A propos de la radicalisation islamiste en milieu carcéral

A propos de la radicalisation islamiste en milieu carcéral
 
Le Journal officiel a publié mardi l’avis rendu le 11 juin dernier par Adeline Hazan, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sur la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral. Elle répond ainsi à la décision gouvernementale de créer cinq quartiers dédiés, comme cela avait été expérimenté dans la prison de Fresnes à l’automne dernier, et ce d’ici la fin de l’année, afin de permettre le « regroupement des barbus », comme disent les surveillants.
 
Dans son rapport, Adeline Hazan note que « le phénomène de radicalisation islamiste dans les établissements pénitentiaires n’est pas récent ». Et s’il est bon que les pouvoirs publics en prennent conscience, elle estime dommage qu’ils n’aient pas, plus tôt, porté attention aux avertissements lancés par les personnels pénitentiaires.
 

Une réponse gouvernementale insuffisante

 
Elle estime par ailleurs que le projet gouvernemental s’avère complexe, car il lui faut « concilier l’exigence de sécurité et l’indispensable respect des droits fondamentaux des personnes détenues ». Or elle estime que l’expérience de Fresnes n’a pas été entourée des garanties nécessaires, et ne correspond, en outre, à « aucun cadre légal précis ». Elle estime donc difficile et délicat de le transposer tel quel en d’autres lieux carcéraux. Elle craint en effet que certaines dispositions, telle la mise à l’isolement, puissent être prises sans aucune considération pour la légalité de leur application.
 
Mais, au-delà de la question des droits des prisonniers qui est, sans doute, le point principal de la mission du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan émet un sérieux doute sur « les programmes dits de déradicalisation ». Dans le respect du droit des prisonniers, elle considère qu’ils ne peuvent être entrepris que sur la base du volontariat, donc que « l’adhésion de la personne doit être recherchée de façon continue ». Autrement dit, il y a fort à parier que les rares prisonniers qui seraient prêts à suivre ce genre de programmes, hésiteront avant de se mettre en porte-à-faux, c’est le moins qu’on puisse dire, avec leurs camarades, d’autant s’ils sont tous rassemblés. Dès lors, on peut considérer que, si ces quartiers spéciaux peuvent avoir comme effet positif de placer les islamistes radicaux à part, il est vraisemblable, en revanche, que ladite « déradicalisation » ne soit qu’un vœu pieux…
 

De la radicalisation islamiste en milieu carcéral…

 
Evoquant cette difficulté, le rapport souligne certains aspects qui confinent aux non-dits officiels sur la question : « Il s’agit de proposer un accompagnement au renoncement à la violence et non pas de remettre en cause un attachement à la religion musulmane, écrit en effet le Contrôleur. (…) Une vigilance particulière devra aussi être portée au respect de la liberté de conscience et de religion. »
 
On notera, une fois de plus, que tout le problème tourne autour des liens, réels, supposés, voire fantasmés, entre islam et islamisme, mais que la réponse ne saurait consister à dire, comme le font les pouvoirs publics, que ces liens n’existent pas.
Christiane Taubira a répondu à ce rapport, en se voulant rassurante. Le garde des Sceaux estime certes les inquiétudes du Contrôleur « fondées », mais promet que « les individus les plus dangereux seront dispersés et isolés ».
 
En clair, le gouvernement se voile toujours la face…
 

… à celle de la communauté musulmane ?

 
Or, le constat doit être posé, comme il l’a été lundi par le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur lui-même, au moment où il quitte la présidence du Conseil français du culte musulman.
 
« La communauté musulmane de France, minée par le communautarisme et par le fondamentalisme, s’est bien dégradée du fait de l’inertie de fonctionnaires peu vigilants et d’un laisser-faire coupable permettant au salafisme, aux imams autoproclamés et à tous les meneurs de travailler sans cesse (…) une population déboussolée », affirme-t-il.
 
On n’accusera pas, peut-on supposer, Dalil Boubakeur de discrimination anti-musulmans. Or ce qu’il dit est bien plus grave que ce qu’admet le gouvernement de Manuel Valls. Si la communauté musulmane de France est « minée » par le fondamentalisme, c’est qu’il ne suffit plus, loin s’en faut, de s’arrêter à la surveillance de quelques dizaines de « barbus » !
 

François le Luc