Interdiction de l’alcool en Irak : le parlement cède à l’islam et vote une loi qui vise les chrétiens

Irak interdiction alcool islam parlement loi vise chrétiens
 
La grande presse française rend compte de la nouvelle mais ne la place pas dans son contexte. Le Parlement irakien, profitant de la discussion d’une loi sur l’organisation municipale, vient d’interdire l’alcool dans le pays. Chose que rapportent les journaux français. Mais c’est dans la presse britannique, dans un journal aussi conformiste que le Times, que l’on peut lire d’emblée que cette loi vise directement et principalement les chrétiens, et qu’elle est une mesure extrémiste.
 
Tout le monde est d’accord pour y voir aussi une « victoire » de l’État islamique, avec le paradoxe de l’actualité qui a voulu qu’elle soit adoptée alors même que la grande offensive pour la reprise de Mossoul est en cours. Véritable pied de nez des élus irakiens, la loi de Prohibition, version irako-islamique, est à la fois une manière de rappeler que la question de l’extension de l’islam est très loin de se réduire à celle de l’État islamique, et que le chaos créé par les interventions occidentales en Irak n’a pas fini de porter ses fruits amers.
 

L’interdiction de l’alcool adoptée par surprise en Irak

 
Adoptée par surprise samedi soir, la loi interdit l’importation, la production ou la vente de boissons alcooliques. Le délit encourt une amende maximale de 25 millions de dinars irakiens, soit près de 19.000 euros.
 
L’islam chiite prédominant en Irak ne cache pas sa réprobation à l’égard de l’alcool, mais les boissons alcoolisées sont disponibles dans certains bars, hôtels et magasins. Et ils sont pour la plupart entre les mains de chrétiens, principales victimes de la mesure y compris à travers la perte de leur gagne-pain.
 
Le député Mahmoud al-Hassan, juge chiite et membre de la coalition de l’Etat de droit (sic – il s’agit donc de la charia !) qui forme le bloc le plus important au parlement, affirme que « cette loi est nécessaire pour préserver l’identité de l’Irak en tant que pays musulman ». Où, pourtant, la population chrétienne aujourd’hui réduite à une minorité de plus en plus fragile est historiquement chez elle depuis bien avant la conquête islamique… Alors que la coalition de l’Etat de droit comporte de plus en plus d’éléments chiites durs, il est en effet difficile de ne pas voir dans la Prohibition instaurée du jour au lendemain une mesure plus que vexatoire à l’égard de la communauté chrétienne : c’est l’ouverture à une nouvelle forme de persécution, encore plus dure que celle subie aujourd’hui.
 

La loi bannit l’alcool, mais vise les chrétiens

 
Même le quotidien La Croix, qui se contente de reproduire la dépêche sibylline en ce qui concerne les conséquences pour les chrétiens d’Irak, ne pense pas à poser la première question qui devrait lui venir à l’esprit en tant que média chrétien et proche de l’épiscopat : quid de la célébration de la messe qui exige de pouvoir disposer de vin ? Certes la consommation n’est pas pénalisée mais encore faut-il pouvoir produire, acheter ou importer cette substance matérielle essentielle au Saint sacrifice.
 
Les élus chrétiens au parlement irakien, puisqu’il y en a, qualifient la loi d’injuste et d’anticonstitutionnelle, affirmant qu’elle a été introduite subrepticement dans un projet de loi sans que les députés en aient été avertis. Au départ, le projet originel se contentait de faire peser de nouvelles taxes sur les magasins et les restaurants vendant de l’alcool.
 
S’ouvre désormais une bataille autour de la constitution. Selon le député chrétien Joseph Slaiwa, la mesure lui est contraire « parce qu’elle reconnaît les droits des minorités non musulmanes et des groupes ethniques qui vivent aux côtés des musulmans en Irak ». « A ces législateurs musulman je dis : occupez-vous de votre religion et laissez-nous la nôtre », a-t-il déclaré.
 

Le parlement irakien dominé par l’islam et donc la charia

 
Un autre élu chrétien, Yonadam Kanna, a annoncé qu’il porterait l’affaire devant la cour fédérale, précisant : « C’est une violation des libertés de tous, et non d’un certain groupe. »
 
Côté islamique, on a beau jeu de souligner que la constitution interdit toute mesure contraire aux préceptes de l’Islam.
 
Ce n’est pas la première fois qu’une mesure contre l’alcool est prise en Irak. Les ventes avaient été interdites en 2006 dans la foulée de la chute de Saddam Hussein. Mais les magasins d’alcool avaient pu ouvrir leurs portes trois ans plus tard.
 
Aujourd’hui, 16 pays dans le monde sont sous le régime d’une restriction de l’alcool, mais seule une poignée impose activement une interdiction totale, parmi lesquels l’Arabie Saoudite, la Libye et le Koweït.
 

Anne Dolhein