Quand un prélat retraité comme le cardinal Mahony appelle les Américains à la désobéissance civile, il le fait avec toute l’onction ecclésiastique nécessaire. Donald Trump est la bête noire de cet activiste de l’immigration, et, pour empêcher l’expulsion des clandestins, il est prêt à inverser la doctrine traditionnelle de l’Eglise.
Pendant la trève des confiseurs la révolution continue. Le cardinal Mahony s’était fait connaître pendant ses années d’activité pour ses messes fantaisistes, sa vision rébarbative et politique du christianisme, la chute brutale des vocations de prêtres dans son diocèse, qu’il avait présentée comme une « grâce », enfin pour son activisme frénétique en faveur d’une politique d’immigration à tout va. C’est dans cet esprit qu’il appelle aujourd’hui, à quatre-vingts ans passés, les Américains à la désobéissance civile contre Donald Trump.
Quand le cardinal Mahony appelle, il fait semblant de constater
Il le fait en toute hypocrisie. A sa manière. Pas d’envolées à la Savonarole, juste une incitation présentée comme une constatation : « Je crois que les Américains ne collaboreront pas avec le gouvernement Trump ». A propose de quoi ? A propos de l’immigration et de deux projets du président élu en particulier.
Voici ce que le cardinal écrit dans l’Osservatore romano : « Alors que Donald Trump prévoit plusieurs mesures en matière d’immigration incluant la déportation de onze millions d’immigrés sans papiers et la construction d’un mur sur la frontière du Mexique, le défi le plus urgent que lance son futur gouvernement est sa promesse d’annuler la DACA. » (On aura noté le vocabulaire du cardinal Mahony :déportation pour expulsion et sans papiers pour clandestins.)
Qu’est-ce que la DACA ? La Deferred Action for Childhood Arrival, instituée par Barack Obama en 2012 a pour mission d’empêcher que les lois sur l’immigration ne s’appliquent aux jeunes et aux enfants. Les Américains sont fanatiques d’acronymes. Ils ont inventé aussi celui de DREAM ( qui signifie rêve en anglais), pour Development, Relief and Education for Alien Minors Act. Cette loi, votée par le Congrès américain en 2001 avait pour objectif de tourner le droit sur l’immigration afin « d’accueillir » les enfants des immigrés clandestins entrés clandestinement avec leurs parents sur le sol américain.
Deux nouveaux acronymes américains contre Trump
Les jeunes concernés par le DREAM sont appelés DREAMers (rêveurs). Selon le cardinal Mahony, la DACA aurait permis de « protéger 770.000 DREAMers de la déportation et leur aurait procuré du travail ». En d’autres termes, elle a soustrait près d’un millions de délinquants à la loi. Mais le cardinal ne se félicite pas seulement des atteintes au droit dans le passé, il appelle aussi à la révolte dans l’avenir. Bien que Donald Trump ait la faculté de réduire à néant la DACA d’un trait de plume, « il éprouvera cependant qu’il n’est pas si facile de déporter des jeunes gens. Je crois que les Américains ne le lui permettront pas, tant par le jeu de l’opinion publique que par leur résistance active ».
Et de poursuivre imperturbable : « En d’autres termes, je crois que les Américains ne collaboreront pas avec le gouvernement de M. Trump pour procéder à des déportations de masse, surtout les déportations de jeunes immigrés (…) Des appels s’élèvent déjà des églises et des communautés pour protéger ces immigrés en ne coopérant pas aux restrictions de l’immigration et pour offrir un sanctuaire à ceux qui seront touchés par les décisions de M. Trump ».
L’humanisme joue la désobéissance civile contre l’immigration
Le cardinal Mahony joue classiquement sur la compassion que suscitent les pauvres d’une part, les enfants et les jeunes de l’autre, pour brouiller l’entendement de son lecteur avec des considérations sentimentales. Il n’en commet pas moins, délibérément, un acte délictueux, voire criminel, qui est d’appeler les citoyens américains à se rebeller contre leur dirigeant légitime et légalement élu. Bien que Gandhi ait donné dans un Occident masochiste un lustre particulier à la désobéissance civile, celle-ci est plus un instrument de la révolution qu’une composante de la doctrine catholique qu’est tenu de respecter un cardinal. Mahony devrait savoir que Rome a toujours recommandé à ses fidèles de se soumettre à l’autorité légitime, sauf dans le cas précis où les commandements de celle-ci mènent au péché. Le papier qu’il vient de pondre dans l’Osservatore romano est donc radicalement opposé à la doctrine du Christ.