La Russie contre les “fake news” : les utilisateurs qui les diffusent, bientôt personnellement responsables ?

Russie fake news utilisateurs bientôt personnellement responsables
 
Le contrôle d’Internet n’est pas une lubie des pays dits « libéraux », et la traque des fake news est une priorité aussi bien du côté de Moscou que de l’UE. Une proposition de loi émanant du parti Russie Unie – la méga-formation politique qui porte Vladimir Poutine – vient d’être publiée sur le site internet du gouvernement aux fins de discussion. Ses dispositions ressemblent assez à celle des textes réprimant la diffusion de certains contenus en Occident ; s’y ajouterait une mesure originale rendant les utilisateurs personnellement responsables en cas de diffusion de fausses informations. Responsables, et donc susceptibles de sanctions. Et facilement identifiables, surtout.
 
La proposition de loi émanant des élus de la Douma vise particulièrement les réseaux sociaux et les sites de communication attirant plus de 100.000 utilisateurs par jour. Les responsables de ces sites, aux termes de cette loi en chantier, se verraient obligés de supprimer ou d’empêcher l’accès du public à toute donnée « faisant ouvertement l’apologie de la guerre, incitant à la violence ethnique, raciale ou religieuse, ou diffusant une information dont la distribution est interdite par la loi ».
 

La Russie veut renforcer sa législation contre les “fake news”

 
En cas de refus de donner suite, les sites et réseaux sociaux concernés pourraient être bloqués par les agences concernées de l’Etat.
 
La compétence pour donner l’ordre d’effacer ou de bloquer les fake news prévue par le nouveau texte est relativement large : elle revient aux tribunaux mais aussi aux autorités administratives habilitées. On parle notamment de l’organisme de veille étatique sur internet, Rozkomnadzor, du bureau du procureur général ou de l’office fédéral des impôts.
 
Dans sa version actuellement en vigueur, le texte prévoit de simples amendes pour les organisations refusant d’effacer des informations interdites. La proposition de loi envisage désormais l’obligation pour tous les « réseaux publics » étrangers de mettre en place des branches ou des représentations dûment enregistrées en Russie, ainsi que l’intégration de moyens permettant de comptabiliser les utilisateurs fournis par Rozkomnadzor. Utilisateurs dont l’identification sera encore renforcée par la nouvelle exigence de l’enregistrement de leur numéro de téléphone portable lors de leur inscription sur tel ou tel site.
 
L’un des principaux promoteurs de la proposition, l’élu Sergueï Boyarsky (Russie Unie), a indiqué que les dispositions plus sévères font suite aux réactions en ligne à la suite du tragique incendie de Kemerovo en Sibérie, des rumeurs ayant circulé sur un bilan de victimes bien plus élevé que celui avoué par les autorités.
 

Les utilisateurs bientôt personnellement tenus pour responsables des “fake news” (à la demande des responsables des sites) ?

 
Selon Boyarsky, ce sont les « représentants de l’industrie internet » qui ont proposé d’amender le texte en vue d’établir la responsabilité personnelle des utilisateurs particuliers qui déclenchent ou facilitent la diffusion de fake news et d’autres « fausses informations ». Il a précisé que la commission chargée de présenter le texte entend intégrer cette modification après discussion (sic).
 
Le rouge-brun Vladimir Jirinovski, président du parti démocratique libéral de Russie, connu pour ses « propositions provocatrices et flamboyantes », pour reprendre l’expression du média proche du Kremlin, rt.com, souhaiterait ajouter au texte une disposition permettant aux autorités de mettre en place une « quarantaine de l’information » en cas de crise ou de catastrophe. « Cinq ou six thèmes devraient être totalement bannis tant pour la distribution, la discussion que les commentaires. Il s’agit des questions ethniques, de la religion, de la guerre et de la paix, du terrorisme, des substances illégales et de la promotion du suicide », a-t-il déclaré.
 
Ces propositions n’ont pas été intégrées dans la loi « à ce jour », précise rt.com. Mais tous les autres amendements proposés par les élus pourraient entrer en vigueur dès le 1er juillet prochain, et représentent déjà un bel arsenal de contrôle et de surveillance.
 

Anne Dolhein