Gavin Ashenden faisait partie jusqu’à la semaine dernière des 33 chapelains spéciaux de la reine Elizabeth II. L’épiscopalien vient de démissionner parce qu’il a publiquement critiqué une initiative qui a scandalisé de nombreux paroissiens de la cathédrale protestante de Saint-Mary à Glasgow : la psalmodie d’une sourate du coran lors du culte de l’Epiphanie. Il l’a qualifiée d’« assez grave erreur », ajoutant qu’il était de son devoir d’en parler publiquement. Mais dire la vérité sur l’islam ne va pas de soi.
« Il y a des choses que nous ne devons pas tolérer parce qu’elles sont destructrices », a-t-il déclaré dimanche sur la chaîne Radio 4 de la BBC : « Je n’accepte pas l’accusation à vrai dire bien faible selon laquelle l’intolérance est une mauvaise chose. »
Il a été extrêmement choqué de voir que lors d’une cérémonie dans une église chrétienne, on ait non seulement fait proclamer une sourate du Coran, mais qu’en outre c’est celle qui parle de Jésus-Christ en affirmant qu’il n’est pas le fils de Dieu. Plusieurs musulmans avaient participé au culte. Et c’est une étudiante musulmane très active dans le domaine du dialogue inter-religieux qui avait psalmodié ces paroles insupportables dans un cadre chrétien.
Le chapelain de la reine d’Angleterre peut-il encore être chrétien ?
Dès que la nouvelle avait été diffusée, les responsables et les fidèles de la cathédrale Sainte-Marie avaient reçu de multiples messages condamnant l’initiative – message dont les auteurs ont vite été qualifiés d’extrême droite par la presse, selon un scénario bien rodé. L’évêque épiscopalien de Saint-Andrews s’est alors engagé à revoir le mode de fonctionnement de cette église, ajoutant que celle-ci avait exprimé ses regrets par rapport aux « offenses » constatées – offenses aux chrétiens ou offenses à l’islam ? C’est toute la question. En réalité il a renvoyé les uns et les autres dos à dos, reconnaissant que l’initiative pouvait être mal avisée et même nuisible aux relations inter-religieuses, mais regrettant la manière dont la population avait protesté.
Pour Gavin Ashenden, les choses sont plus simples. Dans une lettre adressée au Times la semaine dernière, il a appelé l’église anglicane à présenter ses excuses aux chrétiens « qui souffrent de terribles persécutions de la part des musulmans », ajoutant que le dénigrement de Jésus-Christ au cours d’un culte chrétien pouvait bien être qualifié par certains de « blasphème ».
Gavin Ashenden a démissionné pour pouvoir critiquer la lecture du Coran dans une église
Sa critique reste modérée. Il s’est borné à dire qu’une telle initiative est malvenue alors qu’elle est au service de bons objectifs : « la construction de ponts, l’éducation des personnes ». Mais « Cela ne devrait pas se passer ainsi au cours d’une sainte eucharistie et particulièrement une eucharistie dont l’intention principale est de célébrer le Christ, le Verbe devenu chair et entré dans le monde », a-t-il souligné : « Faire une lecture du Coran à ce moment-là était une erreur assez grave par rapport à la communauté de fidèles chrétiens, mais en choisissant ce passage ils ont aggravé l’erreur. De tous les passages qu’ils auraient pu choisir parmi ceux susceptibles d’offenser, c’était l’un des plus problématiques. » Passons sur le fait que les « eucharisties » anglicanes n’en sont pas. Ce qui compte ici, c’est l’offense faite au Christ dans une communauté de baptisés.
Mais pourquoi donc ce pasteur a-t-il démissionné de son rôle de chapelain de la reine ? Gavin Ashenden estime que cette charge oblige à une certaine discrétion, l’empêchant de « parler de manière controversée dans l’espace public ». « En ces circonstances, je crois qu’il faut choisir entre le fait d’accepter un honneur important ou de continuer à débattre dans l’espace public. Je suis assez sûr à titre personnel que mon devoir envers ma conscience, envers mon ordination, ma manière de comprendre le christianisme et ma vocation, est de parler haut et fort dans l’espace public au nom du Christ que je dois servir. »
En quoi le fait de défendre le christianisme contre une agression aussi caractérisée serait-il « controversé » ? Buckingham Palace semble en tout cas persuadé du fait, puisque la démission du révérend Ashenden a été acceptée, avec effet immédiat.
Et cela en dit long sur la chape de plomb qui pèse sur toute critique de l’islam.