La communauté « gay » des Etats-Unis est folle de joie après la décision de 5 juges sur 9 de la Cour suprême d’imposer à tous les Etats de l’Union d’autoriser le « mariage » des couples de même sexe. C’est la pleine saison de la Gay Pride dans le monde entier. Le lobby LGBT exulte. Il a raison, écrit le juge John Roberts dans son opinion dissidente. « Si vous faites partie des nombreux Américains – quelle que soit leur orientation sexuelle – qui sont en faveur de l’extension du mariage de même sexe, n’hésitez pas à célébrer la décision de ce jour. Célébrez le fait que vous avez atteints un but désiré. Célébrez la possibilité d’exprimer d’une nouvelle façon l’engagement envers un partenaire. Célébrez la possibilité d’obtenir de nouveaux avantages. Mais ne célébrez pas la Constitution. Elle n’est pour rien dans cette affaire ». En revanche, l’objectif profond, ou à tout le moins l’effet de la décision, est évident : la décision Obergefell v. Hodges contredit toutes les convictions religieuses traditionnelles et ouvre la voie à la persécution religieuse.
Le juge Antonin Scalia a qualifié la décision de « putsch judiciaire ». Cinq juges ont confisqué le pouvoir, contredit la volonté du peuple, passé par pertes et profits des référendums défavorables au « mariage » des couples de même sexe, renversé la propre jurisprudence de leur Cour qui est simplement chargée d’interpréter la Constitution et non de créer le droit, pour imposer leur point de vue subjectif. Intolérable confiscation du pouvoir ; ce « gouvernement des juges » se constate partout dans les prétendus « Etats de droit » où des magistrats non élus deviennent « législateurs suprêmes » par leur propre volonté, et surtout celle de l’établissement qui pourrait les arrêter d’un mot mais trouve là un moyen puissant pour contourner la volonté du peuple et la démocratie.
Justifier le mariage gay par la Constitution : l’imposture de la Cour suprême
C’est de manière frauduleuse qu’on a invoqué la Constitution des Etats-Unis et son amendement 14 défendant le droit au respect de la vie privée. Il va de soi qu’elle n’avait jamais prévu que le mariage pût être autre chose que l’union d’un homme et d’une femme. A la date où l’amendement 14 a été adopté, en 1868, il n’existait pas un seul Etat où la sodomie n’était pas pénalisée. Le texte a été torturé, trituré pour y découvrir une nouvelle « liberté ». Et encore, cela s’est fait sans la moindre argumentation juridique. Obergefell v. Hodges s’étend sur le ressenti, le besoin d’amour, l’expression de l’engagement individuel. Il se fonde sur le « droit fondamental au mariage » mais en définissant le mariage de manière tordue sans s’appuyer sur le sens et les raisons qui font du mariage naturel la pierre de construction de la société.
La décision de la Cour suprême s’appuie sur les quatre « piliers » qui selon elle définissent le mariage : l’autonomie individuelle, l’engagement, la procréation et l’éducation des enfants ; la pierre d’angle de l’ordre social. Le premier « pilier » concerne le droit à l’intimité : pourquoi réclamer une reconnaissance publique alors, demande John Roberts. Le juge conservateur Antonin Scalia renchérit dans son opinion dissidente distincte : « Si l’intimité est une liberté, on pourrait penser que la liberté de l’intimité est limitée plutôt que renforcée par le mariage. Posez la question au prochain hippie que vous croiserez ! »
La Cour suprême des Etats-Unis entre solitude et amour romantique
L’engagement ? Ce n’est plus une promesse de respecter un vœu irrévocable, mais, à en croire la Cour, un remède contre la solitude. « Le mariage répond à la peur universelle qu’une personne esseulée puisse appeler et ne pas entendre de réponse. Il offre la promesse du compagnonnage et la conscience et l’assurance de ce que, tant que l’un et l’autre vivront, il y aura l’un pour prendre soin de l’autre. » A l’ère du divorce facile, l’argument a un goût amer. Mais il est surtout faux : tel n’est pas le sens du mariage, et la solitude n’est pas une notion de droit.
