La collection « Pour les Nuls » se veut une entreprise de vulgarisation, de présentation de manière pédagogique de questions importantes à destination des masses. Les ouvrages sont écrits par des spécialistes des questions évoquées, et s’ils adoptent un ton particulier voulu simple et humoristique, ils sont en général réussis.
Appartenir à une telle collection est certainement un avantage pour un ouvrage, puisqu’il assure distribution et publicité. Or, les Guerres de Vendée, justement, ont eu très peu de publicité en France, et ce dès l’hiver 1794-1795. Les Révolutionnaires au pouvoir à Paris, connus sous le nom postérieur de « Thermidoriens » et qui ont fait guillotiner Robespierre et ses partisans à l’été 1794, n’en sont pas moins des révolutionnaires et ont tout fait occulter de notre histoire le drame des Guerres de Vendée (1793-95 pour la principale). En effet, de manière fort peu glorieuse et indéfendable moralement dont les Thermidoriens ont fini par se rendre compte après-coup, des populations civiles ont été massacrées en masse dans la « Vendée militaire », c’est-à-dire le département actuel de la Vendée, moins sa frange la plus méridionale, et les parties frontalières des départements voisins, Loire-Inférieure (Loire-Atlantique depuis), Maine-et-Loire, Deux-Sèvres… Aussi parle-t-on parfois de Vendée bretonne – dans la Loire-Inférieure -, de Vendée angevine – dans le Maine-et-Loire. Toute la terminologie, complexe, est expliquée dans l’ouvrage. Les codes imposés par la collection « Pour les nuls » sont exploités très intelligemment par l’auteur, Michel Chamard. Comme il se doit dans cette collection, M. Chamard est un spécialiste du sujet, directeur du Centre vendéen de recherches historiques de 2011 à 2014, et professeur à l’ICES – Institut Catholique d’Etudes Supérieures-
« Les Guerres de Vendée pour les Nuls » fait effectivement le tour de la question. L’ouvrage est solide, avec plus de 400 pages à lire. Il a été écrit dans un esprit excellent, avec un souci de grande rigueur historique et d’hommage aux martyrs de la Vendée. Dans sa préface l’auteur avoue que lors de son départ pour la Vendée en 1989, bien que largement adulte, universitaire et historien, il était « nul » sur l’histoire des Guerres de Vendée. Aujourd’hui, grâce à des personnalités militantes comme Reynald Sécher ou Philippe de Villiers, les Guerres de Vendée ne sont plus totalement inconnues, du moins de qui fait l’effort de vouloir les connaître, ce n’est pas si fréquent. L’ouvrage propose aussi une riche bibliographie, de qualité, pour approfondir les questions évoquées dans le livre.
L’ouvrage n’oublie certes pas, exhaustivité nécessaire, les autres « Guerres de Vendée », d’où le pluriel du titre, comme la Petite Guerre de Vendée tentée par Charrette en 1796, la Vendée de 1815 contre le Napoléon des Cent-Jours, la tentative manquée d’insurrection vendéenne lancée par la Duchesse de Berry en 1832. Mais, il se consacre, pour l’essentiel et à juste titre, à la « Grande Guerre de Vendée », celle de mars 1793 à avril-mai 1795. Les dates exactes, à quelques jours près, sont l’objet de conventions discutées et discutables et tout sauf innocentes, car dans une guerre civile il n’y a pas eu de repères simples comme une déclaration de guerre et un armistice concernant toutes les armées impliquées.
BRISER LE MENSONGE OFFICIEL BISÉCULAIRE SUR LES GUERRES DE VENDÉE, ET LE « POPULICIDE » DE VENDÉE
Après la victoire sur le terrain du printemps 1795 ou du moins la pacification obtenue, sur les conseils du général Hoche, par une tolérance religieuse, les Thermidoriens, membres de la Convention au pouvoir après le renversement de Robespierre à l’été 1794, ont réécrit systématiquement l’Histoire.
