L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a décidé, la semaine dernière, de refermer le dossier iranien, lors du Conseil des Gouverneurs extraordinaire du 15 décembre, à Vienne. Après douze ans d’enquête, elle a conclu que l’Iran ne travaillait pas secrètement à développer une quelconque capacité nucléaire militaire et que donc l’accord de Vienne signé en juillet pouvait être mis en œuvre.
Comme l’a dit un diplomate de l’AEIA basé à Vienne : « Ce n’est pas quelque chose qu’on doive célébrer. Mais pour l’Iran, c’est un grand jour, sans aucun doute. Je pouvais les voir dans la salle, ils retenaient leur souffle »…
C’est oublier le camp progressiste américain, qui en tire un triomphe supplémentaire – pour Israël, c’est, au contraire, un énième soufflet.
Les contestées « possibles dimensions militaires »
Le Directeur général de l’AIEA, Yukiya Amano a ainsi estimé qu’« une série d’activités correspondant au développement d’un engin explosif nucléaire ont [bien] été menées en Iran avant la fin de 2003 d’une manière coordonnée, et que certaines activités ont encore eu lieu après 2003 ». Mais que « ces activités n’ont pas dépassé le stade des études scientifiques et de faisabilité, et l’acquisition de certaines compétences et capacités techniques pertinentes. »
« L’Agence ne possède aucune indication crédible d’activités correspondant à la mise au point d’un engin explosif nucléaire en Iran après 2009 ».
L’Agence internationale de l’énergie atomique contrôle…
Du côté de l’ambassadeur iranien, ce fut évidemment une intense satisfaction… Le caractère purement pacifique du programme nucléaire iranien a été une nouvelle fois prouvé ! Tout sera en place pour ouvrir le plus rapidement possible, selon ses mots, « un nouveau chapitre de la coopération entre l’Iran et l’Agence ».
A présent, conformément à l’accord conclu en juillet entre l’Iran et six autres pays ainsi que l’Union Européenne, le pays doit procéder aux actions préparatoires à la mise en œuvre du Plan d’action global commun (PAGC), sous contrôle de l’Agence – une histoire de quelques semaines.
Alors seulement les sanctions internationales pourront être levées, suscitant l’appel d’air tant attendu par l’économie iranienne qui, le FMI l’a déclaré hier, continue d’en pâtir largement – ainsi que par toute la communauté internationale, attirée par son pétrole et son gaz.
Le nucléaire iranien n’en fait qu’à … sa tête
Certes, l’Iran va donc poursuivre le démantèlement massif de ses centrifugeuses et la réduction drastique de son stock d’uranium enrichi. Et l’Agence jouira, nous dit-on, d’ un contrôle de vérification, in situ, plus étendu et plus direct…
Cependant, demeurent des zones d’ombres que le Conseil n’a pu passer sous silence : un certain nombre de « manquements » iraniens aux obligations imposées par le Conseil de sécurité… En premier lieu, les deux tirs d’essai de missiles balistiques conduits par Téhéran, les 10 octobre et 21 novembre, en dépit de la résolution 1929 des Nations-Unis qui a bel et bien été violée – des experts de l’ONU l’ont reconnu.
De fait, l’Iran ne semble pas tellement vouloir se soumettre aux résolutions du Conseil de sécurité. Dès le lendemain du rapport de l’AEIA, le ministre iranien de la Défense a d’ailleurs déclaré que l’Iran n’acceptait « aucune limitation » dans son programme balistique : « la République islamique d’Iran agit selon ses intérêts nationaux » – ce qui en dit long.
Visiblement, l’accord nucléaire dépendait avant tout de la bonne volonté… occidentale. Fin novembre, un haut responsable avait déjà déclaré que la République islamique n’appliquerait pas l’accord nucléaire de Vienne si l’AIEA ne refermait pas formellement le dossier iranien le 15 décembre prochain… L’entendeur a entendu.
Victoire du camp progressiste aux USA
Bien que le Directeur général de l’AIEA ait déclaré que « l’héritage de méfiance entre l’Iran et la communauté internationale doit être surmonté », il parait clair que la volonté internationale est d’aller de l’avant. Et qu’il y a un camp politique bien précis, américain, pour défendre cette vue.
Dès la publication du rapport de l’AEIA, 56 sénateurs républicains et démocrates ont fait part à Obama de leurs craintes : « L’échec de votre administration à donner suite aux déclarations de fermeté par des mesures tangibles constitue pour l’Iran une invitation à continuer de violer ses obligations et à menacer les Américains et nos alliés ».
Le désaccord politique américain est réel. Mais l’administration Obama ne s’arrêtera pas en si bon chemin, même sur une question aussi controversée : le camp progressiste doit l’emporter.
Déjà en septembre, il s’était appuyé sur les conséquences tordues de la loi Corker-Menendez, et, à deux voix près, l’accord iranien s’était trouvé entériné en dépit de la majorité des représentants du peuple. Pour l’Institut pour la science et la sécurité internationale, basé à Washington, il y a clairement bâclage : « La coopération iranienne n’était certainement pas suffisante pour clore le dossier ».
L’Occident contre Israël ?
Du côté européen, on suit à fond… Et le ministère iranien des Affaires étrangères s’est félicité de cette unanimité politique « sur le programme nucléaire pacifique de l’Iran ». Le président du Sénat français Gérard Larcher, s’est même payé le luxe de critiquer, tout récemment à Téhéran, la nouvelle politique américaine des visas qui pénalise les Européens s’étant rendu en Iran, estimant qu’elle signifiait « une marque de défiance »… et qu’elle s’opposait à l’esprit du rapport de l’AEIA.
Certes ! Mais cette décision a été celle du Congrès – pas d’Obama – qui se défend tant bien que mal contre cette politique volontariste iranienne.
Dont la tête dirigeante, il faut enfin le dire, achève de remiser Israël dans une place nettement moins confortable. Tel Aviv a davantage en tête le précédent rapport de l’AEIA publié en 2011 qui stipulait que l’Iran détenait toute la maîtrise des étapes essentielles à la mise au point d’une arme nucléaire…
Elle sait qui est son ennemi. Mais ses amis, elle ne sait plus vraiment… Son isolement sur la scène internationale a bien commencé.