards d’euros à sa banque, la Société Générale, en 2006-2007, aurait-il été une forme de victime d’un système pervers ? En un sens, ce n’est pas totalement faux, mais alors la victime aurait été pour le moins consentante. Toutefois il faut reconnaître que L’Outsider ne cache pas les manœuvres financières en principes interdites réalisées par Kerviel, jusqu’à la fabrication de faux. Ce dernier point est tout de même grave, et le personnage n’inspire qu’une sympathie pour le moins modérée. Il s’est en outre montré violent envers ses amis et sa concubine, ce qui est inexcusable, et contredit frontalement le propos dominant du film voulant le rendre mordicus sympathique.
 

L’Outsider ennuie vite et n’apprend rien

 
La Société Générale a-t-elle été complice des agissements du trader, avant de se retourner contre lui ? Une complicité passive, un refus de sanctionner, lors des périodes d’efficacité sur les marchés de Kerviel, est en effet soutenable, mais pas prouvée. Les verdicts des différents procès du trader ont été contradictoires. La procédure judiciaire est encore en cours.
 
Le film lui-même souffre d’avoir pour principal cadre une salle des marchés de banque, où Kerviel a passé littéralement sa vie durant des années. Ce décor devient vite monotone. L’action véritable se déroule sur des écrans d’ordinateurs qui, le plus souvent, ne sont pas montrés. Quant aux échanges verbaux entre traders, ils relèvent, au-delà de termes techniques empruntés à l’anglais pas toujours compréhensibles pour le néophyte – est-ce voulu ? – du champ lexical des grosses plaisanteries obscènes et blasphématoires. Les paroles et gestes liturgiques catholiques, et eux seuls, sont singés. Les traders se détendent en se saoulant au champagne, en compagnie de péripatéticiennes. Fallait-il le montrer ?
 
Nous ne le pensons pas. Le sujet de L’Outsider aurait mérité un documentaire sérieux. Cette fiction pure est un échec, n’apprend rien ou presque, et ennuie vite.
 

Hector JOVIEN

 
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