LifeSite vient d’attirer l’attention sur un discours fait par Jean-Paul II aux prêtres sur le thème de la « procréation responsable » en 1984, dans lequel il les avertissait en termes prophétiques des difficultés qu’ils auraient à souffrir s’ils rappelaient avec constance l’enseignement de l’Eglise sur le mariage, le remariage et la contraception, invoquant naturellement l’encyclique Humanae vitae et les questions de conscience qui aujourd’hui sont disputées jusqu’au sein de l’Eglise. Sans doute le pape de Familiaris consortio et de la « théologie du corps » n’imaginait-il pas le tour que prendraient les événements alors que l’affirmation de la doctrine traditionnelle de l’Eglise sur la morale conjugale est aujourd’hui relativisée jusque dans des documents romains.
Il est donc utile de revenir vers cet enseignement qui éclaire l’actualité en pointant toutes les difficultés liées à ces exigences, mais qui affirme de manière éclatante la beauté et la nécessité de la vérité.
“Amoris laetitia” : plus prophétique qu’il ne l’imaginait, Jean-Paul II avait tout prévu
Pour ce qui est de la conscience, notamment pour l’application des préceptes d’Humanae vitae qui proscrit toute manœuvre contraceptive, Jean-Paul II expliquait l’importance de « réconcilier la conscience humaine des époux avec le Dieu de la vérité et de l’amour ». « Quand, en effet, la conscience humaine est-elle “réconciliée”, quand est-elle dans une paix profonde ? Lorsqu’elle est dans la vérité. Et les deux documents cités, dans la fidélité à la tradition de l’Eglise, ont enseigne la vérité de l’amour conjugal, en tant qu’il est communion de personnes », affirmait le pape devant ces prêtres soucieux de venir réellement en aide aux couples chrétiens.
C’est un enseignement qui ne souffre pas d’édulcoration :
« Que signifie “réconcilier la conscience des époux avec la vérité de leur amour conjugal” ? Lorsque ses contemporains demandèrent à Jésus s’il était permis au mari de répudier sa femme, il répondit en se référant “au commencement”, c’est-à-dire au projet originaire du Créateur sur le mariage. Vous aussi, qui comme prêtres, opérez au nom du Christ, vous devez montrer aux époux que ce qui est enseigné par l’Eglise sur la procréation responsable n’est pas autre chose que ce projet originaire que le Créateur a imprimé dans l’humanité de l’homme et de la femme qui s’épousent, et que le Rédempteur est venu rétablir. La règle morale enseignée par Humanae vitae et par Familiaris consortio est la défense de la vérité entière de l’amour conjugal, parce qu’elle exprime les exigences imprescriptibles de cet amour. »
Il faut aussi écouter la suite, à l’heure où il est de bon ton d’expliquer que certains couples ne sont pas en mesure d’entendre cette vérité, et qu’il peut même être bon pour eux, voire conforme à la volonté de Dieu, de choisir un comportement contraire aux préceptes de la loi divine, comme le recours à la contraception ou le fait de vivre conjugalement au sein d’un remariage :
« Soyez-en certains, lorsque votre enseignement est fidèle au magistère de l’Eglise, vous n’enseignez pas quelque chose que l’homme et la femme ne peuvent pas comprendre. Même l’homme et la femme d’aujourd’hui. En réalité, cet enseignement que vous faites résonner à leurs oreilles est déjà inscrit dans leur cœur. L’homme et la femme doivent être aidés à lire en profondeur cette “écriture dans le cœur”. Et le fait qu’au cours de ces trois jours d’études vous ayez voulu découvrir les raisons du magistère de l’Église ne signifie-t-il pas que vous voulez distinguer toujours plus clairement les voies par lesquelles vous voulez conduire les époux à la vérité profonde sur eux-mêmes et sur leur amour conjugal ? »
Les prêtres ont à souffrir de leur opposition au remariage et à la contraception parce qu’ils disent la vérité
Puis vint cet avertissement prophétique :
« Vous savez bien que souvent la fidélité de la part de prêtres – disons même de l’Eglise – à cette vérité et aux règles morales qui en découlent, celle, veux-je dire, qu’enseignent Humanae vitae etFamiliaris consortio, doit être souvent chèrement payée. On est souvent tourné en ridicule, accusé d’incompréhension et de dureté, et d’autres choses encore. C’est le sort de tout témoin de la vérité, comme nous le savons bien. Ecoutons encore une page de saint Augustin : “Mais pourquoi la vérité engendre-t-elle la haine”, se demande le saint docteur ? “En réalité, répond-il, l’amour de la vérité est tel que ceux qui aiment un objet différent prétendent que l’objet de leur amour est la vérité ; et parce qu’ils détestent être trompés, ils détestent qu’on les convainque qu’ils se trompent. C’est pourquoi ils haïssent la vérité, par amour de ce qu’ils croient être la vérité. Ils l’aiment quand elle resplendit, ils la haïssent quand elle contredit.” (Confessions 10, 23, 34.)
