A l’occasion du défilé militaire place Tien An Men à Pékin, la Chine de Xi Jinping se livre à une intense activité diplomatique visant à renforcer et donner une visibilité officielle à ce que les médias anglo-saxons nomment « l’axe du bouleversement » qui regroupe des puissances asiatiques, Russie de Poutine, Corée du Nord de Kim Jung Un, Iran, Pakistan, avec même une tentative de débaucher l’Inde de Narendra Modi, qui s’est déplacé en Chine à l’occasion du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai et en a profité pour rencontrer Poutine et Xi. Cet axe du bouleversement correspond en fait au bouleversement que la guerre en Ukraine a provoqué dans les relations internationales. Avec lui, la Chine communiste vise à promouvoir la gouvernance globale par un multilatéralisme axé contre les Etats-Unis de Donald Trump.
L’Inde de Modi écartelée entre Poutine, Xi Jinping et Trump
Classiquement, depuis des décennies, l’Inde et la Russie se méfiaient de la Chine. Et l’Europe, depuis 1991, tissait des liens industriels et commerciaux avec la Russie. Depuis 2022, ceux-ci se sont distendus et Poutine a cherché auprès de Xi et de Kim des alliés très proches. L’Inde de Modi est écartelée : adversaire stratégique de la Chine, partenaire stratégique de la Chine, elle refusait d’aider celle-ci mais continuait d’acheter les hydrocarbures dont elle a besoin à la Russie de Poutine. Mais Trump lui a imposé des droits de douane de 50 % pour cela, et le voilà à la recherche de solutions tactiques pour s’en sortir. C’est pour cela qu’il a rencontré Poutine et Xi à Tianjin, port du nord de la Chine, en marge du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai. C’est la deuxième rencontre entre Modi et Xi en moins d’un an. Le grand gagnant de tout cela est Xi, qui a fait à l’occasion la promotion de « l’initiative de gouvernance mondiale » (en anglais GGI, Global gouvernance Initiative), dans le droit fil de la gouvernance globale lancée par l’ONU et l’Amérique de Biden et d’Obama, mais avec un rééquilibrage anti-occidental.
Xi, Poutine, Kim, Modi et la gouvernance mondiale
L’Initiative mondiale pour la gouvernance mondiale (GGI) est la quatrième grande initiative mondiale proposée par Xi Jinping ces dernières années, après l’Initiative mondiale pour le développement (Global Development Initiative), l’Initiative mondiale pour la sécurité (Global Security Initiative) et l’Initiative mondiale pour la civilisation (Global Civilization Initiative). Elle est dirigée explicitement contre l’Amérique de Donald Trump. Xi a souligné que la mentalité de la guerre froide, l’hégémonisme et le protectionnisme continuaient de gangrener le monde. Il a ajouté que de nouvelles menaces et de nouveaux défis se multipliaient, entraînant le monde dans une nouvelle période de turbulences et de transformations. Cette année marque le 80e anniversaire de la victoire de la Guerre mondiale antifasciste et le 80e anniversaire de la fondation de l’ONU. Xi Jinping a souligné l’importance de préserver fermement le statut et l’autorité de l’ONU dans la gouvernance mondiale. Tous les pays, quelle que soit leur taille, leur force ou leur richesse, sont selon lui des participants, des décideurs et des bénéficiaires égaux de la gouvernance mondiale, et les règles internes de quelques pays ne doivent pas être imposées aux autres. Mais certains, la Chine en particulier, sont un peu plus égaux que les autres.
Axe du bouleversement, multilatéralisme : Xi imperator
Pour contrer les Etats-Unis, Xi profite du bénéfice tactique que lui vaut la guerre en Ukraine : Poutine a besoin d’armes et Modi ne peut se passer des hydrocarbures russes. Pékin s’est associé à la Russie pour déplorer les sanctions « discriminatoires » que l’Occident lui imposeraient. Il faut rappeler que des entreprises chinoises qui fournissaient secrètement la Russie en drones, arme essentielle dans la guerre en Ukraine, élément clef de la supériorité aérienne actuelle de la Russie, ont été repérées et sanctionnées. Et lors du défilé militaire pour fêter la fin de la seconde guerre mondiale, la Chine a fait étalage de sa puissance et des produits qu’elle peut vendre : drones, missiles et robots. Xi a déclaré que le peuple chinois « n’a pas peur de la violence, est autonome et fort ». Et aussi : « Le renouveau du peuple chinois ne peut être bloqué, et le noble objectif du développement pacifique de la civilisation humaine doit triompher. » A bon entendeur salut ! La révolution socialiste mondialiste avait jusqu’à présent les Etats-Unis à sa tête : l’Axe du bouleversement se propose en remplaçant, avec pour slogan le multilatéralisme et pour chef la Chine communiste dirigée par Xi.