Et leurs mensonges énormes, évidents pourtant pour les contemporains, ont fini par s’imposer assez vite. Les Thermidoriens sont largement restés en place dans les structures administratives ou universitaires sous les régimes politiques suivants, Consulat, Empire, voire Restauration. Leurs descendants idéologiques ont fondé la République en 1848, puis en 1870. Ce régime républicain n’a fondamentalement pas changé. Depuis plus de deux siècles a été maintenue une occultation systématiques des Guerres de Vendée, et particulièrement du « populicide » – le mot a été inventé à l’époque par le proto-communiste Gracchus Babeuf – de Vendée, avec de l’ordre de 200.000 morts civils. Ce nombre de morts considérable, conséquence de massacres délibérés, localisés, devrait en faire un moment fort de l’enseignement de l’Histoire en France. Eh bien non ! Il est toujours systématiquement occulté, banni de l’enseignement. Les chercheurs officiels ne le cachent plus mais tendent à le minorer ou à le diluer dans les millions des morts des guerres révolutionnaires en Europe, ce qui est une façon du reste fort discutable de défendre la Révolution.
La Troisième République a institué dans les années 1880 un modèle de désinformation scolaire, enseignant au contraire à vénérer les « martyrs républicains » de Machecoul, au nombre très exagéré, ou de l’enfant-soldat Bara, un épisode imaginaire.
La Restauration, régime éphémère (1814-1815-1830) a essayé de célébrer les Guerres de Vendée, mais les a déformées en voulant les voir comme un soulèvement contre la République dictée par une idéologie royaliste structurée. Or c’est historiquement faux : les Vendéens se sont soulevées fondamentalement contre la persécution de l’Eglise catholique. Une possible sympathie pour la personne du roi, mais non pour les structures politiques ou sociales antérieures à 1789, n’est absolument pas synonyme d’idéologie royaliste, structurée, militante et moteur d’une insurrection.
QUE S’EST-IL VRAIMENT PASSÉ ? « LES GUERRES DE VENDÉE POUR LES NULS » PROPOSE UN RÉTABLISSEMENT SALUTAIRE DE L’HISTOIRE
De façon très pédagogique, et après la dénonciation de tous les mensonges délibérés, les erreurs courantes, les ignorances, etc., Michel Chamard dévoile tout simplement l’Histoire, la vraie.
Il explique les Guerres de Vendée par le choc violent entre une Révolution persécutant toujours plus l’Eglise de 1789 à 1793-4, et une région de France restée très catholique, imprégnée en profondeur du catholicisme tridentin au XVIIIème siècle, avec des missionnaires s’inscrivant en particulier dans la lignée de Saint Louis-Marie Grignon de Montfort. Il y a aussi des poches d’incroyance, au moins relative, dans cette future Vendée –le nom ne date que de la Révolution, rappelons-le – correspondant aux villes, aux véritables villes, importantes comme Nantes, ou même de taille réduite comme Luçon ou Fontenay. La Révolution, toute la Révolution, y compris la Terreur en 1793-4, a été, pour les grandes masses de populations de ces villes, suivie de manière docile, sinon enthousiaste. Des pays « bleus » entourent la Vendée, forment même des poches en son sein, ce qui est d’ailleurs un des facteurs d’explication de sa défaite militaire.
Le début des Guerres de Vendée qui correspond, à quelques jours d’écart, à une foule d’insurrections locales en mars 1793, a une cause immédiate : la « levée en masse », c’est-à-dire l’enrôlement forcé dans l’armée de la Révolution pour mener les guerres extérieures, des masses paysannes en France. Il y a eu des phénomènes de résistances, sur un mode beaucoup plus mineur, dans toute la France. La Révolution, théoriquement égalitaire, a multiplié les dispenses d’enrôlement pour ses agents, du personnel administratif aux « capacités » – personnes réputées économiquement essentielles par exemple. Il y a eu donc une indignation paysanne dans toute la France, mais une vraie guerre seulement en Vendée. Ceci montre bien l’importance de la cause profonde du soulèvement vendéen, la persécution de l’Eglise catholique. Les prêtres qui ont refusé en 1790-1 le serment à la « constitution civile du clergé », condamnée par le pape Pie VI comme avant lui par beaucoup de consciences catholiques, l’ont fait pour des motifs graves touchant non seulement aux biens de l’Eglise mais à la Foi. A l’été et à l’automne 1793, la Révolution, tolérant jusque-là une Eglise dite constitutionnelle qui lui était soumise, a franchi un palier supplémentaire dans la persécution avec une claire volonté de « déchristianisation » – le néologisme est d’époque – de la France ; cette attitude a exacerbé la résistance de la Vendée.