La procréation ? Elle n’est « qu’un aspect parmi d’autres de la question », assure Obergefell v. Hodges. Les couples de même sexe ne peuvent pas procréer, précisément, par impossibilité de nature et non par accident. Mais puisqu’ils adoptent, ils doivent pouvoir se marier, assurent les juges, afin que leurs enfants ne soient pas « stigmatisés » par leur conscience d’appartenir à des couples « inférieurs » aux couples hétérosexuels. Voilà qui contourne la réalité. On prend une situation injuste et on en tire un droit général.
« Le mariage demeure une pierre de construction de notre communauté nationale. Pour cette raison, comme un couple s’engage à prendre soin l’un de l’autre, ainsi la société s’engage à soutenir le couple, en offrant une reconnaissance symbolique et des avantages matériels pour les protéger et les nourrir », affirme la décision de la Cour suprême. Sans autre explication. Car en réalité l’explication contredirait la décision ; elle se justifie parce que le mariage est le lieu de la procréation et que le mariage protège le mieux les enfants et le maintien de l’ordre social.
Mariage gay et individualisme suprême : la contradiction interne
Si la gauche libérale qui a imposé le « mariage gay » pensait vraiment que le mariage est le meilleur cadre pour l’épanouissement des enfants, pourquoi favorise-t-elle le divorce facile et a-t-elle tout fait, dans de si nombreux pays du monde, pour mettre sur le même plan le mariage légitime et l’union libre, les enfants légitimes et les enfants nés hors mariage ?
La réponse se trouve dans la déification de l’autonomie humaine. La décision Obergefell v. Hodges montre de manière éclatante combien l’ingénierie sociale en cours dans le monde entier repose sur la fausse promesse : « Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » Comble du nominalisme et du libéralisme, elle s’autorise à donner le sens qu’elle veut au mot « mariage », sans tenir compte des réalités, et elle impose le relativisme qui est la marque du libéralisme, refusant toute transcendance, toute vérité, toute loi supérieure à la volonté humaine. Le juge Anthony Kennedy, qui a voté pour la reconnaissance du « mariage » gay, l’exprime ainsi : les gens ont le droit « dans le cadre de la légalité, de définir et d’exprimer leur identité ». Lors d’une décision libéralisant l’avortement en 1989, il disait déjà : « Au cœur de la liberté se trouve le droit de définir sa propre conception de l’existence, du sens, de l’univers, et du mystère de la vie humaine ». Ni Dieu, ni maître !
La persécution religieuse est contenue dans la légalisation du mariage gay
La conséquence logique de cette autonomie érigée en absolu, on la connaît depuis la Révolution française : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! » Benoît XVI résumait cela en trois mots : « Dictature du relativisme. » Il n’y a pas de place dans un monde où les hommes sont maîtres pour celui qui veut se soumettre à une vérité qui le dépasse, à la réalité qui s’impose à lui. Il s’ensuit que la persécution religieuse est contenue en germe – voire davantage – dans la reconnaissance du « mariage » des couples de même sexe.
Le juge Kennedy le laisse entendre lorsqu’il explique : « Parmi ceux qui considèrent que le mariage homosexuel est un mal il en est beaucoup qui parviennent à cette conclusion sur la base de prémisses religieuses ou philosophiques décentes et honorables, et cette décision ne dénigre ni leurs personnes ni leurs croyances. Mais lorsque cette opposition sincère et personnelle se transforme en loi adoptée et en politique de l’Etat, la conséquence nécessaire est qu’on met l’imprimatur de l’Etat lui-même sur une exclusion qui va bientôt déprécier ou stigmatiser ceux à qui leur propre liberté est alors refusée. »
Cette formule ampoulée – mais surtout très dangereuse – affirme en réalité le refus de permettre qu’un Etat définisse le mariage selon la réalité, selon sa définition traditionnelle, parce que cela constituerait une discrimination à l’égard des homosexuels qui veulent en bénéficier. On n’a plus le droit de s’y opposer qu’à titre individuel, sans que cela puisse avoir de conséquences sur le plan public : voilà la conclusion logique.
