L’INSEE a mesuré le grand remplacement des religions en France

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L’historien Guillaume Cuchet, spécialiste de l’histoire des religions, a donné sous forme de tribune dans La Croix une analyse de l’enquête qu’a publiée l’INSEE en avril sur les religions pratiquées en France, Trajectoires et origines. Il y constate un effondrement du catholicisme, une montée de l’islam et des protestants évangéliques, un repli identitaire du judaïsme, en somme un grand remplacement rapide des religions de France. Un bref résumé des chiffres et de son point de vue est instructif.

 

12 ans après, l’INSEE constate une révolution religieuse

On appelle couramment TO2 cette étude faite par l’INSEE en 2019-2020 sur les 18-59 ans pour la distinguer de TO1, semblable mais datant de 2007-2008. En 12 ans le changement a été d’autant plus rapide qu’il touche des populations nées après 1960, « sans grand passé religieux ou issues de l’immigration disponibles pour de profondes réorganisations ». Voici les cinq tendances principales. La première est la hausse des sans-religion déclarés qui passent de 45 à 53 %. La majorité. Selon Cuchet, « avec eux, on est dans un processus classique de “sortie de la religion” tel que le décrivent depuis le XIXe les théoriciens de la sécularisation ».

 

La France n’est plus la fille aînée de l’Eglise

La deuxième est le déclin du catholicisme, qui passe de 43 à 25 %, soit une quasi-division par deux en douze ans. Ce qu’on a nommé « crise des abus sexuels dans l’Église » a amplifié la tendance mais ne l’a pas créée. « Ce n’est plus de déclin qu’il faut parler mais d’effondrement, et nul ne peut dire à quel niveau se fera la stabilisation. » La troisième est la forte montée des « autres chrétiens », de 2,5 à 9 %, surtout des protestants évangéliques. La quatrième est la progression des musulmans, qui passent de 8 à 11 %, moins par conversions d’éléments extérieurs que par reproduction de l’identité et de la ferveur à l’intérieur du monde musulman. 26 % des femmes portent le voile. La cinquième tendance est le caractère de plus en plus identitaire et fervent du judaïsme. « C’est même, à bien des égards, la religion la plus “identitaire” de France, si l’on en croit l’enquête ».

 

Les raisons du grand remplacement des religions

L’enquête de l’INSEE éclaire les raisons de ce grand remplacement religieux. Selon Cuchet, « l’immigration joue un rôle croissant, à la fois parce qu’elle reste massive (plus de 10 % d’immigrés) et parce que le groupe central de la société française sans ascendance migratoire, souvent d’origine catholique, est de plus en plus sécularisé ». Deuxième facteur important, ce que Cuchet appelle le « taux de reproduction spirituelle des groupes », c’est-à-dire leur capacité à transmettre leurs convictions à la génération suivante. Toujours selon Cuchet, « il est lié à la dimension identitaire de la religion et à la ferveur. Le meilleur est celui de l’islam (91 %), le moins bon celui du catholicisme (67 %) ».

 

L’immigration désignée par l’INSEE

Le troisième facteur du grand remplacement religieux est le prosélytisme. Ce sont surtout les évangéliques qui le pratiquent, « l’islam ayant tendance à se spécialiser dans la reconversion identitaire de populations d’origine musulmane. La croissance des évangéliques est aussi liée à l’immigration parce que les zones de départ, en Afrique par exemple, ont été touchées par la révolution évangélique de ces dernières décennies et que les migrants arrivent déjà convertis ».

 

Quelles religions pour la France de demain ?

Le résultat de tout cela ? Le paysage religieux de la France, qui avait résisté à la Révolution, à la révolution industrielle, aux conquêtes laïcistes, aux guerres mondiales se trouve bouleversé. « En 1872, dans le dernier recensement public à avoir comporté officiellement une rubrique religieuse, plus de 97 % des Français avaient répondu qu’ils étaient catholiques romains et on en était encore pratiquement là au début des années 1960. » Dans la nouvelle étude de l’INSEE, « ils ne sont plus que 25 % à le dire, et la réduction n’est pas terminée. Dans ces conditions, il n’est pas sûr que le catholicisme reste encore longtemps la première religion du pays ». Qu’en pensent Nos Seigneurs les évêques de France ?

 

Pauline Mille