Santé : le Sénat veut moraliser notre consommation

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La maladie et la mort sont la première peur sur laquelle un pouvoir ou une révolution peut jouer, le covid nous l’a rappelé avec éclat, et le rapport de deux sénatrices l’illustrent aujourd’hui. Elisabeth Doineau, centriste, et Cathy Apourceau-Poly, communiste, appartiennent à la Mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale du Sénat (MECSS) et ont examiné ce qu’il est convenu de nommer la fiscalité comportementale dans le domaine de la santé. Elles dressent un tableau très noir, arbitrairement, de la consommation de tabac, d’alcool, de sucre, de sel et de gras par les Français, et préconisent de la moraliser au moyen de taxes et de règlement. Au-delà des erreurs de calcul et de l’inefficacité de l’impôt punitif, on doit surtout noter une tendance totalitaire lourde de l’Etat à s’occuper de nos assiettes et de notre intimité

 

Le rapport du Sénat remue des chiffres de la Santé peu sûrs

Pour justifier son intrusion dans notre vie, le rapport du Sénat rappelle que nos comportements coûtent à la collectivité, et il reprend à cet effet dans son « constat » les données qui traînent concernant les effets nocifs de la consommation de certains produits sur la santé, sans qu’on puisse les vérifier. Par exemple 27.000 décès prématurés par an pour l’obésité, 40.000 pour l’alcool, 70.000 pour le tabac. En se fondant sur des a priori qui ne sont pas idéologiquement neutres, il évalue le coût social à cent milliards d’euros par an, auxquels s’ajoute le poids, pour les finances publiques, des soins, d’où l’on défalque le produit des taxes sur les produits consommés : ce coût net s’élève à 1,7 milliard pour le tabac, 3,3 pour l’alcool et 9,5 milliards pour l’obésité, dont le poids est en pleine croissance. Les comportements et consommations dangereux pour la santé touchent plus les catégories sociales les moins diplômées et les moins riches. Cela au moins est un constat statistique sûr.

 

Les taxes freinent peu la consommation de tabac

Si l’on zoome sur le tabac, on s’aperçoit d’abord que le rapport du Sénat s’emmêle dans les chiffres. Il indique que pour un paquet de 20 cigarettes vendu 12,50 €, il y a 8,31 € d’accises, 2,08 € de TVA et 1,27 € de rémunération du buraliste. Le reste, soit 0,84 €, serait la marge du fabricant. Or c’est évidemment impossible : la marge du fabricant est la différence entre le prix de vente net de son produit (ici, 84 centimes) et son prix de revient. Fixer à 0,84 euro la marge des cigarettiers serait admettre que leur coût de production serait de 0, ce qui est absurde. Mais n’oublions pas que contre le Mal, et le tabac est une forme de mal aux yeux des réformateurs du comportement, toutes les absurdités sont permises. Quoi qu’il en soit, le rapport reconnaît que la France est l’un des pays d’Europe où le paquet de cigarettes est le plus cher, et pourtant, contrairement à la quasi-totalité des Etats couverts par les statistiques de l’OCDE, la France n’a pas connu de baisse de la prévalence du tabagisme depuis les années 1960. Cela devrait faire réfléchir l’Etat sur la nécessité de changer de politique et freiner sur les taxes. Mais le rapport du Sénat préconise le contraire : il recommande une augmentation des prix de 3,25 % par an au moins hors inflation jusqu’en 2040 pour porter le prix du paquet à 25 euros à cette échéance.

 

Le Sénat veut moraliser la consommation de nourriture

Je ne fume pas mais je comprendrais que les fumeurs couinassent. Laissons cet exemple pour le cœur du problème : la prétention de cette mission du Sénat à réglementer, et, disons le mot, à moraliser la consommation de nourriture des Français. Voici en effet quelques recommandations de la MECSS. Augmenter la taxe sur les boissons sucrées pour enforcer son efficacité et son incidence sur les comportements. Fixer des quantités maximales de sucre, de sel ou de matières grasses pour certaines catégories d’aliments. Expérimenter un dispositif de soutien à l’achat de fruits et légumes par les ménages disposant de ressources modestes. Interdire à la télévision et sur internet les publicités pour des aliments de faible qualité nutritionnelle ciblant les mineurs de moins de 17 ans. Et enfin rendre obligatoire le Nutri-Score dans toute l’Union européenne.

 

Quel est le nutri-score de Gérard Larcher ?

Ce dernier point montre l’arbitraire de l’idéologie à l’œuvre. Le Nutri-score est un système d’étiquetage que l’on met sur les aliments à cinq notes allant de A, la meilleure, signalée en vert, à E, la pire, signalée en rouge, en passant par B vert clair, C jaune et D orange. Visant à renseigner le consommateur sur la qualité du produit il est utilisé, outre la France, par la Belgique, l’Espagne, l’Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas. Les chimistes qui l’ont mis au point jugent bon une forte teneur en fruits, légumes, légumineuses, fibres et protéines, et pour mauvais une forte teneur en sucre, sel, graisses saturées, et un gros apport calorique : en somme tout ce qui flatte facilement le goût et fait grossir. C’est le choix d’une société suralimentée et honteuse de l’être. Sans doute les rapporteuses sont-elles bien intentionnées, et l’obésité croissante des pauvres, sur le modèle américain, est-il un vrai fléau, mais le vrai problème n’est-il pas l’abandon de la famille traditionnelle et de la cuisine traditionnelle faite par la mère de famille ? Et aussi, puisqu’on parle de moraliser, l’abandon consécutif de la maîtrise de soi appliquée à la consommation, qu’inculquaient les mères. Ici, les classes populaires ne sont pas les seules touchées, Peut-être le Sénat pourrait-il balayer devant sa porte en étendant ses recommandations à son président, non ?

 

Pauline Mille