Pour Susan Wojcicki, DG de YouTube, la directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique menace l’internet ouvert à tous

 
La directrice générale de YouTube, Susan Wojcicki, vient de publier un article et une vidéo où elle appelle les utilisateurs d’internet à s’insurger contre la directive de l’UE sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, telle qu’adoptée le 12 septembre dernier par le Parlement européen. Les critiques visant cette directive pointent l’article 11, qui crée un droit voisin des éditeurs de presse sur leurs publications numériques et l’article 13, qui oblige les plateformes de partage comme YouTube à bloquer en amont le partage de contenus susceptible de violer des droits d’auteur. Si l’article 11 est accusé d’instaurer une taxe sur les liens, l’article 13 est dénoncé pour sa mise en place d’une forme de censure – celle-ci pouvant aller jusqu’à interdire la création et le partage de « mèmes » internet.
 

L’article 13 de la directive européenne sur le droit d’auteur dans le Marché unique numérique dans le collimateur de Susan Wojcicki

 
C’est cet article 13 qui est justement perçu comme une menace particulièrement grave par la DG de YouTube. Susan Wojcicki considère en effet que, dans sa tournure actuelle, il empêchera des millions de personnes, créateurs ou internautes ordinaires, de charger du contenu sur des plateformes comme YouTube. Il menace aussi d’empêcher les utilisateurs de voir des contenus diffusés par des créateurs et utilisateurs ailleurs dans le monde. Ce n’est pas invraisemblable&nbsp ;: la récente directive sur le respect de la vie privée (RGPD), fait déjà que nous autres, Européens, n’avons plus accès à nombre de médias étrangers.
 

YouTube et consorts vont devoir développer des filtres encore plus stricts pour empêcher les violations au droit d’auteur en amont de toute plainte

 
En rendant les plateformes responsables du respect des droits d’auteur par leurs utilisateurs, la nouvelle directive, qui doit encore être adoptée à la majorité qualifiée par les gouvernements de l’UE réunis au sein du Conseil, obligera les plateformes de partage à filtrer de manière encore plus stricte les contenus mis en ligne, quitte à bloquer une proportion importante de contenus qui ne violent aucun droit d’auteur. Elle rendra aussi la vie très difficile pour les plateformes de moins grande taille qui n’auront pas toujours la capacité de développer des filtres de surveillance et de censure automatiques, tout en fournissant aux grandes plateformes un instrument puissant pour censurer encore davantage les contenus qui pourraient leur déplaire pour des raisons politiques ou idéologiques.
 

Alliance contre nature au Parlement européen pour restreindre la liberté d’expression sur internet

 
Malgré les dangers que pose cette directive pour un internet libre et ouvert, elle a été adoptée au Parlement européen par 344 voix contre 265, avec entre autres les voix du groupe Europe des Nations et des Libertés et notamment de tous les députés RN. Ceux-ci ont voté en faveur de la restriction de la liberté de diffuser du contenu et de s’exprimer sur internet avec les groupes PPE, S&D (socialistes) et ALDE (libéraux). À droite, seuls les groupes CRE (Conservateurs et Réformistes européens, avec notamment le PiS polonais et les Tories britanniques) et EFDD (le groupe de Nigel Farage) appelaient à voter contre cette directive liberticide.
Mais les députés RN au Parlement européen considèrent de leur côté que la nouvelle directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique est une victoire « pour la préservation de la culture et des secteurs créatifs français et européens notamment face aux géants américains de l’internet » car ce « texte permettra une meilleure rémunération des artistes par YouTube et les autres plateformes en ligne qui exploitent leurs œuvres, protégeant ainsi la diversité culturelle de nos nations ».
 
Pourtant, les droits d’auteur étaient déjà protégés sur internet sans cette directive, et il était facile de se faire bloquer un compte YouTube pour des infractions supposées aux droits d’auteur, comme en a fait récemment l’expérience TV Libertés, ce contre quoi le RN et Marine Le Pen, ainsi que des personnalités de droite comme Thierry Mariani, Nicolas Dupont-Aignan et Jean-Frédéric Poisson avaient protesté au nom de la défense des libertés. Il est à craindre que, bientôt, ce sera encore pire.
 
Olivier Bault