Le prince saoudien Mohammed bin-Salman et la restructuration de l’islam : cette modernisation est-elle une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

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Le prince héritier d’Arabie saoudite a entamé une tournée en Occident, une « offensive de charme » destinée à vendre l’idée d’un pays islamique compatible avec la modernité qu’il est en train de mettre patiemment en place dans le cadre de son initiative « Vision 2030 ». Une date qui rappelle, bien sûr, le programme de l’ONU assorti de cette même échéance : les Objectifs du développement durable ou ODD. Et ce n’est assurément pas un hasard… En mettant en œuvre cette restructuration de l’islam, le prince Mohammed bin-Salman répond aux exigences d’une société mondialisée. C’est pourquoi on peut s’interroger sur le but poursuivi, même si concrètement, cela devait signifier (attendons de voir !) un peu plus de liberté et un peu plus de sécurité, pour les chrétiens notamment, dans les pays concernés.
 
Avant de rejoindre le Royaume-Uni ce mercredi, le prince héritier a fait escale en Egypte pour rendre visite à la cathédrale copte de Saint-Marc, celle-là même qui avait été victime d’un terrible attentat islamiste à la Noël 2016. Mohammed bin-Salman y a rencontré lundi le pape Tawadros II, chef de cette Eglise chrétienne schismatique, allant jusqu’à s’asseoir avec lui sous une représentation de l’Agneau de Dieu flanqué à sa droite d’une image de la Sainte-Famille et à sa gauche, de celle du Christ Roi de l’univers.
 

Le prince saoudien Mohammed bin-Salman a rendu visite au pape copte Tawadros II

 
On comprend l’enthousiasme des chrétiens sur place qui y voient à la fois un signe et un renforcement de la possibilité d’espoir face aux persécutions dont ils sont toujours victimes. Et une gifle pour les musulmans « durs » – Frères musulmans, Etat islamique… Mais il faut bien comprendre que le prince saoudien, tout comme les autorités sunnites de l’université Al-Azhar du Caire l’ont fait à leur manière en soutenant les propositions similaires du maréchal Sissi, propose une version dénaturée de l’islam. Un islam qui renoncerait au moins partiellement à la confusion entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel qui fait partie de sa substance ; un islam qui n’appliquerait plus le coran et les hadiths à la lettre.
 
S’agissant d’une fausse religion, pourquoi s’en inquiéter ? Pour une raison simple : il s’agit de remplacer une erreur par une autre erreur, une erreur riche de menaces qui affectent déjà le monde entier. On alignera l’islam, comme c’est déjà largement fait pour le christianisme, sur la modernité. Sur ce relativisme qui pose qu’aucune religion ne saurait se dire vraie parce que la vérité n’existe pas. Ne subsiste que le « vivre-ensemble » qui rejette tout dogme au nom de l’humanisme maçonnique et de la tolérance.
 
Et c’est toujours la même histoire : « interdit d’interdire », « pas de liberté pour les ennemis de la libertés » – le « vivre-ensemble » vaut pour tous, pourvu qu’ils y soient acceptés. Affirmer des opinions non conformes vous en exclut, sinon aujourd’hui, sûrement demain. C’est de cette logique que relève par exemple le contrôle toujours accru de l’enseignement hors contrat en France.
 
Lorsque le pape Tawadros a salué, devant bin-Salman, « l’amour » rencontré par les chrétiens d’Egypte travaillant en Arabie saoudite de la part du gouvernement saoudien, on peut quand même se poser des questions. Où sont les églises dans ce pays qui punit toujours de mort l’apostasie de l’islam ?
 

L’Arabie saoudite en pleine modernisation relativiste

 
Avant de se rendre au Royaume-Uni, le prince Mohammad bin-Salman a accordé une interview au Telegraph de Londres pour vanter son programme « Vision 2030 » qui annonce des changements économiques et sociaux profonds. Lui qui exerce le pouvoir de facto par la volonté de son père depuis juin dernier s’appuie sur le fait qu’une belle part des jeunes Saoudiens – 70 % de la population a moins de 30 ans – a découvert la vie occidentale et ne supporte plus les restrictions propres à l’islam. Avec lui, tout va changer : les femmes vont pouvoir conduire, les jeunes amoureux pourront même aller au cinéma ensemble…
 
Les choses changent d’ailleurs déjà, s’il faut en croire Con Coughlin, qui a réalisé l’entretien avec le prince à Riyadh. On y voit maintenant des groupes de jeunes, garçons et filles, discuter ensemble sans chaperon dans les parcs publics en écoutant de la musique occidentale. Un air de liberté forcément positif, qui témoigne aussi de la volonté du pouvoir de devancer les revendications inévitables.
 
Mohammed bin-Salman a donc expliqué que tout cela est en cours, notamment pour contrer « les extrémistes et les terroristes ». « Nous devons travailler ensemble pour promouvoir l’islam modéré », a-t-il lancé : cela passera notamment par une coopération avec les services de renseignement occidentaux, a-t-il annoncé.
 

Mohammed bin-Salman promet la restructuration de l’islam par la réforme économique

 
Le développement économique est un autre volet de cette entreprise : alors que l’Arabie saoudite compte vendre une partie de son entreprise pétrolière Aramco (100 milliards de dollars sont attendus), une opération dont la place de Londres se chargerait volontiers, la diversification et la prospérité vont couper l’herbe sous les pieds des extrémistes, annonce le prince : « En raison de notre position dominante, l’Arabie saoudite détient la clef du succès économique dans la région. »
 
« Nous pensons que l’Arabie saoudite doit faire partie de l’économie globale. Les gens ont besoin de pouvoir bouger librement, et il nous faut appliquer les mêmes normes que le reste du monde. Après le Brexit, il y a aura des possibilités énormes pour la Grande-Bretagne du fait de la Vision 2030 », a souligné Mohammed bin-Salman.
 
Voilà qui est clair : il s’agit de mettre le monde islamique aux normes d’un monde globalisé – ce monde qui se précipite vers le socialisme mondial. Comme l’a dit un diplomate rencontré à Riyadh par le journaliste du Telegraph, les transformations sociales en cours dans le pays vont « main dans la main » avec les éléments économiques de Vision 2030 : « Ils sont inextricablement liés. On peut même dire que les réformes économiques sont celles qui entraînent les réformes sociales. »
 
Tout un programme, qui n’en est pas à ses premiers essais…
 

Jeanne Smits