Dans un entretien vidéo publié sur son blog, Bruno Gollnisch, député au Parlement européen, évoque de manière franche les divergences qui existent au sein du Front national, demandant que l’on fasse la « clarté » sur le « Front national nouveau » dont parlent nombre de nouveaux cadres du parti. Son entretien met l’accent sur les changements de programme qu’il nomme de manière interrogative, dans le contexte des investitures à venir pour les élections régionales.
Alors que Jean-Marie Le Pen, hospitalisé depuis jeudi pour « un petit problème cardiaque », est en pleine tourmente au sein du Front national qu’il a fondé, la question du « ticket » pour les élections régionales agite les hautes sphères du parti. Le président d’honneur s’étant retiré de la course en PACA qu’il entendait mener en tête, Bruno Gollnisch, figure historique du FN et élu de très longue date, avait annoncé vouloir mener ce combat électoral. Il sera le plus vraisemblablement confié à la petite-fille de Jean-Marie Le Pen, Marion Maréchal, et celle-ci a fait savoir qu’elle ne partagerait pas la tête de liste avec Gollnisch, ne voulant pas être mise « sous tutelle ». C’est l’éviction affirmée, y compris de la part du courant présenté comme plus « conservateur » au sein du FN censé être incarné par Marion Maréchal-Le Pen, de la figure de proue qui aujourd’hui paraît être le plus proche des valeurs traditionnelles au sein du FN.
Bruno Gollnisch retire-t-il sa candidature en PACA parce qu’il n’est plus d’accord avec le FN ?
Le « verbatim » de son entretien, que nous vous proposons ci-dessous, pose des questions précises. Quid du « Front national nouveau » et du « Front national ancien » ? Bruno Gollnisch énumère des éléments du programme qui méritent clarification : ce ne sont pas les moindres. De la liberté de l’enseignement et des libertés économiques en passant pas les valeurs traditionnelles de la vie et de la famille, en passant par la politique internationale et européenne, leur liste dévoile le malaise qui existe sur les réponses apportées par le « nouveau Front national » – sans quoi Gollnisch ne les poserait pas.
Il suggère également que ces questions n’ont fait l’objet d’aucun débat à la tête du FN, puisqu’il faut « l’ouvrir », ni même de réponses précises, ce qui laisse entrevoir que les préoccupations actuelles du mouvement sont avant tout électorales – pour ne pas dire électoralistes.
Bruno Gollnisch affirme enfin – et ce n’est pas la moindre de ses mises en accusation « en creux » – que les militants et électeurs du FN ont droit à la « clarté » sur ces sujets au nom de l’honnêteté en politique : manière de dire qu’on les trompe au moins par le silence, ou la confusion entretenue à leur propos.
Le « verbatim » des propos de Bruno Gollnisch sur le nouveau Front national et le retrait de sa candidature aux régionales
A l’intervieweur qui lui demande s’il est toujours candidat à l’investiture en PACA, Bruno Gollnisch révèle sa décision :
« Candidature que je retire. Oui, je la retire. Je croyais effectivement que mes compétences juridiques, politiques en ce qui concerne la conduite pendant des décennies d’un groupe au Conseil régional pouvaient me permettre de rendre quelques services à notre cause, s’agissant quand même de la direction d’une région qui est plus peuplée et plus complexe que des Etats membres de l’Union européenne.
« Il semblerait, apparemment, que ce ne soit pas l’avis d’un certain nombre de jeunes gens qui préfèrent rester entre eux. A partir de ce moment-là, je leur en laisse, en quelque sorte, la responsabilité. Et par avance, citant pour une fois le général De Gaulle, je leur souhaite bien du plaisir. »
Gollnisch réclame également, après le tollé qui a fait suite à diverses déclarations récentes de Jean-Marie Le Pen :
« ll y a des millions de gens qui ont manifesté pour le droit au blasphème, je ne vois pas pourquoi Jean-Marie Le Pen devrait en être exclu.
