On moque son accent d’Oxford, incroyablement upper class (des hautes sphères de la société), son mariage traditionnel – il vient d’avoir son sixième enfant – et la « nanny », la bonne d’enfants qui s’occupe de sa famille depuis deux générations. Aujourd’hui, il est la cible d’une campagne de haine de la part d’une bonne partie du monde politico-médiatique britannique, puisqu’il a « avoué » lors d’une émission de télévision très regardée, Good Morning Britain sur ITV, qu’il adhère à l’enseignement de l’Eglise catholique sur le mariage et qu’il est personnellement opposé à l’avortement en toutes circonstances.
Face aux critiques virulentes dont il a fait l’objet il a posté un tweet avec le passage controversé de l’entretien, simplement légendé : « … Et unam, sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam. » En tant que membre du Parlement de Sa Majesté, député de l’arrière-ban comme on le dit en Angleterre des élus de second plan, Rees-Mogg n’a que peu de chances de devenir un jour le leader du parti conservateur. Mais son nom circule de plus en plus alors que Theresa May déçoit. Interrogé sur le fait de savoir s’il briguait la tête des Tories, il a affirmé être sûr à 99 % qui n’occuperaient jamais ce poste et que d’ailleurs, il soutenait Mme May. Mais il a refusé d’exclure totalement cette possibilité.
Le conservateur britannique qui n’a pas peur de dire ce qu’il pense
Cette déclaration modeste a provoqué un tsunami d’indignation, de la part de politiques, de journalistes, et bien sûr du lobby de l’avortement du très officiel BPAS (British Pregnancy Advisory Service) qui l’ont tous qualifié de « sectaire », « intolérant », « rétrograde », « archaïque » au mieux, « extrémiste » au pire. Du côté du planning familial, on l’accuse d’avoir utilisé son pouvoir au Parlement pour voter pour des lois qui auraient « fait diminuer les droits reproductifs ». Autrement dit, renchérit la grande presse, des lois qui auraient porté atteinte aux droits de l’homme.
Jacob Rees-Mogg avait toute raison de penser que ses déclarations auraient cet effet. Lors de l’émission sur ITV, face à un intervieweur extrêmement hostile, Pearce Morgan, l’homme politique s’est montré extrêmement ferme sur sa position personnelle, même s’il n’est pas allé jusqu’à affirmer vouloir changer la loi. C’était déjà assez pour déclencher une vague de critiques au niveau national.
Interrogé sur le mariage homosexuel, il s’est contenté de répéter qu’il adhérait pleinement à l’enseignement « parfaitement connu » de l’Eglise catholique au sujet du mariage, sans se laisser intimider par son interlocuteur. Rees-Mogg a également tenu bon en reconnaissant et en confirmant qu’il était à titre personnel totalement opposé à l’avortement volontaire, même en cas de conception à la suite d’un viol incestueux. « Oui, je le crains. La vie est sacro-sainte et elle commence au moment de la conception, et je pense que c’est mal. » On pourra regretter que l’élu ait insisté sur l’aspect personnel de ses opinions, affirmant par exemple qu’il se plaçait du point de vue du sacrement du mariage sur lequel le Parlement n’a aucun pouvoir. Ou encore, pour l’avortement, que la loi autorisant une femme victime d’un viol à avorter « n’allait pas changer ». Cela limite évidemment la portée de son propos, comme le soulignent certains défenseurs de la vie au Royaume-Uni, mais tous reconnaissent son courage et l’importance de ses déclarations, quasi inouïes par les temps qui courent de la part d’un homme politique de quelque pouvoir et ambition, affirmant sans faillir ce qu’il sait et croit en la matière.
Jacob Rees-Mogg ne recule pas d’un iota – il est opposé à l’avortement et au mariage gay
A propos de l’avortement, notamment, Jacob Rees-Mogg a souligné il ne s’agit pas d’une affaire privée entre deux personnes comme pourrait l’être le « mariage » homosexuel (oubliant au passage que le mariage est véritablement une affaire publique et sociale), mais que cela implique une tierce personne, l’enfant à naître.
Commentaire du professeur Joseph Shaw de l’université d’Oxford : ce sont véritablement des sujets qui ne se limitent pas à la sphère de la croyance religieuse de la foi, mais qui sont du domaine de la loi naturelle. « Cependant, il n’est ni théologien ni philosophe, alors nous devrions peut-être le saluer déjà pour la simple raison qu’il avoue avoir un point de vue catholique », a-t-il noté.
Brexit, messe traditionnelle, famille nombreuse : Jacob Rees-Mogg peut-il prendre la tête des Tories ?
Les associations provie sont beaucoup plus enthousiastes, félicitant Jacob Rees-Mogg pour son « courage », tandis qu’un chroniqueur du Spectator, Freddy Gray, a souligné qu’il en faut beaucoup pour tenir ce genre de discours à la télévision publique. Il ne pense pas que le parlementaire ait gâché ses chances de devenir un jour le chef du parti conservateur dans la mesure où on peut au moins le créditer d’être un homme de principes.
Avec son allure d’ancien élève d’Eton, un passé qu’il assume totalement, sa courtoisie désuète, sa capacité d’autodérision et son affabilité, Jacob Rees-Mogg est en train de séduire les plus conservateurs, et parmi les autres, ceux qui ont de l’humour et du respect pour l’homme intègre qu’il est à l’évidence. On ne sera pas surpris d’apprendre qu’il préfère la liturgie traditionnelle – ce pratiquant régulier assiste à la messe en forme extraordinaire dès qu’il le peut. Ni qu’il a soutenu le Brexit.
Longue vie à lui !