Le soulèvement de la Vendée est avant tout populaire, paysan. Les quelques nobles, relativement rares en fait, ont été placés à la tête des combattants du fait de leurs expériences militaires passés. Il ne s’est absolument pas agi de quelques résurgences d’osts féodaux, comme il l’a été écrit facilement dès cette époque pour discréditer les Vendéens, et comme ceci a trop souvent été repris depuis. Ces paysans, combattant pour leur Foi, ont fait preuve le plus souvent d’un courage exceptionnel. Mais ils n’étaient pas des soldats professionnels et ils ont tenu à conserver leurs habitudes, à ne pas trop s’éloigner de chez eux ou à y retourner obstinément. Le commandement militaire, largement nobiliaire, des Vendéens n’a pas pu imposer la plupart des décisions stratégiquement rationnelles. Les villes importantes, souvent prises plusieurs fois comme Saumur ou Angers, ne sont jamais tenues et donc rapidement reprises, sans combats le plus souvent, par les Bleus.
Ainsi, la Virée de Galerne, d’octobre à décembre 1793, la seule grande offensive hors de Vendée militaire des Vendéens, n’obéit absolument à aucune logique militaire. Ce qui est étonnant, avec le recul, est que le désastre final n’ait eu lieu qu’à Savenay, près de Nantes, en décembre 1793. Certes prendre un port important, ou relativement, était une idée rationnelle mais pourquoi spécialement Granville, en Normandie, et non Vannes ou même à nouveau Nantes, après un premier échec au printemps 1793 ? Pour comprendre, il faut faire l’effort de s’immerger dans le cadre si spécifique de la Grande Armée Catholique et Royale, formée surtout de paysans vendéens et galvanisée, un premier temps du moins, par les prophéties erronées du faux évêque d’Agra. N’oublions jamais que des catholiques excellents peuvent parfois être trompés par des imposteurs.
Michel Chamard démontre avec pertinence que la poursuite de la Grande Guerre de Vendée, en 1794, après l’anéantissement de la grande Armée Catholique et Royale à Savenay en décembre 1793, obéit à la logique du populicide délibérément décrété par la Convention dans le cadre général de la Terreur, mais visant spécifiquement la Vendée et toute sa population. Les femmes et les enfants ont été explicitement compris dans les ordres de massacres, nullement réservés aux combattants pris les armes à la main ou même aux hommes adultes supposés être des sympathisants. Les noms des nombreux responsables sont donnés, à commencer par le conventionnel Carnot, équivalent du ministre de la guerre à l’époque des faits, non simple technicien de la chose militaire, comme une historiographie officielle favorable veut le faire croire depuis deux siècles, mais véritable criminel.
Les chefs militaires, parfois zélés, parfois hésitants, mais rarement vrais objecteurs de consciences – il y allait de leur tête – ont suivi un plan établi, organisé par Turreau, qui incluait les « Colonnes Infernales » massacrant toutes les populations rencontrées sur leur route. La Vendée militaire a perdu 20 % de sa population, soit 200.000 habitants, pourcentage énorme, égal à celui de la population massacrée par les Khmers rouges. L’auteur use de multiples précautions pour ne pas utiliser le mot « génocide », et explicitement parler de « génocide vendéen », pour des motifs de prudence probablement dans une collection de grande vulgarisation. L’argument qu’il emploie pour ne pas claironner le terme trop polémique sinon interdit, « l’anachronisme », ne nous paraît guère pertinent. Massacrer délibérément une population est un génocide, et ce à toutes les époques. En outre, si soutenir par exemple que Vercingétorix ou du Guesclin ne respectaient pas les droits de l’homme, et leurs ennemis pas davantage, relève d’un anachronisme évident, ce n’est pas le cas pour des généraux révolutionnaires qui eux se réclamaient tous de la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen », de celle de 1789 comme celle de 1793 ! Ces faits en disent beaucoup sur la réalité de la supposée « émancipation de l’Homme » amenée par la Révolution ; aussi sont-ils d’autant plus systématiquement occultés !
