Jeudi, à Kiev, l’ambassadrice américaine à l’ONU, Samantha Power, a dénoncé les « mensonges éhontés » de la Russie destinés, selon elle, à dissimuler l’implication directe du Kremlin dans le conflit ukrainien. Elle a assuré les ressortissants du soutien des États-Unis. « Sachez que vous n’êtes pas seuls (…), nous resterons à vos côtés maintenant que vous avez devant vous de nombreux obstacles et un long chemin à parcourir vers le changement ». Elle a quand même critiqué – c’est la moindre des choses – l’absence de réformes cruciales en Ukraine pour lutter contre la corruption et « en finir avec le monopole des oligarques » qui profitent effectivement des avantages de la guerre civile (en particulier la manne financière américaine). Mais la Russie est décidément le grand méchant ; le climat n’est plus celui de Sotchi et de ses jeux.
Échec des accords de paix en Ukraine : la faute à la Russie et à ses mensonges
Il faut un coupable parce que la situation empire en Ukraine et en particulier dans les zones insurgées du Donbass. Les combats, bien que sporadiques, ont repris sur la ligne du front et les victimes ne sont pas que des « militaires » – les tirs d’armes lourdes proviennent des deux côtés. Le cessez-le-feu décrété après les accords de Minsk-2 n’a jamais été vraiment respecté, violé la plupart du temps par Kiev, puis par les insurgés. Depuis quelques semaines, le processus de paix est plus qu’au point mort.
La capitale ukrainienne et tous les Occidentaux accusent le Kremlin d’armer les rebelles et surtout de déployer encore et toujours ses troupes – depuis le printemps 2014, en fait… Le ministre ukrainien a même accusé Moscou d’être « le principal organisateur et sponsor du conflit ». L’ambassadrice américaine, arpentant le Maïdan, a rappelé l’« occupation de la Crimée » par la Russie qui « forme, arme, finance » les séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine et « combat à leurs côtés ».
Le G7 : maintenir le régime des sanctions contre la Russie ou même le renforcer selon les États-Unis
Quoi de plus clair ! Il y a un échec : et la Russie est seule responsable. On ne dit mot, en revanche, des profondes réticences du gouvernement de Kiev à observer le volet politique des accords de Minsk-2, qui accordait une très large autonomie aux régions de Lougansk et Donetsk. Et si la Russie a voulu jouer son rôle face au trouble jeu des États-Unis dans la révolution « démocratique » ukrainienne, il n’en reste pas moins que les objectifs des forces de la DNR (Donetsk) et de la LNR (Lougansk) ne sont pas tous les siens. Dans un entretien publié samedi par le quotidien italien « Corriere della Sera », Vladimir Poutine l’a redit : « Le problème est que les autorités de Kiev ne veulent pas s’asseoir autour d’une table pour en discuter. Et nous n’y pouvons rien. Seuls nos partenaires européen et américain peuvent influencer la situation ».
Mais le G7 a conforté cette salve accusatrice, en liant la levée des sanctions à « l’application intégrale des accords de Minsk et au respect de la souveraineté de l’Ukraine » par la seule Russie. Tout sur le dos. Et Washington a été largement suivie par Berlin et Bruxelles (rappelons que le président russe est exclu du cercle des principales puissances industrielles depuis l’annexion par son pays de la Crimée en mars 2014).
Un déploiement de missiles de croisière américain en Europe dirigé contre la Russie ?
Mieux, aujourd’hui vendredi, le secrétaire à la Défense des États-Unis, Ashton Carter, réunissait à Stuttgart, en Allemagne, des dizaines de hauts responsables américains pour une session de travail censée évaluer, entre autres, l’efficacité de ces sanctions occidentales contre la Russie et surtout élaborer une contre-stratégie à l’intervention militaire de cette dernière en Ukraine.
Et de reprendre très à cœur cette histoire de missile de croisière russe dont des essais auraient été menés en 2008. En effet, ce dernier pourrait porter atteinte, pour une question de longueur de portée, au Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), signé en 1987 par les présidents Reagan et Gorbatchev. L’administration Obama n’a toujours pas dit si le missile russe était nucléaire ou classique – le sait-elle ? –, mais elle a crié derechef à la violation du traité. Et envisage à présent plusieurs options qui « couvrent un champ large », le déploiement de missiles de croisière américain en Europe étant à « l’extrémité la plus lointaine du spectre » a confié un responsable…
La justification est idéale : à violation de traité, violation de traité. Notons que les États-Unis déploient déjà des systèmes anti-missiles, des bases et des radars sur le territoire européen ou en mer – ils avaient pris soin, pour ce faire, de se retirer du Traité ABM limitant les arsenaux de missiles anti-missiles balistiques. Mais gardons les yeux sur l’Est, nous ont dit les États-Unis : « toutes les options étudiées sont destinées à s’assurer que la Russie ne gagne pas un avantage militaire significatif du fait de sa violation » du traité, a commenté un porte-parole du Pentagone…
Le chaud-froid des relations États-Unis/Russie
Le bras de fer est là, de plus en plus prégnant. Mais les États-Unis soufflent le chaud et le froid sur ces relations toujours diplomatiquement tendues, car la Russie est un pilier non négligeable dans la politique internationale globale – ils sont les premiers à le reconnaître. En particulier au Moyen-Orient (en Iran), sa politique peut servir les intérêts américains qui y sont nombreux dans leurs prospectives de remodelage mondial.
Clémentine Jallais