La rédaction d’un nouveau traité commercial nord-américain pour remplacer l’ALENA, baptisé Accord Etats-Unis-Mexique-Canada (USMCA en anglais), est-il ce « grand succès » vanté par le président Donald Trump, adversaire déclaré du multilatéralisme, de ses abandons massifs de souveraineté, et partisan d’un bilatéralisme qui protège des libertés nationales ? Le débat s’enflamme aux Etats-Unis et l’analyste Christian Gomez, sur le site souverainiste thenewamerican, en doute fortement, dénonçant une similitude frappante entre ce nouveau projet de traité et le TPP, dénoncé par Trump mais ainsi ranimé par l’Etat profond.
L’USMCA quasi-identique au texte du TPP
« L’USMCA présente toutes les caractéristiques des accords commerciaux de l’ère Obama », estime le commentateur, rapportant les propos d’anciens conseillers de l’ancien président démocrate qui relèvent de fortes similitudes. Certes Donald Trump assurait du contraire, lundi à la roseraie de la Maison Blanche : « Durant toute la campagne j’avais promis de renégocier l’ALENA et aujourd’hui nous avons tenu cette promesse », vantant « cet accord commercial fantastique qu’on appellera USMCA ». Pour autant, le texte de cet accord est quasi-identique à celui du Traité de partenariat transpacifique (TPP) porté par Barack Obama, qui organisait le libre-échange entre douze nations formant 40 % du PIB mondial parmi lesquelles, à l’Est, Etats-Unis, Canada et Mexique. Ce TPP, Trump s’y était violemment opposé en 2016, plaçant sa campagne sous le slogan « Americanisme contre globalisme ». Or, commente Christian Gomez, « de la même façon que l’ALENA fut la tête de pont du mondialisme, l’USMCA ne déçoit pas les globalistes ».
Trump n’a pas négocié, c’est Robert Lighthizer qui l’a fait
Il est toutefois important de savoir que Trump n’a pas personnellement négocié l’USMCA et qu’il n’en a rédigé aucun paragraphe. Le négociateur de ce nouveau traité a été, côté américain, le représentant Robert Lighthizer, vieux routier du très globaliste Council on Foreign Relations (CFR), laboratoire d’un gouvernement mondial. Lighthizer avait applaudi au projet de TPP d’Obama. A côté de lui pour négocier avec Mexicains et Canadiens se trouvait Jared Kushner, gendre de Donald Trump, qui entretint des relations d’affaires avec l’Etat profond, la banque Goldman Sachs et le milliardaire antioccidental Georges Soros. L’équipe comprenait aussi une flopée de fonctionnaires et diplomates de carrière du Département d’Etat et du Département du commerce tous issus de l’administration Obama.
Le très antinational Huffington Post remarque ainsi « qu’au moins la moitié des hommes et des femmes qui entouraient Trump pendant la cérémonie de présentation du nouvel accord à la roseraie étaient les mêmes qui avaient négocié les dispositions quasi-identiques du TPP, combattues par Trump ». Trevor Kincaid, porte-parole du Département du commerce sous Obama, relève que l’équipe qui a négocié l’USMCA est la même que celle qui avait travaillé pour Obama et que Trump avait qualifiée « d’épouvantable ».
L’ancien ambassadeur américain d’Obama au Canada Bruce Heyman, démocrate, ancien vice-président de Goldman Sachs, a qualifié l’USMCA « d’événement bienvenu pour l’Amérique du Nord, bienvenu pour les marchés ». Heyman a relevé que plusieurs chapitres de l’USMCA étaient identiques à ceux du TPP, pourtant dénoncé par Donald Trump comme « le pire accord commercial jamais négocié ». « Les deux tiers de l’accord renvoient au TPP », ironise Heyman.
Des modifications pour la plupart contenues dans le TPP
Cette analyse est confortée par celle du professeur de droit à Fordham et ancien conseiller du gouvernement Obama, Matthew Gold, qui explique que l’administration Trump « a obtenu (par rapport à l’ALENA) un grand nombre de modifications, mais dont la plupart étaient contenues dans le TPP ». Le texte, poursuit-il, « nous permet une légère augmentation de notre accès au marché laitier canadien, presque exactement ce qui était contenu dans le TPP ». Commentaire de Christian Gomez : « Le grand succès de Trump consistant à obtenir un meilleur accès au marché laitier canadien aurait déjà été obtenu par Obama et son équipe de négociateurs si le TPP, destructeur de souveraineté nationale, avait été voté par le Congrès ». Le TPP avait été rejeté sous le prétexte que les fins ne sauraient justifier les moyens. Dans le cas de l’USMCA, elles sont au contraire encensées.
L’Etat profond à l’œuvre : l’USMCA pourrait être rebaptisé « TPP à trois »
Ainsi l’USMCA pourrait-il facilement être rebaptisé « TPP à trois » : Etats-Unis, Mexique, Canada. Pour Jared Bernstein, ancien conseiller économique du vice-président démocrate Joe Biden, « Il est totalement absurde d’affirmer que l’ALENA ou le TPP furent des catastrophes mais que l’USMCA est la perfection ». Le président du CFR, Richard N. Haas, va même plus loin en affirmant que ce nouveau traité à trois, « qui équivaut à l’ALENA plus 10 à 20 % », pourra être l’outil d’un retour des Etats-Unis dans le TPP. Lighthizer quant à lui envisage déjà de négocier de nouveaux accords bilatéraux avec le Royaume-Uni, le Japon, l’Inde, la Colombie, les Philippines, le Vietnam et des pays sub-sahariens. Japon et Vietnam faisaient déjà partie du TPP, renommé CPTPP, ratifié par Tokyo en juillet dernier, rejoint par la Corée du Sud en août.
Robert Lighthizer, représentant du président Trump pour le Commerce, s’active ainsi dans son dos pour réintroduire les Etats-Unis dans le TPP. L’Etat profond est à l’œuvre, sapant la volonté souverainiste exprimée par le peuple. CQFD.