« 2 + 2 = 5 » : le jésuite Spadaro met en cause la certitude en théologie catholique

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Chercheur de premier plan pour la plateforme Voice of the Family (la voix de la famille), Matthew McCusker livre son analyse d’un récent tweet du père jésuite Antonio Spadaro, confident du pape François, qui selon lui met en cause la certitude en théologie catholique. « La théologie ce n’est pas les #Mathématiques. 2 + 2 en #Theologie peut faire 5. Parce qu’il s’agit de #Dieu et de la vraie #vie des #gens… », écrivait-il le 5 janvier dernier.
 
La vérité mathématique toute simple, deux plus deux égalent quatre, n’aurait-elle donc pas cours dans la recherche théologique ? Et pour ce qui est d’annoncer que 2 + 2 = 5, cela renvoie à des sources inquiétantes. McCusker rappelle le passage de 1984 où Orwell écrit :
 
« A la fin, le Parti annoncerait que deux et deux font cinq, et on serait obligé de le croire. Il était inévitable qu’ils l’affirment, tôt ou tard : la logique de leur position l’exigeait. Ce n’est pas seulement la validité de l’expérience, mais l’existence même de la réalité extérieure qui était tacitement contredite par leur philosophie. »
 

2+2=5 : ce qui n’est pas vrai en mathématiques ne l’est pas en théologie

 
On pourrait presque se contenter de ces mots pour critiquer l’assertion du père Spadaro. Lui, le défenseur sans relâche d’Amoris laetitia exprimait dans son tweet quelque chose qui paraît en effet logique à ceux qui voient dans l’exhortation apostolique une contradiction directe de l’enseignement de l’Eglise catholique sur de nombreux points. C’est bien en raison de ces contradictions, rappelle le porte-parole de Voice of the Family, que quatre cardinaux ont soulevé des doutes, demandant au pape François de clarifier les passages du texte qui suscitent leurs « Dubia ». Dans cette affaire, que ce soit par le dénigrement des questions précises et de leurs auteurs ou par la mise en évidence de sa propre conviction selon laquelle le pape ne répondra pas, le père Spadaro a clairement pris parti. Et cela passe, en effet, par l’abandon d’une logique de réalisme et de vérité.
 
La question est bien celle du principe de non-contradiction : ne pas croire que deux affirmations contradictoires puissent être en même temps vraies sous le même rapport. On ne peut croire en même temps ce que l’Eglise professe et enseigne, et croire simultanément des affirmations d’Amoris laetitia qui, selon une interprétation raisonnable, semblent contredire cette doctrine.
 
« Que l’intelligence doive porter son assentiment, en même temps, à deux propositions contradictoires est contraire à sa propre nature, qui est de connaître la vérité », observe McCusker, ajoutant que pour cela, dans le cas de la foi catholique et de certaines propositions de l’exhortation apostolique, il faut d’abord violer ce premier principe du raisonnement humain, sans lequel il est impossible aux êtres humains de tenir quoi que ce soit pour certain. Ce serait la fin de la vérité objective.
 

Le jésuite Antonio Spadaro au secours des contradictions d' »Amoris laetitia »

 
De la déclaration de Spada il faut en effet logiquement tirer l’idée que l’on ne peut aboutir au même degré de certitude dans le domaine théologique que dans le domaine mathématique. « Il semble sous-entendre qu’alors que les mathématiques sont une science objective où il y a toujours une réponse juste ou une réponse fausse, la théologie est plus subjective et que ses conclusions ne doivent pas obligatoirement être considérées comme toujours vraies ou fausses. »
 
Ce qui est faux, commente McCusker. « La théologie est une science dont l’objet premier est Dieu, et l’objet second la révélation divine. Saint Thomas d’Aquin nous dit, dans la première question de la Somme théologique, que la théologie offre une « certitude plus grande » que n’importe quelle autre science. Les mathématiques, et d’autres sciences spéculatives semblables, « tirent leur certitude de la lumière naturelle de la raison humaine, qui peut se tromper ». La théologie, à l’inverse, « tire sa certitude de la lumière de la connaissance divine, qui ne peut pas être trompée ». Ainsi l’Eglise peut-elle appeler tous les catholiques à donner leur sûr et entier assentiment à tout ce que l’Eglise définit et enseigne comme étant révélé par Dieu, et à rejeter tout ce qui le contredit. » Et ce grâce à l’autorité de Celui qui ne peut ni se tromper, ni nous tromper.
 

Les certitudes catholiques valent mieux que les mathématiques

 
C’est l’hérésie du modernisme, poursuit McCusker, qui nie la capacité de l’intelligence humaine a adhérer avec certitude à la vérité de n’importe quelle réalité au-delà de l’ordre des sens. « La raison humaine est entièrement confinée au champ des phénomènes, à savoir les choses perceptibles au sens, et de la manière dont elles sont perceptibles ; elle n’a ni le droit ni le pouvoir de transgresser ces limites », écrivait saint Pie X dans Pascendi Dominici gregis. Cela posé, aucun homme ne pourrait plus donner son assentiment absolu à quelque doctrine que ce soit à propos de Dieu ou de l’ordre surnaturel.
 
C’est bien en ce sens qu’il serait impossible d’affirmer qu’une proposition théologique est certainement vraie, et dès lors à peu près n’importe quoi pourrait être vrai en théologie – même l’absurde, comme deux plus deux font cinq.
 
La vérité de Dieu dépasse certainement l’ordre mathématique, et l’homme ne se réduit pas à des chiffres. Mais ce n’est pas cela que dit Spadaro : il nie la réalité des vérités tranchantes, des principes qui dérangent les petits arrangements humains, des conséquences logiques tirées de vérités certaines. C’est tout le débat de la pastorale opposée – faussement – à la doctrine, alors que l’adhésion à celle-ci a pour but pastoral, précisément d’ouvrir à l’homme les portes de ce ciel dont il n’est pas digne, et de l’y conduire.
 

Anne Dolhein