L’évêque de Tyler, jeune diocèse du Texas, vient de subir une visite apostolique que l’association « Paix liturgique » qualifie de « punitive ». Menée dans une certaine discrétion – divers médias ont enquêté pour savoir si des envoyés de Rome avaient réellement fouillé dans les affaires de Mgr Joseph Strickland, non sans interroger le presbytérat local. Vu que Mgr Strickland fait partie des évêques les plus conservateurs, les plus attachés à la doctrine traditionnelle et les plus diserts sur les réseaux sociaux, il fallait sans doute s’attendre à cette mobilisation hiérarchique à son encontre.
Mgr Strickland s’est notamment élevé avec force contre le scandale des « Gay Prides » et du « mois de la fierté », dénonçant publiquement le jésuite « LGBT-compatible » James Martin qui avait osé rapprocher ces festivités où le péché mortel est érigé en motif d’orgueil et prétexte de revendication de droits, avec le mois du Sacré-Cœur.
Visiblement, la visite apostolique ne l’a pas incité à se taire : mardi, il dénonçait encore sur Twitter un défilé de l’orgueil où un groupe d’hommes ventripotents s’exhibaient tout nus devant des enfants à Toronto, au Canada.
Mgr Joseph Strickland : « Les atrocités commises contre nos enfants innocents ne peuvent pas être tolérées. »
« Est-il imprudent de s’élever contre ce mal insensé ? Je ne suis pas d’accord, je pense que l’imprudence réside dans le fait qu’il n’y a pas un puissant rugissement de la part des croyants pour dire : “Ces atrocités commises contre nos enfants innocents NE PEUVENT PAS être tolérées.” »
En cette fête de saint Pierre et saint Paul, Mgr Strickland, grand homme fin et sec mais dont le sourire fend le visage, tweetait de manière sans doute très personnelle : « Bien-aimés, parce que vous participez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin que, lorsque sa gloire sera manifestée, vous soyez aussi dans la joie et l’allégresse. Si vous recevez des injures pour le nom du Christ, vous êtes bienheureux, parce que l’honneur, la gloire, et la puissance vertu de Dieu et son Esprit, reposent sur vous. »
C’est qu’il dérange, Mgr Strickland. Il ose contrer les idoles du jour. Il fut le seul évêque à se rendre aux abords du stade de base-ball des LA Dodgers, le 16 juin, jour de la solennité du Sacré-Cœur, pour protester contre la réception des Sœurs de la perpétuelle indulgence, travestis militants qui, non contents de se présenter en fausses bonnes sœurs aux allures de drag queens, multiplient les outrages et les blasphèmes délibérés à l’encontre du Christ, avec des parodies de crucifixions et des mises en scène abominables de la Vierge Marie. L’évêque courageux prononça des prières publiques pour chasser les démons. Car oui, c’est à un assaut de démons que nous avons affaire, et le signe le plus clair de cela est la volonté des chantres de la fierté – ou plutôt de l’orgueil – d’entraîner des enfants dans leurs transgressions, comme en témoigne le mouvement mondial de « lectures drag » auprès des tout-petits.
Et « l’orgueil vient avant la chute », rappelait Mgr Strickland dans un autre tweet pour commenter l’image du drapeau arc-en-ciel à l’honneur à la Maison Blanche…
Mgr Joseph Strickland chasse les démons de l’orgueil et de la luxure
Face à la foule venue prier devant le stade, l’évêque a déclaré : « Nous devons vivre comme ceux qui sont prêts à mourir, et à vivre, pour le sang versé pour nous tous. »
En se dressant ainsi contre les puissants du jour, Mgr Strickland se retrouve bien seul parmi l’épiscopat à avoir une voix aussi forte, aussi ferme (même si Mgr José Gomez, évêque de Los Angeles, a célébré une messe pour réparer l’outrage de la réception des « Sœurs »). D’aucuns le qualifient d’« évêque de l’Amérique ». Il répondait, mercredi : « La plus grande bénédiction et la plus grande joie de ma vie est de paître le troupeau de Tyler. Je dis la vérité parce qu’elle me remplit de joie et que je me dois de la partager. Je ne suis pas l’évêque de l’Amérique, mais je prie pour que le fait de dire la vérité avec clarté et charité inspire les évêques de l’Amérique à se joindre à moi pour dire la vérité. »
Est-ce tout cela qui a provoqué la volonté de « contrôler » l’évêque de Tyler ? De le contrôler, ou peut-être de le remplacer (puisqu’un des prêtres interrogés par les visiteurs apostoliques a déclaré avoir été invité à se prononcer sur son potentiel successeur) ? En tout cas, la démarche ne l’a pas réduit au silence, loin s’en faut.
On raconte que les récentes déclarations de Mgr Strickland au sujet de la confusion qui règne dans l’Eglise n’ont pas été au cœur de l’enquête. Il avait publiquement écrit : « Je crois que le pape François est le pape mais il est temps pour moi de dire que je récuse son programme de sape du dépôt de la foi. Suivez Jésus. » Selon un prêtre du diocèse interrogé par The Pillar, ce sont plutôt des problèmes de « gouvernance » qui sont au cœur de la décision de le faire inspecter.
Il n’y a pas eu de déclaration officielle au sujet de la visite, ni de la part du diocèse ni de celle des visiteurs, et nul ne sait si des décisions ont été prises, ou si elles vont l’être.
Une visite apostolique par un évêque controversé
Il semble tout de même qu’il lui est reproché d’accueillir des religieux ou religieuses d’esprit traditionnel, alors que les nouvelles règles édictées par le Saint-Siège ont ôté, en toute fausse synodalité, ce droit aux évêques sans une autorisation préalable de Rome.
On sait enfin que l’un des deux visiteurs choisis par le Vatican a un profils révélateur : aux côtés de Mgr Dennis Sullivan de Camden, New Jersey, se trouve en effet l’évêque émérite de Tucson, Arizona, Mgr Gerald Kicanas. Celui-ci était jadis à la tête de l’association caritative Catholic Relief Services, au moment où celle-ci était accusée par des associations pro-vie de financer des groupes pro-avortement de grande envergure mondiale, comme Population Services International qui diffuse des produits abortifs dans les pays pauvres. Furieux, Kicanas avait justifié le don de 2,7 millions de dollars à ce groupe, en y ajoutant des mesures de rétorsion à l’encontre de ceux qui l’accusaient.
Alors qu’il espérait prendre la tête de la conférence des évêques des Etats-Unis en 2010, il avait bénéficié du soutien d’un mouvement arc-en-ciel, le Rainbow Sash Movement. Alors vice-président de la conférence, Mgr Kicanas s’était finalement vu préférer le cardinal Timothy Dolan, nettement moins controversé.
Il a également, selon LifeSite, autorisé l’ordination d’un homme dont les expériences homosexuelles « consensuelles » en état d’ivresse étaient connues de lui et qui devait, par la suite, commettre des abus sexuels sur des enfants. Kicanas avait déclaré à ce sujet : « L’évaluation a indiqué que la nature des expériences qu’il avait relatées était expérimentale et développementale, même si elle indiquait que la consommation d’alcool pouvait être un sujet de préoccupation. »
Nul n’est impeccable dans ce bas monde et peut-être des questions méritent-elles réellement d’être posées au sujet de la « gouvernance » de cet évêque au troupeau de 120.00 âmes. A moins qu’il ne soit en butte à une certaine hostilité de la part d’une partie de son presbytérat – ce ne serait pas inédit. Mais le faire « viser » par un évêque aussi controversé que Mgr Kicanas est en soi un affront.