« Scandale » en Irlande : un dépliant anti-avortement distribué en même temps que le catalogue du marchand de jouets Banba Toymaster à Dublin

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Les communiqués se succèdent et la presse irlandaise ne parle que de ça : du « matériel provie » a été trouvé à l’intérieur des catalogues de jouets distribués pour le compte du magasin Banba Toymaster à Dublin. Pire : des enfants innocents ont été exposés à cette « littérature inconvenante », où l’on apprenait entre autres qu’à dix semaines, l’enfant à naître peut donner des coups de pieds, sauter et bailler. Le dépliant anti-avortement fait partie du matériel de campagne en vue du référendum du 25 mai prochain, où les Irlandais seront invités à s’exprimer sur le maintien ou le retrait du huitième amendement de la constitution qui affirme l’égal droit à la vie de la femme enceinte et de l’enfant qu’elle porte.
 
Le tollé n’aurait pas été pire s’il s’était agi d’images pornographiques.
 
En l’espace de deux jours, l’enseigne Banba Toymaster a présenté ses excuses par voie de communiqués et de messages sur les réseaux sociaux, suppliant les parents, « S’IL VOUS PLAÎT, S’IL VOUS PLAÎT », de vérifier les catalogues reçus dans leurs boîtes aux lettres pour en extraire si besoin « tout insert inapproprié » avant de les passer à leurs enfants.
 

Un dépliant anti-avortement distribué avec le catalogue de jouets Banba Toymaster provoque la colère de parents

 
De son côté, la société de distribution de dépliants publicitaires Leaflet Company Ireland s’est longuement expliquée, confirmant que les tracts pro-vie avaient bien été distribué en même temps que les catalogues, parce qu’elle distribue toutes sortes d’imprimés, travaillant d’ailleurs à la fois pour les pro-vie et pour les organisations favorables au retrait du huitième amendement afin de rendre l’avortement légal possible en Irlande. Aussitôt qu’elle avait été interpellée par Toymaster à propos des imprimés de « Life before Birth » (La vie avant la naissance), elle avait d’ailleurs cessé cette distribution simultanée. Elle ne comprenait pas comment le dépliant avait pu se retrouver à l’intérieur du catalogue, puisque ne possède même pas de machines d’encartage et que tout est distribué en vrac.
 
Leaflet Company Ireland ajoute qu’elle fait en général attention à ne pas distribuer en même temps certains types de publicité : par exemple, les dépliants de livreurs de pizza concurrents. Question : en quoi y a incompatibilité entre une publicité pour jouets et un appel à respecter la vie avant la naissance ? Il y a même une certaine cohérence, puisque les enfants à naître d’aujourd’hui sont les « cibles » de demain pour les marchands de peluches et autres petites voitures.
 
Mais c’est peut-être justement cela qui a touché un point sensible.
 
Les commentaires de parents furieux valent le déplacement. Une certaine Ailish Farragher écrit sur la page Facebook de Banba Toymaster : « Je l’ai vu et c’était anti-choix, plein de contre-vérités et vraiment pas convenables pour mon enfant de neuf ans. » Un autre internaute remercie l’entreprise de sa réactivité : « Merci d’avoir réglé ce problème. Nous avons malheureusement reçu le fameux dépliant, heureusement, j’étais au courant de cette possibilité et j’ai réussi à arracher le catalogue à mes enfants de cinq et trois ans avant qu’ils n’aient pu y être exposés. J’espère que vous avez clairement fait comprendre à votre distributeur que cela est complètement inacceptable. »
 

Une partie de l’Irlande votera sur l’avortement – c’est beaucoup moins scandaleux…

 
A l’heure de l’éducation sexuelle explicite et du porno chic qui envahit magazines et espaces publicitaires, ce n’est pourtant sans doute pas l’image d’un fœtus à 10 semaines qui peut traumatiser un gamin. Ou bien les Irlandais seraient-ils si prudes qu’ils trouvent indécentes des images de fœtus ? On peine à le croire, d’autant qu’il s’agissait simplement de montrer que l’enfant à naître est un enfant et donc un être humain comme les autres…
 
Il y a fort à parier que ce ne sont pas des parents pro-vie qui se sont plaints.
 
Mais de quoi ont donc peur les autres ? De devoir expliquer à leurs enfants qu’il est des mères qui choisissent de tuer leur propre enfant avant sa naissance. Et que cet enfant qu’on éliminé ressemble à ça. Insupportable.
 
La dimension prise par cette tempête dans une tasse de thé irlandais se comprend en réalité fort bien : c’est la vérité des images qui dérange, et l’idée que des enfants qui ont bien du bon sens puissent comprendre que leurs propres parents revendiquent un droit de vie et de mort sur leur progéniture.
Qu’on puisse envisager de voter pour cela n’est pas un problème : ne nous trompons pas de convenances !
 

Jeanne Smits