Le billet
Dunkerque, le film, le scandale anglais, les Kollabos français

Dunkerque Film Scandale Anglais Kollabos Francais 2s’essuie les pieds sur l’histoire. Mais le vrai scandale est qu’en imposant un point de vue anglais délirant, il trouve des Kollabos français pour l’encenser.
 
Nolan avait fait merveille dans Batman, et dans Inception. Il sait ce qu’est une image, et comment un film peut faire prendre des vessies pour des lanternes au spectateur. Il s’y emploie à fond et y réussit dans Dunkerque, un film au scénario éprouvé : ce n’est pas un soldat Ryan qu’il s’agit de sauver, mais tous les tommies débarqués sur le sol du continent qu’il s’agit de rembarquer pour les soustraire aux stalags allemands.
 

Le film ne dit pas la réalité de l’affaire de Dunkerque

 
Hubert Jovien nous dira sûrement ce qu’il faut penser de l’œuvre cinématographique, ce n’est pas de ma compétence. Pour ce qui est de l’histoire en revanche, elle est, au choix, pas traitée, ou mal traitée. Pas traitée, d’abord. On ne sait pas pourquoi le corps expéditionnaire britannique et l’armée française du Nord se trouvent dans la poche de Dunkerque. On ne voit d’ailleurs pratiquement pas l’armée française, on ne connaît ni ses effectifs, ni ses positions, ni son importance stratégie. On ne nous dit pas qu’elle se sacrifie pour donner le temps à Dynamo (tel était le nom de code de l’opération de rembarquement anglaise) de réussir. Dunkerque ne nous montre nullement l’action des batteries navales de l’amiral Abrial, dont l’action fut déterminante pour la protection de l’accès aux plages et au môle. Et je passe bien d’autres détails déterminants : en somme, rien de ce qui conditionna le succès de Dynamo sur le sol français et de la part des soldats et du commandement français n’est montré. Dunkerque, tel que le film nous le montre, est inexplicable.
 

Les Anglais fiers de l’exploit technique de Dynamo

 
Ce silence est en lui-même une malversation. C’est le premier moyen employé par Nolan pour maltraiter l’histoire. Il y en a d’autres. Par exemple, l’abandon délibéré de dizaines de milliers de soldats français à terre. L’opération Dynamo fut une parfaite réussite de l’égoïsme britannique, et l’on comprend parfaitement de ce point de vue l’enthousiasme qu’elle a suscité chez Churchill et la plupart des Anglais. Mais elle a supposé une véritable trahison de l’allié français – ou, si l’on préfère dire les choses plus pudiquement, une politique indépendante sans consultation. Par cette même politique, les Anglais préférèrent n’engager que partiellement leur aviation dans la bataille de France, ce qui livra le ciel aux stukas, mais se révéla payant durant la bataille d’Angleterre. C’est suivant cette même stratégie que l’état-major anglais prit la décision unilatérale de ramener le contingent britannique vers la mer, ôtant toute chance de réussite à la contre-attaque sur Arras prévue par Weygand, et donnant la décision définitive à la Wehrmacht.
 

Dunkerque, aboutissement d’un tropisme anglais vers la mer

 
Cela fut une constante de l’Etat major anglais durant les deux guerres mondiales de ne songer qu’à ses troupes, au détriment des intérêts communs de l’alliance. Déjà lors des terribles offensives de Ludendorff en 1918, Haig avait fait prendre le chemin de Calais au corps expéditionnaire anglais, ouvrant une brèche béante dans le front, que l’armée française avait dû boucher d’urgence en se privant elle-même de quarante divisions. Foch avait du menacer de faire fusiller le commandant anglais pour stopper la trahison et empêcher la catastrophe.
Le rembarquement de Dunkerque, réussite technique, compte parmi les pires hontes morales de l’histoire des alliances militaires.
 

Des Français en version anglaise

 
Ce qu’il y a de grave, c’est de voir que la légende britannique autour de Dunkerque, que le film de Nolan renforce par ses silences, est aujourd’hui largement partagée en France. L’article en français de Wikipedia sur la bataille de Dunkerque était jusqu’il y a peu presque intégralement traduit de l’article en anglais, ce qui a heureusement été rectifié, mais il se trouve toujours des kollabos pour justifier le déni anglais de la réalité. Ainsi Patrick Odone, président de la société d’histoire de Dunkerque, co-auteur de « Dunkirk Dynamo1940 », qui juge le « film remarquable », ce qui est son droit, mais ajoute : « Cette opération a disparu des manuels scolaires français parce que l’esprit de Vichy plane encore sur ces événements. Vichy a fait beaucoup de contre-information ».
 

Le scandale des Kollabos français

 
Pour un historien, ce n’est pas très fort. A l’époque, le régime de Vichy n’existait pas, et l’armée française agonisante se battait pour éviter l’envahissement de la France et aussi pour que son allié anglais puisse se sauver. Cet allié anglais, qui avait mesuré au minimum son action au profit de l’alliance depuis le début de la guerre, choisit de profiter de la protection que lui offraient les soldats français sacrifiés pour s’enfuir, sans autre considération. Ce fut une sorte de victoire stratégique, mais que des kollabos puissent inverser la vision de l’histoire au point de rechercher la faute morale du côté de Vichy, en dit long sur la faillite de leur esprit critique, et sur le peu de poids que conserve la réalité dans le débat d’aujourd’hui.
 

Pauline Mille