« Je suis quand même étonné que l’entourage familial de Jean-Marie Le Pen, apparemment, aient ignoré les opinions qui étaient les siennes sur ces sujets, et plus choqué encore par le fait qu’un certain nombre de personnes qui lui doivent, en grande partie, leur mandat de conseiller municipal, de maire, de sénateur, de député ou de député européen ajoutent leur petite pierre à sa lapidation médiatique. Je trouve que ce n’est pas très convenable. »
Les changements au Front national doivent être exposés avec clarté, par honnêteté à l’égard des électeurs
Interrogé sur la nouvelle génération qui appelle à un renouveau du Front national, Bruno Gollnisch répond :
« Ça, je crois que c’est intéressant. J’ai lu, effectivement, qu’il y avait un débat, et il paraîtrait qu’il y ait un Front national nouveau, en rupture, ou opposé, ou distinct du Front national ancien, dont je serais paraît-il l’une des incarnations. Je ne sais pas si c’est simplement la question de génération et des cheveux blancs, auquel cas je dis à ces jeunes gens, en toute amitié : « Ce que vous êtes, je l’ai été, ce que je suis, vous le serez. » J’ai l’âge des candidats actuels à la présidence des Etats-Unis d’Amérique, Mme Clinton et M. Bush, le troisième du nom. Je crois que je pouvais prétendre à la présidence de région…
« Mais ça n’a pas beaucoup d’importance. Ce qui a de l’importance, effectivement, ce qui est important, c’est cette affaire de « nouveau Front national ». En quoi est-il nouveau ? Moi, je ne suis pas contre la nouveauté. Je crois être tout à fait ouvert à la modernité, justement, et avoir beaucoup de propositions à ce sujet. Mais en quoi nous distinguons-nous de ce que, bec et ongles, avec Jean-Marie Le Pen, avec moi-même, des milliers, des millions d’électeurs, de militants, ont défendu au cours de toutes ces années ?
« Est-ce que nous sommes en désaccord avec la défense de l’identité culturelle, charnelle, spirituelle de la France ? Est-ce que nous sommes en désaccord, maintenant, avec la liberté de l’enseignement ? Est-ce que nous avons une autre politique économique que celle du rétablissement des libertés économiques contre la bureaucratie qui paralyse et le fiscalisme qui spolie ? Est-ce que nous sommes maintenant défavorables à la défense des valeurs familiales, des valeurs traditionnelles de l’accueil de la vie ? Quelle politique internationale préconisons-nous en direction du monde arabe, en direction de l’Extrême-Orient, en direction du mondialisme ? S’agissant de l’Europe des nations, dont nous avons longtemps été les porte-paroles, sommes-nous toujours sur cette ligne-là ? Certes, nous constatons que l’Union européenne est aujourd’hui difficilement réformable, mais alors quelles sont les propositions que nous faisons de coopération avec nos voisins européens – à moins que nous n’en fassions aucune ? Voilà des sujets politiques extrêmement intéressants, précisément, sur lesquels il conviendrait d’ouvrir le débat.
« En tout état de cause, s’il y a un Front national nouveau, par rapport au Front national ancien, eh bien, il faut le dire ! Il faut ouvrir le débat et il faut le dire à nos électeurs, parce que la clarté c’est, en politique, une manifestation élémentaire de l’honnêteté. »
Bruno Gollnisch s’oppose nettement à un Front national nouveau qui aurait changé son programme
Le Front national doit-il rentrer dans « ce débat d’idées ? », lui demande alors l’intervieweur. Réponse de Bruno Gollnisch :
« Je le pense. Je regrette que pour des raisons pratiques cela n’ait pas été le cas à notre dernier congrès. Et encore une fois, parce que je lis encore dans la presse, notamment d’après les déclarations de Marion Maréchal, encore une fois, qu’il y aurait un Front national nouveau distinct du Front national ancien, je demande précisément à ce que ceci soit précisé, ceci soit discuté, ceci soit débattu, et que ceci soit exposé à nos militants et à nos électeurs : c’est la pierre d’achoppement de l’honnêteté en politique. »