« Avec une humble et simple fermeté, soyez fidèles au magistère de l’Eglise sur un point d’une importance aussi décisive pour les destinées de l’homme. »
Pour Jean-Paul II, la vraie difficulté à laquelle sont confrontés les couples qui ne respectent pas le dessein de Dieu pour le mariage et la famille vient de ce que « le cœur de l’homme et de la femme est habité par la concupiscence : et la concupiscence pousse la liberté à ne pas consentir aux exigences authentiques de l’amour conjugal. »
Faut-il le rappeler ? Le mot « concupiscence » ne figure même pas dans Amoris laetitia, qui parle pourtant d’abondance des formes d’amour charnel non conformes à la loi divine…
Jean-Paul II aux prêtres : l’enseignement de l’Eglise sur le remariage et la contraception n’est pas un « idéal »
C’est encore à cette occasion que Jean-Paul II a explicitement rejeté l’idée que l’enseignement de l’Eglise dans ce domaine ne fait que proposer un « idéal » (comme l’affirment le cardinal Kasper et consorts et comme le suggère Amoris laetitia) inatteignable, sauf par le petit nombre :
« Ce serait une erreur très grave que d’en conclure que la règle enseignée par l’Église est en elle-même seulement un “idéal” qui doit ensuite être adapté, proportionné, gradué, selon, dit-on, les possibilités concrètes de l’homme : selon un “équilibrage des divers biens en question”. Mais quelles sont les “possibilités concrètes de l’homme” ? Et de quel homme parle-t-on ? De l’homme dominé par la concupiscence ou bien de l’homme racheté par le Christ ? Car c’est de cela qu’il s’agit : de la réalité de la rédemption par le Christ.
« Le Christ nous a rachetés ! Cela signifie : il nous a donné la possibilité de réaliser l’entière vérité de notre être ; il a libéré notre liberté de la domination de la concupiscence. Et si l’homme racheté pèche encore, cela est dû non pas à l’imperfection de l’acte rédempteur du Christ, mais à la volonté de l’homme de se soustraire à la grâce qui coule de cet acte. Le commandement de Dieu est certainement proportionné aux capacités de l’homme : mais aux capacités de l’homme auquel est donné l’Esprit-Saint ; de l’homme qui, s’il est tombé dans le péché, peut toujours obtenir le pardon et jouir de la présence de l’Esprit. »
Pour ce qui est des souffrances qui attendaient les prêtres fidèles à cet enseignement, on en voit aujourd’hui la réalité jusque dans l’Eglise, rappelle LifeSiteNews en donnant l’exemple des cardinaux Burke et Pell écartés de la Congrégation pour le culte divin (où le cardinal Sarah, tout aussi orthodoxe, est en butte aux manœuvres de subordonnés), du Pr Josef Seifert renvoyé d’une université catholique en Espagne après avoir critiqué Amoris laetitia, et du cardinal Gerhard Muller, démis quasiment du jour au lendemain de son poste de préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi.
Il faut y ajouter le démantèlement de fait l’Académie pontificale pour la famille, fondée par saint Jean-Paul II, dont les membres attachés à l’enseignement traditionnel de l’Eglise sur la morale conjugale ont été pour la plupart rejetés.