Russie : massacre de Vivaldi par une femme et un robot

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Qui a dit que la Russie est le rempart des valeurs traditionnelles ? Elle organise son « Forum des femmes » comme les autres ; mieux, elle en accompagne la cérémonie d’ouverture en mettant en scène le massacre musical des Quatre saisons de Vivaldi par une violoniste célèbre et un robot enjuponné. Le résultat, quelque part entre les bruitages d’R2D2 et un flipper bourré d’électronique des années 1980, prouve une fois de plus que la frontière entre le sublime et l’inécoutable est bien facilement franchie. Ce qu’il faut en retenir surtout, c’est que la vénération des robots n’est pas l’apanage d’un Occident sans âme. Tout le monde s’y met.

 

Les Quatre saisons de Vivaldi interprétées par une femme et un robot

L’occasion était le 4e Forum féminin eurasien qui s’est tenu à Saint-Pétersbourg pour l’autonomisation des femmes à travers le monde : encore une des tartes à la crème de la modernité. Plus de 2.000 participants (et surtout participantes) se sont retrouvés en Russie pour « engager le dialogue et adopter des décisions conjointes », nomment au sujet du développement économique durable, des avancées technologiques, de la sécurité environnementale et la charité. N’était ce dernier mot, qui dans nos contrées aurait pris la guise de l’humanitaire, on se croirait à Paris, à Madrid ou à l’ONU.

Il est vrai que la préservation des valeurs familiales et de la culture traditionnelle était à l’honneur, ainsi que la dénonciation du « féminisme belligérant » passé, selon l’allocution d’ouverture de Valentina Matvienko, présidente du Conseil de la Fédération de Russie, de la bonté initiale de la défense des droits des femmes à sa forme occidentale actuelle, « dégradée et radicalisée ». (Et, faudrait-il ajouter, promue par des communistes assumées dans les universités américaines et européennes…)

 

La Russie a elle aussi des ambitions de mondialisation

Vladimir Poutine était également de la partie ; son discours a insisté sur la nécessité de construire un « monde multipolaire » (ce n’est pas nouveau) mais en promouvant un « nouvel espace global progressiste ». C’est aussi une forme de mondialisme, comme l’a laissé comprendre Poutine : « L’humanité a besoin d’une base solide de confiance, d’ouverture, de compréhension mutuelle et de contacts dans différents domaines pour pouvoir aborder les questions sociales difficiles, assurer la prospérité économique et le développement technologique, et vaincre la pauvreté, les inégalités et les maladies. »

On avait déjà vu ça au Forum économique international de Saint-Pétersbourg en juin dernier…

A la place des invitées (voilées ou non ; l’islam fait partie des cultures traditionnelles qu’on y honore), j’aurais été pour ma part vexée de voir un robot (ou une robote ?) choisi pour donner la réplique à une violoniste de tout premier plan, Maria Andreeva. D’autant qu’il s’agit d’un robot, l’UR10e, qui est plutôt réputé pour des applications de manutention : chargement de machines-outils, palettisation, emballage, vanté pour sa capacité à épargner aux hommes les « tâches salissantes, dangereuses et répétitives ».

La seule bonne nouvelle, c’est que le résultat est exécrable. Alors, de qui se moque-t-on ?

 

Anne Dolhein