Va-t-on vers la fin de la toute puissance de la FED, et de la haute finance américaine qui en détient le pouvoir et les capitaux ? L’Etat du Texas établit une réserve d’or qui vise à rétablir l’emploi légal du métal comme monnaie, pour échapper à l’emprise fédérale. Cette fronde monétaire pourrait déboucher sur une révolution mondiale, avec la bénédiction de la Chine et de la zone euro.
Le Texas aura à sa disposition pour la fin de l’année 2016 un dépôt pour les lingots d’or et d’autres métaux précieux, en particulier l’argent, le TBD (Texas Bullion (lingots) Depository). Il exigera alors le retour d’un milliard de dollars déposés sous forme de métaux précieux à la FED à New York. Quand il a signé la loi organisant le projet, le gouverneur du Texas, Greg Abbott, la présentait simplement comme un moyen d’économiser les frais de dépôt payés à NY. Pour satisfaire le contribuable du Texas.
La réserve d’Etat du Texas va saper le monopole de la FED
En fait, la chose va beaucoup plus loin. Le texte de loi autorise le TBD à recevoir en dépôt les biens des citoyens du Texas et de faire des chèques sur leurs dépôts de métaux précieux, tout en interdisant à ce TBD de se lancer dans des activités de prêt, et donc de créer de la monnaie ex nihilo comme la FED en a pris l’habitude. Ainsi le public pourra-t-il utiliser quotidiennement l’or et l’argent pour des transactions ordinaires. L’économiste Michael Boldin, du « Tenth Amendment’s Center » y voit donc « un pas important vers l’usage de l’or et de l’argent comme monnaie légale dans l’Etat ». Rappelons que le dixième amendement de la Constitution américaine inscrit dans les faits ce que l’Union européenne proclame dans les paroles, le principe de subsidiarité : il impose que tout ce qui peut être efficacement fait par les Etats ne soit pas traité au niveau fédéral. Boldin ajoute que le Texas Bullion Depository va « saper le monopole de la Federal Reserve en introduisant une compétition dans le système monétaire » américain.
L’or monnaie légale ? Une révolution monétaire !
Une opinion que renforce l’analyse de William H. Greene, professeur d’économie à l’université de New York : « A la longue, comme les résidents de l’Etat utiliseront les billets de la FED et les pièces d’or et d’argent, comme celles-ci garderont mieux leur valeur, on assistera à l’inverse de la loi de Graham : la bonne monnaie chassera la mauvaise ! » Et Boldin d’ajouter : « Une fois arrivé à ce point, les gens ordinaires ne voudront plus des billets de la FED ». Et la FED ne jouera plus qu’un rôle « nul » pour l’Etat du Texas.
Si le Texas est en pointe dans cette fronde anti-fédérale et surtout anti-haute finance (cette haute finance qui a la main sur la FED, laquelle, il faut le répéter à satiété, est une banque centrale privée), il n’est pas le seul. En fait la Constitution américaine autorise l’utilisation de l’or et de l’argent comme monnaie légale, et déjà l’Oklahoma, l’Utah et la Louisiane ont annoncé leur volonté d’en profiter. Et, prenant le Texas comme modèle, le Tennessee décidé il y a quelques jours de construire aussi sa propre réserve d’or.
La mort du dollar commence-t-elle avec l’or du Texas ?
La fronde monétaire du Texas promet donc de déboucher sur une véritable révolution anti-fédérale, qui pourrait bien avoir des répercussions mondiales. Les accords de Bretton Woods avaient organisé à la fin de la seconde guerre mondiale une sorte d’ordre monétaire qui reposait sur l’or et l’argent. On sait que la France du général De Gaulle rêvait de l’étalon or, mais que la fin de la convertibilité du dollar en or officialisée par Nixon, suivie plus tard par les accords de la Jamaïque, ont abouti à la situation actuelle, qui consacre grosso modo la domination du dollar comme principale monnaie de réserve. Mais cette situation est très dangereuse : elle permet certes aux Etats Unis de créer de l’argent de manière magique pour payer leur toute puissance, mais rend le système monétaire, leur propre économie, et toutes les économies du monde, extrêmement fragiles. Les puissances qui supportent cette domination abusive avec impatience sont nombreuses. Parmi elles, la Chine et la zone euro. Elles observent avec gourmandise les conséquences de la fronde lancée par le Texas avec sa réserve d’or. L’avenir dira vite si celle-ci se transformera en révolution. Et notamment en quelle monnaie se feront les transactions sur les nouveaux marchés ouverts en Iran. Il faut se souvenir que Saddam Hussein avait constitué ses réserves de change en euros et vendait son pétrole en euros : ce fut sans doute la raison qui poussa George W. Bush à l’éliminer. En tout cas, le rapatriement de l’or du Texas, qui suit celui de l’or allemand, lance un avis de gros temps sur la situation financière du monde.