Le juge Clarence Thomas – juge noir auteur lui aussi de sa propre opinion dissidente – a mis en évidence les « conséquences potentiellement désastreuses pour la liberté religieuse ». Mais aussi pour le statut fiscal favorisé des institutions religieuses…
La Cour suprême ne protège plus la liberté religieuse
Alexander Marlow de Breitbart.com observe à son tour : « Si vous regardez la manière dont la Cour est parvenue à sa décision, vous verrez qu’elle ouvre la porte à une plus grande discrimination à l’égard des Eglises. Bientôt ils s’attaqueront aux Eglises. Tel est le prochain programme. (…) Les chrétiens seront accusés de sectarisme tout simplement parce qu’ils exerceront leur droit constitutionnel qui proclame la liberté de religion. »
Pour en arriver là, il a fallu perdre tout sens ce qu’est le mariage – et les racines de ce mal sont profondes. Le juge Samuel Alito a été le seul à proclamer de manière lapidaire dans son opinion dissidente que le mariage a pour finalité la procréation et l’éducation des enfants. Obergefell v. Hodges est fondé sur l’idée de « l’amour romantique », souligne-t-il : « Cette manière de comprendre le mariage, qui se focalise presque entièrement sur bonheur des personnes qui choisissent de se marier, est partagée par beaucoup aujourd’hui, mais elle n’est pas la conception traditionnelle. Pendant des millénaires, le mariage était inextricablement lié à la chose que seul un couple de sexes opposés peut faire : procréer. » La dévaluation du mariage par le refus de la procréation a creusé le lit du « mariage » gay…
Dans le même ordre d’idées, le juge Roberts a averti que le renversement de la définition fondamentale du mariage ouvre la porte à une redéfinition plus large : « Il est frappant de noter à quel point une bonne part des arguments de la majorité s’appliquerait avec une force égale à la revendication d’un droit fondamental au mariage pluriel » : la polygamie.
Renverser le mariage gay, ou protéger l’objection de conscience ?
Plusieurs candidats l’investiture républicaine pour les élections présidentielles de 2016 ont exprimé leur refus de cette décision de la Cour suprême – mais celle-ci possède, ou en tout cas exerce davantage de pouvoir que le président élu. Mike Huckabee a annoncé qu’il ne se soumettrait pas « à une cour impériale pas plus que nos Fondateurs ne se sont soumis à un monarque britannique impérial ». « Nous devons résister et rejeter la tyrannie judiciaire, et ne pas battre en retraite… La Cour suprême ne peut pas davantage abroger la loi de la nature et la loi de Dieu sur le mariage qu’elle ne peut le faire pour la loi de la gravitation universelle », a-t-il déclaré.
Mais est-il encore temps de résister et de rétablir ? Une barrière s’est effondrée, menaçant chacun. Tony Perkins, du Family Research Council, estime qu’il faut d’abord protéger les opposants. « Notre première réponse est de nous mobiliser au niveau fédéral et étatique pour protéger la liberté de religion. Il faut d’abord sécuriser notre camp de base. »
Certes. Mais en attendant, c’est la société américaine tout entière qui est fragilisée par la décision de la Cour suprême. La victoire du « mariage » gay est celle de l’idéologie du genre, du nihilisme LGBT. Elle aura des conséquences dans le monde entier dans la mesure où les Etats-Unis consolident une tendance avec tout le poids de leur force de frappe politique, commerciale, militaire. Le cardinal Carlo Caffarra a longuement dénoncé ces aberrations dans une récente interview au journal italien Il Tempo. Il voit dans l’idéologie du genre une « œuvre diabolique » ; dans les lois qui contredisent la loi naturelle, une abdication par l’Etat de sa tâche législative ; dans la « glorification de l’homosexualité », l’annonce de « la fin ». « Il n’y a pas de civilisation qui ait survécu à la glorification de l’homosexualité », écrit-il.
En l’occurrence, il y va du salut et de la survie de tous.