DRAME/DRAME SOCIAL
Manchester by the sea ♥♥

 
Le Manchester dont il est question dans Manchester by the sea n’est pas la grande ville du Royaume-Uni, mais un Manchester-sur-mer inconnu, sis la côte de l’extrême Nord-Est des Etats-Unis. Le climat y est canadien, avec un hiver, long, froid, rigoureux. C’est une petite ville de pêcheurs, où tous se connaissent. Seulement la pêche est un métier dangereux, difficile, et, à l’échelle artisanale du moins, et il n’y a là-bas que des artisans, fort peu rentables. Les bateaux coûtent cher, et cher à entretenir. Les moteurs sont aussi coûteux. A quoi s’ajoutent les pièces de rechange, les filets, le carburant…Le film propose comme une intéressante leçon de choses à ce sujet. Un patron-pêcheur, qui se savait malade, et avait déjà eu de nombreuses alertes de santé, meurt brutalement. Il laisse un grand fils orphelin de seize ans. S’il est physiquement grand, il est encore mineur. Sa maturité laisse aussi à désirer. Il n’est précoce que dans la débauche, ce que, à notre triste époque, personne ne lui reproche, même pas pour le principe. Sa mère, alcoolique et droguée, a disparu depuis longtemps.
 

Manchester by the sea : une véritable tragédie, aux confins du drame personnel et du drame social

 
La justice, suivant le testament du père, a donc décidé de le confier à son oncle paternel. Ce dernier travaille certes ; il est concierge à Boston. Mais le problème est qu’il souffre d’un alcoolisme chronique, qui se double d’une tendance à un comportement agressif et asocial. Lucide sur son état, il craint de ne pouvoir faire face à la lourde responsabilité consistant à s’occuper de son neveu – qui refuse d’ailleurs absolument son autorité – et de ses affaires. Organiser une cérémonie funéraire est compliqué en pratique. Elle doit en outre se dérouler en deux étapes à Manchester by the sea, puisqu’un mort ne peut être enterré qu’après le dégel de la terre, soit plusieurs mois plus tard s’il est mort au début de l’hiver, ce qui est le cas. Puis, que faire ? L’antihéros n’en sait rien.
 
Manchester by the sea propose le récit d’une tentative de rédemption. L’oncle a connu un drame terrible – que nous ne révélerons pas ici – causé par sa négligence, négligence elle-même liée à un contexte de consommation d’alcool et de drogue. Soit le film tirera sur la corde attendue d’une évolution positive, mais il paraîtra alors prévisible et irréaliste…Soit il se développera de manière logique et constatera, malgré les velléités de l’oncle, qu’il est certainement très difficile, sinon impossible, de sortir de décennies d’alcoolisme. L’alcoolisme est vraiment un fléau social, ce qu’il est toujours bon de rappeler.
 
Le film est dur, très dur parfois, beaucoup plus dans la violence morale que physique. Manchester by the sea est une véritable tragédie, aux confins du drame personnel et du drame social. Tout sauf joyeux, il séduira les amateurs d’histoires tristes, rigoureusement construites, avec souvent en sus un aspect quasi-documentaire.
 

Hector JOVIEN

 
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