Le cardinal Danneels a-t-il tenté de convaincre le roi Baudouin des Belges de signer la loi sur l’avortement ?

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Deux hommes politiques belges viennent pour la première fois de témoigner que le cardinal Godfried Danneels, ancien archevêque de Malines-Bruxelles, récemment choisi par le pape François pour participer au Synode sur la Famille, avait tenté de convaincre le roi Baudouin de signer la loi belge sur l’avortement en 1990.
 
Le roi Baudouin s’était opposé à cette loi qui porte atteinte à des vies humaines innocentes. Son refus de signer avait menacé la Belgique d’une crise politique majeure.
 
Philippe Moureaux, membre du parti socialiste et vice-Premier ministre à l’époque, ainsi que Mark Eyskens, membre du parti chrétien démocrate et ancien Premier ministre, ont confirmé l’information selon laquelle plusieurs membres du gouvernement belge avaient alors appelé le cardinal au secours pour lui demander de faire pression sur le roi Baudouin.
 
Tout en refusant de signer le texte, le roi Baudouin avait fini par accepter de demander formellement au gouvernement de trouver une « solution » qui pourrait « garantir le respect de la démocratie parlementaire ». Cela avait abouti au constat de son incapacité par le Parlement. Pendant sa « destitution provisoire » de 36 heures, la loi adoptée cinq jours plus tôt par le Parlement, était signée par les 14 membres du gouvernement belge, dans la nuit du 3 au 4 avril 1990.
 

Le cardinal Danneels aurait cherché à convaincre le roi Baudouin à signer la loi autorisant l’avortement

 
Le cardinal Danneels a refusé de commenter les déclarations des deux hommes politiques.
 
S’il était personnellement opposé à la légalisation de l’avortement, le cardinal était également connu pour « approuver totalement la séparation de l’Eglise et de l’Etat » et considérer que l’Eglise n’avait « aucun rôle politique » comme l’a affirmé son biographe. Pour lui, il fallait donc se résigner à vivre dans une société pluri-culturelle en permanente opposition avec les enseignements de l’Eglise.
 
Le témoignage de Moureaux et d’Eysens ne se borne pas à affirmer que le cardinal Danneels a fait pression sur le roi, il souligne également que le cardinal a été agi à la demande du gouvernement du démocrate chrétien Wilfried Martens afin de dépasser l’impasse constitutionnelle créée par l’objection de conscience du roi.
 
Pourtant le roi Baudouin avait fait savoir à Martens et aux autres ministres qui avait défilé devant lui que sa position n’était pas religieuse : « Vous pourriez venir avec le Pape de Rome, je dirai toujours non » avait-il déclaré à Willy Claes. « Ne cherchez pas un lien avec la religion : vous savez que je suis un fervent croyant, mais il est question ici du respect que j’ai pour la vie humaine », avait-il insisté.
 

Le roi Baudouin des Belges a tenu bon face aux pressions sur la question de l’avortement

 
Pour l’un de ses anciens ministres, cette opposition était également due à son histoire personnelle : selon l’un de ses biographes, la reine Fabiola avait subi plusieurs fausses couches et avait failli mourir lors de sa première grossesse. Le Roi avait alors ordonné que la vie de la Reine soit préservée, même s’il fallait pour cela procéder à un avortement. La Reine aurait alors prévenu « une fois pour toutes » : l’obliger à avorter signerait la fin de leur mariage et son entrée au couvent.
 
Interrogé à la télévision le 5 avril dernier, à l’occasion de l’anniversaire de la loi sur l’avortement, le cardinal Danneels a qualifié cette célébration d’« inacceptable », affirmant que ce jour est plutôt « à marquer d’une pierre noire ». « Je pense que beaucoup de femmes souffrent » à cause de cette loi, a-t-il déclaré au micro d’une télévision francophone.
 
Interrogé sur la possibilité de revenir sur la loi, le cardinal a cependant répondu qu’il appartient à l’Etat de fixer le « cadre légal » en la matière. Il a distingué les « normes morales » et les « cadres légaux », laissant entendre qu’il acceptait le principe de l’avortement légalisé puisqu’il était le résultat d’une décision politique. Ce commentaire suggère qu’il aurait pu accepter de tenter de convaincre le roi pour éviter la crise politique.
 

Béatrice Romée