TV5 Monde piratée par des islamistes : des politiques empressés à dénoncer le terrorisme

TV5 Monde piratée par des islamistes : des politiques empressés à dénoncer le terrorisme
 
TV5 Monde, chaîne de télévision francophone internationale diffusant dans plus de 200 pays et territoires dans le monde, a été la cible, mercredi soir, d’une attaque informatique de grande ampleur et parfaitement réussie. Dépassant le simple déni de service qui peut mettre en « panne » temporaire un serveur, les islamistes ont réussi via un simple courriel infecté à pénétrer le système informatique lui-même de la chaîne, prenant ainsi le contrôle de toute la diffusion des programmes. Ce matin, vendredi, l’attaque était tout juste circonscrite, repoussée par une douzaine d’ingénieurs envoyés sur place, au siège parisien de la chaîne piratée, par l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (Anssi). Les politiques français se sont empressés à dénoncer un terrorisme alarmant…
 

TV5 Monde piratée : d’abord les réseaux sociaux

 
C’est d’abord le compte Twitter qui a été piraté : le logo de la chaîne y a été remplacé par celui de « CyberCaliphate ». Puis, un à un, ses autres relais sociaux sont tombés : Facebook, Youtube, enfin le site web lui-même. Tous les programmes furent interrompus. Écrans noirs pour le media, pendant quasi 24 heures. Le premier journal diffusé a été celui de 18h, le lendemain.
 
« Je suIS SIS », telle était la bannière des pirates, qui ne sont pas vraiment Charlie… Des hackers ont remonté la piste de l’attaque jusqu’à deux ordinateurs, l’un situé à Alger, l’autre en Irak. Ce n’est pas la première fois que le groupe CyberCaliphate fait parler de lui ; il avait déjà revendiqué début janvier le piratage de plusieurs comptes Twitter appartenant à des médias locaux américains et s’était surtout introduit dans les comptes Twitter et YouTube du commandement de l’armée américaine au Moyen-Orient et en Asie centrale afin d’y diffuser des messages de propagande. Mais il se semble pas une émanation directe de l’État Islamique qui est resté jusqu’à maintenant plutôt silencieux sur ces piratages informatiques.
 

Des islamistes du groupe « CyberCaliphate »

 
D’autre part, si la prise de contrôle était techniquement réussie, l’opération reste apriori cantonnée à de la simple intimidation. Les documents brièvement présentés sur le site piraté comme « des informations confidentielles de l’État français », n’avaient, en fait, rien d’essentiel (règlement intérieur d’une mairie…). Seules les photographies présentées comme des cartes d’identité ou des passeports de soldats français sont en ce moment à l’étude. D’autant plus que des menaces les accompagnaient : « Les kafires français, si vous voulez sauver vos familles, vous devez abandonner l’idée de la participation à l’opération contre l’État islamique. C’est seulement comme ça que vous pouvez éviter le châtiment et sauvegarder vos vies et celles de vos proches ».
 
Ils accusent surtout François Hollande d’avoir commis « une faute impardonnable » en menant « une guerre qui ne sert à rien » : « c’est pour ça que les Français ont reçu les cadeaux de janvier à Charlie Hebdo et à l’Hyper Casher ».
 

Attaque contre la liberté d’expression = du terrorisme pour les politiques

 
Mais toucher les médias, c’est toucher au porte-voix de nos sociétés modernes, chatouiller la sacro-sainte « liberté d’expression »… Et jeudi, au petit matin, nos politiques se sont précipités au chevet de l’endommagée TV5Monde, en ruminant des airs de vengeance bien connus. Trois ministres, pas moins. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, a annoncé une enquête et la création de « cinq cents emplois supplémentaires (…) pour prévenir ce type d’attaques ». Fleur Pellerin, ministre de la Culture voulait discuter au plus vite avec « l’ensemble des dirigeants des grands médias audiovisuels et peut-être de presse écrite » des « points de vulnérabilité ou de risque qui peuvent exister ». Tandis que Laurent Fabius assurait avoir « pris les dispositions pour pouvoir répondre sur le plan technologique »…
 
Tous les médias se sont inquiétés en chœur de cette nouvelle guerre, cette « guerre silencieuse », cette « cyberguerre », cette « guerre invisible »… Oui, l’opération était réussie, inédite même, plus agressive et intrusive que de coutume, préparée de longue date, requérant un certain nombre de connaissances. C’est la première fois qu’on s’attaque à un média mondial. Cette guerre sera assurément plus difficile à circonvenir – mais elle est inévitable, eu égard à la super-informatisation de nos sociétés.
 
C’est aussi – et il fallait faire suffisamment de foin alarmiste – un prétexte qui tombe à pic pour justifier tout le « Patriot Act » à la française qui se met en place depuis les attentats de Charlie Hebdo. Manuel Valls n’a d’ailleurs pas été en reste pour condamner une « atteinte inacceptable à la liberté d’information et d’expression ».
 
Clémentine Jallais