Régulation de l’Internet et théories du complot

Régulation de l'Internet et théories du complot
 
La vérité sort de la bouche du peuple : la régulation d’Internet est inéluctable, surtout pour les jeunes. C’est ce qu’en a déduit le dernier sondage réalisé pour l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), à l’occasion des « Assises pour la Lutte contre la haine sur Internet » organisées dimanche à Paris, sous le haut patronage de la Garde des Sceaux, Christiane Taubira… Et les théories du complot sont une nouvelle cible.
 

Internet : régulation et/ou flicage

 
92 % de la population est favorable à l’idée de bloquer et déréférencer les sites internet faisant l’apologie du terrorisme, et 89% sont partisans de « responsabiliser les opérateurs comme Google, Facebook et Twitter pour une plus grande maîtrise des contenus diffusés ».
La grande majorité est favorable à la proposition d’instaurer « un système d’amendes pour les auteurs de messages de haine » (83 %), ou de « rendre systématique le renseignement, lors d’une inscription sur une plateforme ou un réseau social, de son identité officielle dans un formulaire restant confidentiel » (78 %). 83 % estiment en effet que la possibilité de poster sur internet des contenus sous couvert d’anonymat « favorise l’expression de propos haineux ».
 
On y apprend également que la moitié des Français dit avoir déjà été confrontée sur l’Internet à des propos racistes (51 %) ou antimusulmans (49 %), tandis que 45 % ont été confrontés à des propos homophobes ou xénophobes, et 43 % à des propos antisémites.
 
Pour Sacha Reingewirtz, président de l’UEJF, la conclusion est sans appel : « Ce sondage (…) démontre surtout qu’une très grande majorité se déclare favorable à une plus forte régulation du Net ». « Il est devenu indispensable de renouveler les modes de gouvernance en ligne, d’élaborer de nouvelles bonnes pratiques, et d’actualiser notre législation numérique. »
 
La « citoyenneté numérique » est en marche.
 

Le nouveau cheval de bataille : les théories du complot

 
Autre élément intéressant : parmi ces sondés, près de 2 sur 5 ont dit avoir eu affaire à des propos « complotistes » ou négationnistes. Et là où l’aiguille du baromètre de la pensée citoyenne dit s’affoler, c’est que ce sont les jeunes qui y sont le plus sensibles. Les jeunes et les moins diplômés… (40 % de la tranche 18-24 ans jugent crédibles les forums de discussion et les vidéos en ligne)
 
Jusqu’ici, on passait sous silence ces théories, laissant à l’indifférence le soin de les étouffer. Mais l’opposition se fait aujourd’hui à découvert. A Verviers, par exemple, en Belgique, où deux djihadistes présumés ont été tués le 15 janvier dernier par les forces de l’ordre, lors d’un coup de filet, on a organisé un véritable colloque pour le 25 avril prochain, afin de mettre à mal le faisceau de « théories du complot » nées à la suite de l’opération. A Chartres, un professeur d’un lycée a été muté après avoir, au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo, montré à ses élèves une vidéo accréditant des thèses complotistes en rapport avec les attentats du 11 septembre aux États-Unis. Il y a quelques jours, c’était la 40ème Cérémonie des Césars qui nous gratifiait d’un sketch ironique assimilant le cinéma français à un complot « catholico-islamo-judéo-sataniste »
 
Les sondages français de la fin janvier s’étaient enorgueillis du fait que les théories du complot faisaient moins recette dans l’opinion pour expliquer les attentats de Paris que ceux du 11 septembre 2001 ou l’affaire DSK. Pour l’Ifop, 70 % des Français jugeaient qu’il « est certain que ces attentats ont été planifiés et réalisés par des terroristes islamistes ». Pour l’institut CSA, ils étaient même 83 %. Explication de l’Ifop : « Le fait que ces événements soient très récents et qu’aucun grand média n’ait offert de tribune à ces théories explique peut-être ce moindre écho rencontré dans la population ». Il faut surtout ajouter l’énorme opération de fascination et de sidération de la marche du 11 janvier, qui imposa aux Français une unité et une solidarité de circonstance…
 
Mais là encore, 61 % des jeunes restaient sensibles à « la part d’ombre » des événements. Beaucoup de media ont recouru à des explications de psychologues pour démontrer, expliquer cet attachement de la jeunesse aux théories non-officielles : soutien affectif déficient, manque de formation, manque d’écoute… Et justifier une réaction gouvernementale. Elle viendra et atteindra probablement tous les opposants.