La Maison des religions a ouvert ses portes à Berne, dimanche, attirant au cours de la journée plusieurs milliers de fidèles et de curieux, bien au-delà de la capacité prévue pour 2.000 personnes. Ce n’est pas un seul temple pour cinq religions, mais tout de même un lieu pour cinq « chapelles » abritant chacune un lieu de culte pour cinq religions différentes : hindous, musulmans, chrétiens, bouddhistes et alévis y peuvent louer leurs différents dieux en toute égalité et se retrouver, ensuite, dans des lieux communs pour le « dialogue interreligieux ». Syncrétisme pratique, puisque toutes les religions sont placées sur le même plan et que l’important est l’« accueil » de l’immigré et la découverte mutuelle des croyances et des cultures.
Les communautés juive, baha’ie et sikh sont également associées au projet, mais ne disposent pas de locaux.
L’Eglise catholique de Berne subventionne le syncrétisme
Il s’agit de la concrétisation d’un projet déjà ancien de Guido Albisetti, président de la Fondation Place de l’Europe-Maison des religions qui a obtenu à la fois l’appui de la municipalité de Berne, propriétaire du terrain, et des fonds versés par les bourgeois de Berne, du canton de Berne, l’Eglise réformée du canton et plusieurs donateurs privés et fondations. Et même de l’Eglise catholique qui a contribué à hauteur un million de francs suisses, près de 10% du budget total – même s’il n’y a pas de lieu de culte catholique dans la brochette de religions représentée.
Lors du lancement du projet, en 2012, dix ans après la création de l’association qui œuvrait pour sa construction, le « portail catholique suisse » sur internet qualifiait la réalisation de la Maison des religions de « miracle de Berne », rendu possible grâce à ce financement que l’on n’attendait presque plus. Avec ses 3.400 mètres carrés et son implantation au cœur d’un complexe comprenant hôtel, magasins, bureaux et logements, la Maison des religions se veut visible au sein de la cité.
Spiritualité globale et Maison des religions
C’est en fait la phase ultime du laïcisme relativiste : en donnant une même valeur et une même importance à chaque religion, musulmans, chrétiens, bouddhistes, hindous, alévis… le projet accrédite l’idée d’un culte qui ne vaut que par l’attitude intérieure de l’homme, sans vérité ni valeur propre : une spiritualité globale où les dogmes, croyances et pratiques se diluent dans l’échange et le dialogue.
Cela passe par le respect tout horizontal des exigences des uns et des autres, pourvu qu’ils acceptent de voisiner sans avoir la prétention de dominer. Guido Albisetti l’a suggéré dans une interview accordée au Temps il y a trois jours : « Nous n’avons pas l’intention de faire des migrants des Suisses, ni de changer le monde. Nous créons un environnement dans lequel les religions travaillent ensemble. » A quoi ? A se connaître mutuellement, à se découvrir les unes les autres.
Si les chrétiens, et même la hiérarchie catholique du canton de Berne ont été séduits par le projet, toutes les religions pressenties n’ont pas participé, en définitive. Albisetti raconte : « Seul un groupe musulmans [la Fédération islamique cantonale de Berne, note Le Temps] a abandonné en cours de route. Il n’était pas à l’aise avec la proximité du temple hindou, ou le fait que la mosquée n’est pas tournée à 100% vers la Mecque. » D’autres musulmans n’ont pas eu ces timidités.
Un œil sur les religions, l’autre sur le portefeuille
Faut-il en conclure que toutes les croyances et sectes présentes sont d’accord pour abandonner une part de ce qui fait leur identité afin de participer au beau projet syncrétiste de la Maison des religions ? Ce serait bien étonnant : une chose est le propos des créateurs du site, autre peut être l’espoir et l’objectif ultime de tel ou tel groupe.
En attendant, le message de la Maison des religions est clair. Et s’il faut en croire le site haus-der-religionen.ch, il promet des avantages bien au-delà du bien-être des migrants et de l’égalisation religieuse : « Il doit être possible d’intégrer à notre époque une exploitation multifonctionnelle dans une construction attrayante et moderne: le développement immobilier crée ainsi de nouveaux espaces de rencontre à disposition des personnes et groupes d’horizons différents. Nous sommes convaincus que de telles exploitations mixtes ont un impact positif sur l’ensemble et qu’elles présentent, à moyen et long terme, aussi un attrait pour des investisseurs à vocation avant tout commerciale. »
Quand l’argent et la nouvelle spiritualité avancent la mano en la mano…