A la fébrilité de l’élection succède l’impatience des nominations… et rarement les présidents américains sont allés aussi vite que Trump qui enchaîne, jour après jour, les annonces, alors qu’il ne sera investi que le 20 janvier prochain. La bonne nouvelle, c’est que beaucoup de personnalités pro-vie y figurent, de son colistier et futur vice-président J.D. Vance au secrétaire d’Etat Marco Rubio, en passant par le procureur général Matt Gaetz, le prochain chef de la majorité républicaine au Sénat John Thune, ou encore l’ambassadrice à l’ONU, Elise Stefanik. A l’inverse, on note la nomination du vaccinosceptique mais pro-avortement Robert Kennedy Jr au poste de secrétaire d’Etat à la Santé et aux Services sociaux.
Il est vrai que le désistement de ce dernier, lui-même candidat à la présidentielle, et son entier soutien à Trump, a permis au président élu de faire le plein de voix. Mieux : alors que nombre des proches lui recommandaient de se distancer de Kennedy, le voici investi d’une mission pour « nettoyer » le milieu corrompu de la santé publique. C’est un affront direct aux promoteurs de la gestion tyrannique de la crise du covid ; on attend désormais les ondes de choc parmi ceux qui ont imposé les vaccins ARNm dont Kennedy a été parmi les plus virulents dénonciateur.
On peut parler d’un résultat mitigé pour les partisans pro-vie, mais il correspond à la politique menée par Trump depuis deux ans et particulièrement ces derniers mois : l’ancien président a eu sur le sujet nombre de déclarations beaucoup plus ambivalentes qu’en 2016, refusant de faire de l’avortement un sujet clivant, alors même que les chiffres sont en hausse sur le sol américain (400.000 pour le premier trimestre 2024).
Pourtant, c’est bien grâce aux trois juges conservateurs nommés par Trump à la Cour suprême pendant son mandat que l’arrêt Roe v. Wade, faisant de l’avortement un droit constitutionnel, a été abrogé en juin 2022… Cette jurisprudence rend la compétence au sujet de l’avortement aux Etats. A ce titre, il a constitué un moindre enjeu pour la présidentielle que la mainmise étatiste sur la santé, que Trump a clairement signalé vouloir combattre, et que le propos de Kennedy de sortir les USA de leur épidémie d’obésité, de maladies cardiovasculaires, d’autisme…
Postes clefs pour les pro-vie
Beaucoup de postes-clefs ont en revanche été attribués à des pro-vie intransigeants. Le colistier de Trump et nouveau vice-président fraîchement élu, le sénateur J.D. Vance, n’est plus à présenter. Converti au catholicisme en 2019, il s’est à titre personnel fermement prononcé contre l’avortement, même en cas de viol ou d’inceste. Le sénateur de Floride, Marco Rubio, que Trump veut voir à la Secrétairie d’Etat, a un solide bilan de vote pro-vie à 100 % au Congrès, mais il a également été un réel leader selon le site en ligne Lifenews : il s’est opposé avec succès, pendant la campagne électorale, à un amendement radical qui aurait légalisé, dans son Etat, les avortements jusqu’à la naissance.
Même bilan pour le député et conservateur évangélique Matt Gaetz que Trump a choisi comme procureur général. Malgré un profil un peu écorné par plusieurs histoires de mœurs non tranchées et un manque de confiance de son Parti, l’avocat a un bilan de vote pro-vie de 100 %. Et c’est d’autant plus important qu’à ce poste de ministre de la Justice, son influence pourra être déterminante.
A l’ONU, le président élu a choisi la jeune congressiste pro-vie Elise Stefanik qui a toujours systématiquement voté pour contrer le programme radical des Démocrates en matière d’avortement, en particulier son financement.
D’autres personnalités politiques pro-vie se sont vu élire, cette semaine, à des postes importants. On peut citer, parmi elles, la fervente catholique Lisa McClain qui se retrouve présidente de la conférence républicaine de la Chambre des représentants, ou encore le sénateur pro-vie John Thune qui sera le prochain chef de la majorité républicaine et a contribué à mener une lutte brillante et efficace contre un amendement radical pro-avortement dans le Dakota du Sud.
