“Qui est Charlie ?” : Manuel Valls défend sa « France du 11 janvier » contre Emmanuel Todd

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Dans une tribune publiée sur le site du Monde, le premier ministre Manuel Valls entend défendre « la France du 11 janvier » contre l’anthropologue Emmanuel Todd, qui, dans un virulent Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse, paru ce 7 mai, dénonce l’« imposture » de la manifestation qui a suivi les attentats de Charlie-Hebdo et de l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes.
 
« Nous savons désormais, avec le recul du temps, que la France a vécu en janvier 2015 un accès d’hystérie », explique dans son livre Emmanuel Todd. Une « hystérie collective » et un « flash totalitaire », ajoute-t-il, une bouffée délirante diront certains.
 
Une analyse qui demande vraisemblablement à être lue de près, non nécessairement pour la partager, mais pour échapper au torrent fangeux de la pensée unique qui, à sa seule évocation, paraît envahir toute expression, journalistique, politique, de peur de paraître blasphématoire face au virus de la bien-pensance et du politiquement correct.
 

Emmanuel Todd évoque un « vide existentiel »

 
Il est vrai que, en évoquant la France de 2015 comme « un pays de sceptiques », atteint d’un « vide existentiel », Emmanuel Todd n’y va pas de main morte en ce domaine. Et son constat assène, clairement, quelques fulgurances très nettes : « Le basculement de la France dans l’incroyance généralisée (…) pose des problèmes d’équilibre psychologique et politique à la population », observe-t-il par exemple.
 
Parmi ceux qui, à lire – mais l’a-t-il réellement lu ? – cette critique de l’esprit du 11 janvier, crient le plus fort au blasphème, on ne s’étonnera guère de trouver le premier ministre – qui, on peut le comprendre, défend mordicus le piédestal sur lequel il espère fonder sa situation et, peut-être, son avenir.
 
Dans une tribune publiée ce même 7 mai sur le site du Monde, Manuel Valls s’arcboute donc pour maintenir l’icône nouvelle. « (…) ce fut bien un mouvement spontané, populaire, venu des citoyens eux-mêmes. Le peuple français, dès le 7 janvier au soir, s’est dressé », assure-t-il, en citant au jugé un chiffre, alors que les forces de l’ordre – de peur sans doute que l’esprit Charlie paraisse ridicule face aux Manifs pour tous, et que cela ne vexe le ban et l’arrière-ban du monde politique international qu’on avait rameuté pour l’occasion – assuraient n’avoir pu compter la foule au lendemain de l’événement.
 

Avec Charlie, Manuel Valls s’essaie à l’illusionnisme

 
Oh ! « Bien sûr » – je trouve ce « bien sûr » admirable ! – « il faut se garder de toute idéalisation de l’événement », poursuit le premier ministre. Bien des gens, voire des intellectuels, ont préféré ignorer l’événement. Il ne faut pourtant pas abuser, assure-t-il, du constat, « devenu une véritable idéologie », du déclin. Et d’engager les politiques à « descendre dans l’arène des idées », et à « combattre les faux-semblants ».
 
En cette matière pourtant, Manuel Valls ne craint personne lorsqu’il affirme que « cette manifestation fut un cri lancé, avec dignité, pour la tolérance et pour la laïcité, condition de cette tolérance ». Alors que, on le voit chaque jour davantage sous son gouvernement, cette laïcité est le moyen, presque mécanique, de l’asservissement de l’esprit de nos concitoyens.
 
En réalité, pour répondre à celui qu’il estime être son détracteur, Manuel Valls, dans l’esprit sectaire qu’est celui de la laïcité maçonnique, oppose religion contre religion : « Dans cette crise d’identité que traverse la France, plus que jamais nous devons défendre la République, car elle est protectrice des citoyens et émancipatrice des individus. La République est notre meilleur atout. »
 

Quelle « France » du 11 janvier ?

 
Or il y a longtemps que cette république portée au pinacle par le premier ministre n’est plus qu’une espèce de coquille, vidée de sa substance démocratique, par la confiscation systématique de tout moyen, pour le prétendu citoyen, d’apprendre, d’étudier pour comprendre par lui-même. On lui sert, par le biais d’une éducation nationale dont le premier ministre et ses pairs ne cachent même plus qu’elle doit faire table rase, chez l’enfant, de sa vie anté-citoyenne, une espèce de brouet sans consistance ni goût, à base d’égalitarisme malsain, et de libéralisme destructeur de la vraie liberté.
 
Alors, Manuel Valls peut dénoncer ces « intellectuels qui ne croient plus en la France ». On ne parle pas, on ne parlera jamais de la même réalité. Ce qu’il appelle « France », n’en est en réalité qu’un ersatz, débutant en 1789, par la destruction de ses racines véritables.
Plus qu’une imposture peut-être, c’est une mystification !
 

François le Luc