Ainsi, parler de « génocide vendéen » nous semble parfaitement pertinent !
UN GUIDE DES LIEUX DE MÉMOIRE VENDÉENNE ET DES PERSONNAGES
Enfin Michel Chamard ajoute à la description des Guerres de Vendée deux longs compléments très précieux : une forme de guide touristique des lieux de mémoire vendéenne et un dictionnaire des personnages principaux, tant du côté vendéen que républicain.
« Les Guerres de Vendée pour les Nuls » est absolument à amener lors de visites dans la Vendée militaire. Les principaux monuments sont décrits, ainsi que les événements dramatiques qui s’y sont déroulés. Il peut s’agir de musées, de plaques, de vitraux dans les églises. La Vendée a eu ses saints, et aussi ses miracles, dont certains sont présentés. Ainsi, un saint prêtre a eu la révélation que les Colonnes Infernales des Bleus passeraient près du village mais ne le détruiraient pas, contre toute attente humaine ; et c’est exactement ce qui est arrivé ! Il y a vraiment un voyage à faire en voiture dans cette région, qui n’est pas si grande. Nous ajouterions que ce serait aussi l’occasion de visiter les grandes villes proches, aussi marquées par des combats, du moins lors de la Grande Guerre de Vendée, comme Nantes, Saumur, Angers, Le Mans. Des fosses communes de Vendéens, massacrés en décembre 1793 au Mans, ont ainsi été découvertes récemment. Les lieux se retrouvent, mais il n’y a pas au Mans de grands monuments d’hommage, car se serait manifestement contraire à la mémoire républicaine, plutôt exclusive.
Les chefs des Vendéens gagnent à être connus. Les figures héroïques et exemplaires abondent, même si toutes ne le sont pas au même degré. Beaucoup confinent à la sainteté, du moins pour l’ensemble de leur existence, même dans le combat de la Vendée. Ainsi, Bonchamps est admirable en tous points. Charrette avait plus de faiblesses pour ce monde et une démarche plus politique, vraiment royaliste et non de seule défense de la Foi catholique. Il nous a semblé, seule petite réserve que nous pouvons faire sur cet excellent ouvrage, que le portrait de Charrette, sans être fondamentalement erroné, est un peu sévère.
La vraie découverte historique authentique, pour tous ou presque, est celle des services peu glorieux dans les Guerres de Vendée de nombreux généraux républicains dont les noms sont pour beaucoup toujours présents sur l’Arc de Triomphe de l’Etoile à Paris. Pour de grands massacreurs en Vendée comme Turreau, le plus connu, relativement, d’entre eux, c’est absolument scandaleux ! Nous ne reprendrons pas ici les longues listes de ces criminels de guerre toujours honorés, vraiment à lire dans l’ouvrage.
UN OUVRAGE PRÉCIEUX ET UTILE À POSSÉDER DANS SA BIBLIOTHÈQUE
« Les Guerres de Vendée pour les Nuls » est un ouvrage à lire et à relire. Outre les francs et énormes mensonges républicains en usage depuis 1795, niant le génocide vendéen en bloc, subsistent actuellement en permanence dans l’université française officielle des mensonges pernicieux. Ces derniers jouent efficacement sur les chiffres, les dates, les lieux, les personnages secondaires, etc., avec l’apparence d’une érudition historique irréprochable, afin de troubler, faire douter, minimiser les faits… Or ils mentent aussi, et ce simple ouvrage d’excellente vulgarisation peut aider par ses multiples entrées toutes honnêtes à rétablir les vérités historiques.