Même au sein des Cours suprêmes d’Etat, les résultats montrent aussi que les électeurs de divers Etats ont élu des juges soutenus par des groupes pro-vie.
Robert Kennedy Jr, un ministre de la Santé pro-avortement
Au sujet de Robert Kennedy Jr, sa nomination à la Santé a refroidi quelque peu les ardeurs. L’ancien vice-président de Trump (qui lui est aujourd’hui très opposé), le farouche opposant à l’avortement Mike Pence a tenu, ce vendredi, à son égard, des propos sans équivoque, lit-on sur le site Lifenews : « Pendant la majeure partie de sa carrière, RFK Jr. a défendu l’avortement à la demande pendant les neuf mois de la grossesse, a soutenu l’annulation de la décision Dobbs et a appelé à une législation pour codifier Roe v Wade. » Et son poste élabore précisément des politiques de santé importantes liées à ces questions.
A regarder en arrière, cette disparité sur la question n’étonne pas vraiment. Scrutant les nominations du président fraîchement désigné, les commentateurs politiques ont évoqué une ligne idéologique plus marquée qu’en 2016. Mais ce n’est certainement pas sur la question pro-vie, car la stratégie de Trump au cours des derniers mois a été justement d’éviter d’en faire un cheval de bataille. Beaucoup le lui ont reproché d’ailleurs, comme la militante anti-avortement Lila Rose, présidente de Liveaction, qui estimait que « les positions prises par Trump, en rupture avec sa campagne de 2016 et sa présidence, lui coûteraient son élection ».
Comme le rapporte le magazine National Review, la relation entre Donald Trump et le mouvement pro-vie s’est affaiblie depuis les élections de mi-mandat. Et la querelle « silencieuse et codée » qu’évoque le média a fini par éclater au grand jour quand Trump déclara, en avril, qu’il soutenait l’avortement en cas de viol, d’inceste et pour protéger la vie de la mère – les fameuses « exceptions » pour cas extrêmes. Notez qu’en France on l’aurait pris à ce compte pour un pro-vie fanatique. Aux Etats-Unis, on comprend au contraire que la lutte pro-vie vise à empêcher toute mise à mort d’un être innocent, la fin ne justifiant pas les moyens.
En août, il annonçait qu’il n’interdirait pas la livraison par courrier de pilules abortives. Mais il ajoutait se féliciter de l’annulation de Roe v. Wade, au motif que « le gouvernement fédéral ne devrait nullement s’occuper de cette question » et que toute liberté devait être laissée aux Etats. Il ne semble donc pas qu’il veuille changer les choses, ni en faveur de l’avortement, ni contre, au niveau fédéral.
Le combat pro-vie dans les mains de Trump
Hélas, au cours de la campagne, le Parti Républicain a fait le geste symbolique de supprimer de son programme, pour la première fois depuis des décennies, la mention du fait qu’un enfant à naître possède un « droit fondamental à la vie qui ne peut être violé ». Et il semble que J.D. Vance suive docilement…
Opportunisme politique et stratégique ? Sans doute. Reste l’immoralité d’un tel parti-pris.
Seulement, face à Kamala Harris, la « candidate fortement anti-vie » selon les mots du cardinal Gerhard Müller, la distance reste très importante. Les catholiques l’ont bien compris, en votant majoritairement (avec 15 voire 18 points d’avance selon les sondages) pour Trump, alors qu’en 2020, ils optaient davantage pour Biden. La communauté hispanique a elle aussi pris fait et cause pour l’ancien président avec près de 20 points d’augmentation par rapport à il y a quatre ans : pour le représentant républicain Greg Lopez, la question pro-vie n’y est pas étrangère, tout autant que les valeurs de la famille et celles de la foi.
Trump n’a plus d’intérêt électoral particulier, ni dans un sens, ni dans l’autre, dans le débat sur l’avortement, puisqu’il ne peut briguer de troisième mandat. Et il pourra être influencé par les nombreux pro-vie qui l’entourent, comme il l’a déjà été par le passé. D’ailleurs, il s’est fermement engagé à libérer, dès son premier jour au pouvoir, les militants pro-vie qui ont été arrêtés, de manière hautement scandaleuse, et emprisonnés pour avoir manifesté auprès d’avortoirs.
Trump reste… imprévisible.